Les premiers films sont toujours difficiles à faire et, surtout, à réussir. La preuve par Châtiment de Hicham Aïn Al Hayat.
Mardi 27 décembre au cinéma Rialto, soir de l’avant-première du film. Hicham Aïn Al Hayat a du mal à contenir son émotion. Il revient de loin, très loin : son film a failli ne jamais arriver jusqu’en salle. Et il nous confie, avec un accent marrakchi que les longues années passées en Suisse n’ont pas altéré : “C’était dur. A plusieurs reprises, j’étais tenté de tout lâcher car le film est prêt depuis quasiment deux ans mais je n’avais plus les moyens d’aller jusqu’au bout”. Stop ! On rembobine.
Bande-son en russe
Janvier 2010, le Festival national du film de Tanger met à l’honneur, comme chaque année, tous les films prêts à aller à la rencontre du public. Châtiment, dont le tournage a été bouclé six mois auparavant, est en compétition. La première copie arrive de Russie quelques jours avant la projection. Mais, mauvaise surprise, la bande-son est défaillante. On se rabat alors sur la copie numérique pour sauver la séance programmée et le film est plutôt bien accueilli. Sauf que Aïn Al Hayat sait déjà qu’il aura du mal à assurer la sortie : “Je n’avais plus le moindre sou et l’argent dépensé pour le kinescopage (transfert d’images vidéo) en Russie était parti en fumée”, nous confie le producteur, réalisateur et scénariste, qui a dû vendre son appartement à Marrakech pour autofinancer ce film budgétisé à 3,5 millions de dirhams. Il a donc fallu l’appui du Centre cinématographique marocain (CCM) pour permettre à l’aventure de continuer, en accordant une aide à la post-production du film. Cela fait 800 000 dirhams et Aïn Al Hayat peut, dès lors, payer ses arriérés, refaire le kinescopage (cette fois-ci dans les laboratoires du CCM) et financer les copies. Un distributeur est trouvé et, après deux années d’attente, la bobine peut enfin tourner. Ouf !
Rime & Châtiment
Venons-en au film lui-même. L’histoire commence par une image–choc, celle d’un homme brûlé vif. Après un intermède “romantique” (un couple, une bonne nouvelle, un dîner aux chandelles… et pas de bisous, mais plutôt de la poésie), on en arrive au drame : l’épouse, Zineb (Fatima Khaïr), se réveille à l’hôpital et se rappelle vaguement d’une agression à laquelle son mari, son bébé et ses parents n’ont pas survécu. Elle décide de se faire justice et se met en contact avec un expert en arts martiaux (coucou, Mehdi Ouazzani). En parallèle, on apprend qu’un certain commissaire Jawad (Mohamed Khouyi) est sur les traces d’un tueur en série. La suite, qui fait la part belle aux rebondissements et aux changements de ton, finit quand même par relier tout ce petit monde et ces personnages qui n’ont a priori rien à voir ensemble…
Au-delà de la trame, par trop alambiquée, et au-delà des longueurs qui émaillent le récit, Châtiment est un divertissement pas intellectuel du tout qui se laisse regarder. Peut-être à cause de certains personnages secondaires, comme cet inspecteur débutant aux manières d’Averell Dalton, ou encore le jeune homme trop gâté joué par Rafik Boubker (rappelez-vous, Ex-Chemkar). On s’amuse aussi à voir l’épouse endolorie suivre un entraînement à la Rocky Balboa ou le Maître Shaolin manier le couteau de Rambo en caressant des rothweillers dressés à l’attaque…
“Pas trop mal pour un film marocain”, entend-on à la sortie de la projection. Ouais… Disons que le jeune réalisateur peut faire mieux, et pourquoi pas dès son deuxième film (Les oubliés de Dieu, en préparation) pour lequel il vient de recevoir une avance sur recettes de 4 millions de dirhams.
Actuellement en salle à Casablanca, Rabat, Marrakech et Tanger
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