La Coupe d’Afrique des Nations (CAN) est très mal partie pour le Maroc, battu d’entrée par la Tunisie (1-2). En partenariat avec Radio Mars, TelQuel rapproche ses lecteurs de l’ambiance qui a prévalu avant et après le match, à Libreville…
En regard des espoirs bâtis autour de notre équipe nationale de Football qui, il faut l’avouer, nous avait ravis ces derniers temps, la profondeur de la déception née de cette défaite contre les Tunisiens ne peut qu’être abyssale. Pour moi, qui ai assisté à ce match dans la moiteur du nouveau stade de l’Amitié sino-gabonaise de Libreville, cette défaite a été en plus teintée d’un sentiment d’humiliation. Les supporters tunisiens n’ont pas arrêté de nous chambrer. Je vous livre quelques exemples : “Vous êtes 4 fois plus nombreux que nous, 5 fois plus grands en superficie, vous payez 10 fois plus votre entraîneur et on vous bat !’’. “Avec nos joueurs locaux, on bat vos stars internationales’’. “Vous jouez toujours mieux que nous et c’est nous qui gagnons’’.
Le pire, c’est que leurs moqueries sont fondées, ce qui vient encore plus accentuer la douleur de l’humiliation. Il était donc écrit que ce n’est pas en ce 23 janvier 2012 que le signe indien “tunisien” allait être brisé. Car encore une fois, nos Lions de l’Atlas ont été incapables de battre les Aigles de Carthage. Bien que cette défaite soit le pire scénario qu’on pouvait imaginer pour les protégés d’Eric Gerets pour cette entame de la CAN 2012, elle n’est pas synonyme d’élimination. Cependant, elle compromet sérieusement les chances d’une qualification en quarts de finale puisque les Lions de l’Atlas sont contraints de battre les Panthères du Gabon, le pays hôte. Ce qui n’est pas du tout évident car la pression populaire, ici à Libreville, est énorme. Les autorités gabonaises sont d’ailleurs allées jusqu’à décréter des “vacances scolaires” pour les enfants et des “jours férié” pour les adultes, à Libreville ou à Franceville, chaque jour où ces villes abritent un match. C’est dire !
Un pronostic ? 3-0 pour le Maroc…
Le Maroc a donc perdu, alors qu’on pensait tous qu’il allait gagner. A 35 minutes du début de la rencontre, le président de la Fédération royale marocaine de football, Ali Fassi Fihri, m’a demandé dans une des loges du stade quel était mon pressentiment par rapport à ce match. Sans hésitation, j’ai pronostiqué un 3 à 0 en faveur de nos compatriotes. De grâce, il ne faut pas voir de l’insolence dans mon pressentiment, encore moins de la suffisance. Car au delà du fait que, sur le papier, nous possédons un entraîneur plus illustre et des joueurs plus talentueux, mon pronostic se justifie principalement par trois arguments.
Primo, le climat de sérénité et de confiance qui règne dans cette équipe marocaine, et qui n’a rien à voir avec le climat délétère des dernières CAN auxquelles le Maroc avait pris part (Egypte 2006 et Ghana 2008). En effet, pour avoir discuté avec ceux qui ont suivi de près les CAN 2006 et 2008 et pour avoir vécu tous les matchs de l’ère Gerets, ainsi que la concentration à Marbella et même les dernières séances d’entraînement à Libreville, je suis en mesure d’affirmer que notre équipe nationale exhale le bien-être. Les joueurs et tout le staff sont vraiment contents d’être ensemble. Ce qui me pousse à dire que cette équipe possède enfin un esprit qui lui a tant fait défaut par le passé.
Secundo, les problèmes qui minaient l’équipe tunisienne, entre l’indisponibilité de certains joueurs clés comme Jemaa (Auxerre) ou Darragi (Espérance de Tunis) et les écarts de discipline d’autres joueurs lors de la concentration à Dubaï (sortie la nuit sans autorisation pour faire la bringue). La Tunisie, déjà handicapée par les absences, ne se présentait donc pas dans les meilleures conditions.
Tertio, notre équipe nationale bénéficie sans conteste de meilleures conditions d’hébergement que son homologue tunisienne, ce qui animait d’ailleurs une certaine jalousie chez cette dernière. Certes, les deux équipes logent dans le même hôtel, le Laico Okoume Palace, mais l’espace réservé par les Marocains est bien plus grand et plus confortable que celui des Tunisiens (lieu de restauration, salles de réunion, de soins, etc.). Sans oublier l’imposante logistique déployée par la délégation marocaine pour cette CAN. Rien n’a été laissé au hasard : nourriture ramenée du Maroc, cuistot dédié, avion spécial affrété pour rallier Libreville depuis Marbella, etc. Bref, côté marocain, on n’a pas lésiné sur les moyens et on n’a pas fait les choses à moitié.
Des regrets et des explications
Qu’est-ce qui n’a pas marché, alors ? A la sortie du stade, les explications ont fusé dans tous les sens. Je vous en livre les plus objectives :
La première explication remet en question le choix du lieu de la concentration, jugé a posteriori inadapté au climat. En effet, les joueurs d’Eric Gerets se sont préparés à Marbella sous une température ne dépassant pas les 10 degrés. A Libreville, le jour du match, il faisait 31 degrés !
La deuxième explication incrimine les choix de Gerets, dont celui de titulariser à tout prix un Boussoufa. Ce n’est pas banal parce que ce choix a bouleversé le dispositif tactique marocain. Le milieu défensif Hermach a été laissé sur le banc et Belhanda, probablement le joueur marocain le plus en forme du moment, a été obligé de reculer sur le terrain, au lieu de prêter main forte aux attaquants de pointe. Certains joueurs m’ont d’ailleurs fait part de cette “anomalie” avant le match. En plus du problème Boussoufa (qui tire toutes les balles arrêtées, sans aucun résultat probant), il y a lieu de signaler la surprenante titularisation d’El Kantari dans l’axe de la défense. Le joueur revient de blessure et était à court de compétition, alors que son remplaçant naturel, Kaoutari, avait pourtant fait (et réussi) tous les matchs de préparation.
La troisième explication est d’ordre structurel. La Tunisie qui nous a battus est composée majoritairement de joueurs “locaux”. Ceci doit pousser les décideurs de notre football à répartir les efforts et les moyens sur les clubs formateurs qui sont à l’agonie, au lieu de les concentrer seulement sur les équipes nationales. Le constat est inéluctable : nos pros constituent une force nécessaire mais pas forcément suffisante. Et là, je repense à ce que m’a dit, un jour, le grand Abdelmajid Dolmy : “Quand je jouais pour l’équipe nationale, j’appréhendais une défaite par mon retour au quartier. J’avais littéralement peur en pensant à la manière dont les gars allaient m’accueillir… Rien à voir avec l’indifférence qui accompagne le retour de nos pros dans leurs championnats européens’’.
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