Le titre Bismillah est matraqué à tous les coins de rue par les vendeurs ambulants de musique religieuse. Histoire d’un hit.
“Maman, pourquoi il faut dire bismillah ?”. La question était rhétorique pour l’écrasante majorité des Marocains qui baignent au quotidien dans l’islam. Elle est désormais entêtante depuis que la chanson Bismillah passe en boucle de Tanger à Lagouira. Plus un coin de rue où on ne l’entende. Depuis l’été dernier, la ritournelle qui se vend comme des petits pains est devenue le produit phare des marchands ambulants de musique religieuse. Bismillah bat même à plate couture les psalmodies du Coran. “J’en écoule une cinquantaine les bons jours”, se réjouit ainsi un de ces DJ du verset. Il pose quotidiennement sa sono en face du marché du Maârif, au même titre que 4 autres vendeurs de CD religieux, sans même souffrir de cette concurrence. Mais s’il se frotte les mains car les affaires sont bonnes, d’autres se bouchent les oreilles pour ne plus entendre cette bande-son envahissante. Le tube religieux est devenu un sujet “clivant” comme on dit dans le jargon moderne, une pollution sonore au même titre que les klaxons des automobilistes pour certains.
Piratage en règle
Pourtant, la chanson portée par la voix fluette d’une petite fille n’était pas destinée au marché marocain. “Elle devait servir à faire comprendre l’islam à des enfants d’origine musulmane vivant en France”, explique Kamel Djaït, fondateur de la société française Pixelgraf, qui conçoit des supports pédagogiques d’éducation islamique à destination des petites têtes brunes de France. Musicien versé dans le nachid, il a composé Bismillah avec son associé en 2006 et en a vendu une dizaine de milliers d’exemplaires en France, en Belgique, en Suisse et au Canada. Un joli carton pour ce style musical, au grand bonheur du producteur Kamel Djaït. Mais une joie gâchée pour lui. L’homme est tombé des nues en apprenant que Bismillah faisait un carton sous nos cieux, il ignorait que le piratage est un sport national au Maroc. “Il n’y a aucun recours juridique ? Aucun moyen d’y mettre fin ?”, demande Kamel Djait naïvement. A ignorance, ignorance et demie. Les acheteurs marocains ne savent, quant à eux, rien de Myriam, l’interprète de la chanson.
Myriam, star du nachid
Elle est pourtant devenue une star dans le landerneau de la chanson religieuse. La jeune fille, qui a enregistré Bismillah à 9 ans, est une collégienne de 14 ans aujourd’hui, qui vit à La Courneuve en banlieue parisienne. Nous n’en saurons pas plus sur ses amis, ses amours, ses emmerdes. Ses parents réclament la discrétion et ont refusé toutes les interviews, même celles demandées par les sites communautaires musulmans. Suite au succès du single de Myriam, la société Pixelgraf lui a fait enregistrer 4 titres, avec une version percussions et sans instruments à cordes pour les parents jugeant que la musique sur des paroles religieuses n’était pas halal. Et comme toute star digne de ce nom, Myriam contribue aussi à vendre des produits dérivés. Les enfants peuvent aujourd’hui s’endormir sur l’oreiller Myriam. Ou jouer avec un puzzle en forme de cœur qui, affirme la pub, “sera très apprécié de toutes les petites filles grâce à Myriam, la célèbre interprète de la chanson Bismillah”. Kamel Djaït compte aussi commercialiser, dans un avenir proche, une poupée chantante. Et devinez ce qu’elle interprétera ?
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