La semaine dernière, quinze jeunes âgés de 7 à 15 ans ont pratiqué des actes zoophiles sur une ânesse à Sidi Kacem. Un drame qui a mis en lumière un phénomène présent dans les campagnes marocaines, malgré les non-dits qui entourent ces pratiques. « C’est usuel. On crie au scandale, pourtant tout le monde sait que dans le milieu rurale, les premières expériences sexuelles se font souvent sur des animaux« , déplore Amal Elbekri, secrétaire générale adjointe du Réseau associatif pour la protection animale au sein du développement durable (Rapad Maroc).
Aucune enquête statistique ne permet de quantifier le phénomène de la zoophilie. Sévèrement sanctionnée dans l’islam, cette pratique n’est que rarement abordée dans le débat public. Un silence, qui s’étend aussi à la législation, où le mot « zoophilie » est absent.
Pourtant, loin des campagnes, ce phénomène existe également dans les métropoles du royaume. « Les violences sexuelles envers les animaux existent aussi en ville. Nous traitons régulièrement des chats et des chiens victimes de sévices sexuels« , déplore Ahmed Thazi, président de l’
Ce phénomène nous a déjà été rapporté des tierces, notamment des vétérinaires ayant constaté des déchirures anales sur des animaux. À titre d’exemple, cette tendance a souvent été observée sur les chantiers où le chien de garde fait office de défouloir.
Attirance et frustration
Dès 1953, le docteur Kinsley publiait un rapport de référence en matière de pratiques sexuelles déviantes. Selon cette étude : 17% des garçons américains en milieu rural avaient eu au moins une relation sexuelle avec un animal. « Dans maints cas, le jeune campagnard s’initie aux rapports animaux parce qu’il sait que ses compagnons se livrent à une activité semblable« , expliquait l’auteur.
Une analyse qui s’applique également au fait divers de Sidi Kacem. Pour autant, la barrière entre le mimétisme et trouble psychiatrique est fragile, comme nous l’explique le sexologue Abderrazak Moussaid :
Lorsque l’animal est l’objet d’excitation, nous sommes face à un comportement pervers, ou paraphile (déviance sexuelle à caractère psychiatrique, NDLR). Dans les cas des jeunes de Sidi Kacem, l’animal est plutôt considéré comme une alternative liée à la frustration sexuelle endurée par ces jeunes.
Interviewé par Chouftv.com, l’un des auteurs du viol sur l’ânesse a expliqué l’acte par « l’ennui« . « Si on avait un endroit où on pouvait s’amuser, on n’aurait pas fait ce qu’on a fait avec l’ânesse », s’est défendu le jeune. Ce dernier n’évoque à aucun moment la notion de plaisir ou d’attirance particulière envers l’animal. Un témoignage qui s’accorde avec les notions « d’alternative » et de « frustration » développée par Abderrazak Moussaid:
Ces jeunes évoluent dans un univers où la sexualité est interdite, voire réprimée en dehors du mariage. Cette frustration est d’autant plus marquée que la sexualité masculine est avant tout physique, là où celle des femmes est généralement plus sensuelle et sentimentale. À titre d’exemple, la poupée gonflable n’a pas été inventée par une femme. C’est une invention créée par l’homme, pour répondre avant tout à un besoin physique masculin.
Vers une avancée de la loi?
Législativement, les articles 601, 602 et 603 du Code pénal sanctionnent sévèrement les actes « d’empoisonnement, de mutilation, de meurtre » d’animaux selon certains critères. Mais les violences sexuelles ne sont pas mentionnées. Si l’association Adan planche sur un projet de loi pour sanctionner ces pratiques, seuls les actes de mutilations pratiqués en parallèle du viol de l’animal sont passibles de sanctions.
Il n’est pas rare que l’individu torde la queue de l’animal pour pouvoir le pénétrer. D’autres violences sont aussi constatées lorsque celui-ci refuse d’obéir. Pour le reste, nous sommes face à un véritable flou juridique.
Ahmed Thazi, président de l’
Association de Défense des Animaux et de la Nature (Adan).
Emprisonner des zoophiles, dont certains dans le cas de Sidi Kacem n’ont pas 10 ans, est-il une solution durable pour lutter contre ce phénomène ? Pour Amal Elbekri, la réponse est clairement non. « Enfermer ou battre un large pan de la société marocaine ne changera rien. La seule solution réside dans l’éducation et la médiatisation autour de ce phénomène. Mais cela doit se faire sans rechercher l’effet buzz« , explique-t-elle. Une analyse partagée par le président de l’Adan:
Tout est une question d’éducation. Il faut sensibiliser les jeunes à l’environnement dans lequel ils vivent. Beaucoup se sentent démunis, éloignés, voire marginalisés vis-à-vis du reste de la société. C’est aussi pour cela qu’ils font ressortir toute cette rancoeur sur les animaux.
Dans un pays où la défense des animaux n’en est encore qu’à ses balbutiements, la lutte contre la zoophilie n’est pas au coeur des préoccupations gouvernementales. Pour Amal Elbekri, une étape est pourtant incontournable pour faire changer les mentalités: « offrir à l’animal un statut reconnaissant sa sensibilité« .
Une ambition de taille que le monde associatif compte bien réaliser, en s’appuyant notamment sur la médiatisation autour du récent fait divers de Sidi Kacem. Violée, mutilée puis finalement abattue, l’ânesse pourrait finalement devenir le symbole des souffrances animales au Maroc. Un mal face auquel le secteur associatif et militant n’est pas près de baisser les bras, malgré les réticences et les tabous.
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