Agriculture. La baraka Akhannouch !

Reconduit à la tête du département de l’Agriculture, Aziz Akhannouch fait l’unanimité auprès des professionnels du secteur. Les raisons d’un plébiscite.

Nous sommes le 1er janvier. Aziz Akhannouch ministre sortant de l’Agriculture et de la Pêche maritime démissionne du RNI, passé à l’opposition au lendemain des législatives. Trois jours plus tard, l’homme est reçu au palais de Rabat avec la nouvelle équipe gouvernementale de Abdelilah Benkirane. Désormais sans appartenance politique, il fait partie des cinq ministres technocrates du nouvel Exécutif. La nouvelle fait tâche dans les milieux politiques et l’opposition qui attend le gouvernement islamiste au tournant crie au scandale. Mais chez les professionnels du secteur agricole, c’est une toute autre tendance qui se dégage : « Je suis content de la reconduction d’Akhannouch, nous confie Ahmed Ouayach, président de la Comader, la plus grande confédération agricole du pays. Il a fait du très bon travail durant son premier mandat, il fallait bien lui donner une chance pour terminer le boulot ». Même son de cloche auprès de Boubker Belkora, l’un des gros exploitants agricoles de Meknès et président de la Fédération de développement de l’arboriculture : « C’est l’un des meilleurs ministres de l’agriculture de l’histoire du pays. Sa nomination pour un second mandat nous rassure. On ne change pas une équipe qui gagne ! ».

Monsieur propre                                 

Cette unanimité autour de la personne d’Akhannouch dépasse le cadre restreint de la profession. L’homme a également du respect auprès du citoyen lambda, qui l’accrédite d’homme « sérieux » et surtout de « ministre clean ». Une image qu’il a façonnée depuis le premier jour de son investiture en 2007 quand il a décidé – une première dans l’histoire du Maroc politique – de renoncer à son salaire de ministre. Il fait mieux : les conseillers qu’il recrute dans le temps pour son cabinet sont tous des salariés du groupe Akwa (holding de tête du groupe d’entreprises de la famille Akhannouch et ses associés les Wakrim) et coûtent donc zéro dirham à l’Etat. L’homme prend également à ses propres frais les travaux de réaménagement et d’ameublement du bureau ministériel hérité de son prédécesseur Mohand Laenser… Des gestes dignes d’un politique scandinave et qui ont fait exploser la côte de popularité du milliardaire devenu ministre.

Mais au-delà de ces gestes symboliques, c’est le travail accompli par le ministre dans le département de l’agriculture qui lui vaut aujourd’hui les faveurs de tous. A peine assis sur son maroquin, Akhannouch lance une étude de grande envergure qu’il confie au cabinet international Mc Kinsey. Le résultat tombera quelques mois plus tard sous forme d’une nouvelle stratégie pour le secteur. Elle sera baptisée « Plan Maroc Vert ». Critiqué sur le choix du prestataire, qui « n’est pas connu spécialement pour ses compétences dans le secteur agricole », comme le signale Omar Balafrej, président de la Fondation Abderrahim Bouabid, la vision Akhannouch finira par faire l’unanimité chez les professionnels du secteur, mais obtient surtout l’aval du palais, le roi l’ayant lui-même lancé lors des premières assises de l’agriculture de Méknès de 2008. Ce sera la première victoire du nouveau ministre de l’Agriculture.

En avant toute

«On avait honte de dire qu’on est agriculteur. Aujourd’hui, nous en sommes fiers et nous le clamons haut et fort, signale Boubker Belkora. Nous avons aujourd’hui une stratégie claire, et le ministère de l’agriculture longtemps délaissé, est devenu aujourd’hui un ministère de souveraineté. Cela montre qu’il y a une réelle volonté politique pour aller de l’avant ». Dans son diagnostic, Akhannouch part d’un constat très simple ou plutôt d’un paradoxe : l’agriculture, censée être le dynamo de l’économie marocaine, est gérée selon des méthodes archaïques. Et la pauvreté fait rage dans la campagne. Pour remédier à cela : le plan Maroc vert est réparti en deux piliers. Le premier vise à moderniser le secteur à coup d’injections de milliards. Le second, lui, est dédié à l’amélioration du niveau de vie du paysan.

Piloté par une cellule dédiée, l’agence de développement agricole, la stratégie d’Akhannouch ne met pas beaucoup de temps pour se mettre en marche. Le fellah, petit et gros, ressentira ses retombées immédiatement après son entrée en vigueur. Les subventions étatiques sur les engrais, semences et autres intrants agricoles, principaux centres de coût pour les agriculteurs, explosent. Besoin d’installer un système d’irrigation ? L’Etat prend en charge la totalité de l’investissement pour les petits agriculteurs exploitants des terres de moins de 5 hectares et 80% pour les plus nantis. Une aide publique à l’équipement est également consentie. Ainsi, pour chaque tracteur, moissonneuses ou ramasseuses… acheté, l’Etat verse entre 35 et 60% du montant de la facture. Le reste, c’est le Crédit Agricole qui le prend en charge sous forme de prêt à taux avantageux. « Le Crédit agricole n’a jamais été aussi réactif. Il y à peine 5 ou 6 ans, les crédits prenaient au moins un an pour être débloqués. Aujourd’hui, les dossiers sont traités en un temps éclair », commente le journaliste spécialisé Charaf Jaidani.

Maroc vert, bilan rose

Mieux encore, Akhannouch arrive à convaincre de nouveaux bailleurs de fonds à mettre la main à la patte. Attijariwafa bank, la Banque Populaire et même la BMCE Bank d’Othman Benjelloun, qui snobaient jusque-là le secteur, ouvrent les vannes du crédit et créent même des produits dédiés au fellah et aux agro-industriels. « C’est normal, quand on a de la visibilité sur un secteur, qui dispose en plus de la garantie royale, on fonce… », signale ce directeur de banque. Mais ce n’est pas tout : des institutions internationales accordent désormais leur confiance à l’agriculture marocaine. « Sur les quatre dernières années, nous avons mobilisés 7,2 milliards de dirhams auprès de la coopération internationale sous forme de dons et de prêts bonifiés », signale cette source au ministère.

En somme, ce sont pas moins de 20 milliards de dirhams qui sont investis dans le secteur entre 2007 et 2011, durée du premier mandat du désormais ministre de souveraineté. Et le financement des investissements futurs est quasi bouclé à hauteur de 60 milliards de dirhams. Un montant qui assurera un rythme d’investissement soutenu jusqu’en 2015. Résultat des courses : le PIB agricole, principal indicateur de la bonne santé du secteur, augmente de 17% entre 2007 et aujourd’hui, créant au passage quelque 300 000 nouveaux emplois permanents dans le secteur. La production, qui peinait à décoller, explose de 46%, et la récolte céréalière, locomotive de croissance du PIB national, dépasse confortablement le seuil psychologique des 70 millions de quintaux. Effet pluviométrie ou Maroc Vert ? Le chef du gouvernement Abdelilah Benkirane appelle ça « la baraka Akhannouch » !

 

Défis. Ce qu’il doit encore faire.

S’il est bien parti pour jeter les bases d’une nouvelle agriculture, moderne et productive, Aziz Akhannouch n’a pas encore touché aux gros dossiers qui freinent le développement du secteur. Parmi eux, le système foncier. « L’Etat doit trouver une solution au morcellement des terrains agricoles. Cela freine les investissements, et laisse des terrains entiers sans activité, souvent à cause de simples différents entre héritiers», souligne le journaliste spécialisé Charaf Jaidani. Autre dossier chaud : la fiscalité. Exonérés par décision royale jusqu’en 2013, les producteurs agricoles devront passer à la caisse dès 2014. A quel taux ? Selon quel barème ? Et sous quelles conditions ? C’est ici que l’on devra tester les talents d’équilibriste du ministre de l’agriculture. Last but not least, la réforme des marchés de gros, véritable casse tête que Akhannouch devra tôt ou tard régler. Ceci sans parler de la promotion des exportations par la conquête de nouveaux marchés, seule issue pour mettre un terme aux pressions européennes et alléger au passage le très lourd déficit de la balance commerciale agricole.

 

Maroc Vert à l’horizon 2020

  • Générer un PIB de 100 milliards de dirhams
  • Attirer 150 milliards de dirhams d’investissement
  • Réaliser 1500 projets d’agrégation agricole, touchant 1 400 0000 agriculteurs
  • Multiplier par 4 les exportations agricoles
  • Multiplier par 2 la production de lait
  • Multiplier par 2 la production de viandes rouges et blanches

 

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