Une loi israélienne ouvre la voie à une annexion massive de la Cisjordanie

Dénoncée comme un crime de guerre, un vol légalisé ou un pas de plus vers l'annexion de la Cisjordanie, la nouvelle loi israélienne en faveur des colons scandalise les Palestiniens et les défenseurs d'une solution à deux Etats.

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Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu (AFP/Kirsty Wigglesworth)

Adoptée dans la nuit de lundi à mardi par le Parlement israélien, cette loi autorise l’Etat israélien à s’approprier, contre compensation, des terrains privés palestiniens sur lesquels des Israéliens ont construit sans autorisation en Cisjordanie occupée. La loi protégera les colons d’évictions comme celle, la semaine passée, de la colonie « sauvage » d’Amona, selon ses promoteurs.

Elle devrait revenir à « légaliser » 53 colonies dites « sauvages » et à exproprier au minimum plus de 800 hectares de terres palestiniennes, estime l’organisation israélienne la Paix maintenant.

De Londres au Caire –siège de la Ligue arabe–, en passant par Paris, Berlin, Ankara ou Amman, elle a suscité une série de condamnations de la communauté internationale, ouvertement inquiète d’un nouveau coup porté à une paix insaisissable entre Israéliens et Palestiniens.

Au nom de l’ONU, le coordinateur spécial pour le processus de paix Nickolay Mladenov a estimé qu’Israël franchissait une « ligne rouge très épaisse » sur la voie d’une annexion de la Cisjordanie occupée. Le président palestinien Mahmoud Abbas a dénoncé « une agression contre notre peuple ».

Aussitôt la loi adoptée, les Palestiniens ont réclamé des sanctions. Les défenseurs des droits de l’Homme et de la cause palestinienne ont annoncé qu’ils saisiraient la Cour suprême israélienne pour faire annuler le texte. La réaction américaine a offert un frappant contraste avec cette indignation mais aussi avec les critiques émises jusqu’au bout par l’administration Obama contre la colonisation.

Adoptée par 60 voix pour et 52 contre, la nouvelle loi devrait être attaquée devant la Cour suprême, et « l’administration Trump se gardera de commenter cette loi avant toute décision de justice« , a dit un responsable du département d’Etat.

Pendant deux semaines déjà, l’administration Trump avait gardé ses distances face à une rafale d’annonces israéliennes pour la colonisation, enhardissant une droite israélienne qui voit dans l’avènement de Donald Trump le début d’une nouvelle époque.

« Par cette loi, (le Premier ministre Benjamin) Netanyahu fait du vol la politique officielle d’Israël« , a réagi la Paix maintenant. Tout cela « pour satisfaire un petit groupe de colons extrémistes et assurer sa propre survie politique ». Une grande partie de la communauté internationale voit dans les colonies un obstacle à la paix. Mais chez de nombreux défenseurs des colons est ancrée la conviction que ces terres reviennent par la Bible à Israël, quoi qu’en disent les juges israéliens, les Palestiniens et la communauté internationale.

« Toute la terre d’Israël appartient au peuple juif », a dit avant le vote le ministre des Sciences Ofir Akunis, en parlant d’Israël dans son acception biblique, c’est-à-dire comprenant la Cisjordanie. « Ce droit est éternel et incontestable ».

Au sein du gouvernement considéré comme le plus à droite de l’histoire d’Israël, certains ministres prônent ouvertement l’annexion de la Cisjordanie. « Une telle loi signifie l’annexion définitive de la Cisjordanie », s’est alarmée la dirigeante palestinienne Hanane Achraoui. La communauté internationale doit prendre des « mesures punitives et des sanctions avant qu’il ne soit trop tard », selon elle.

La loi soulève une multitude d’interrogations quant à sa conformité avec les textes fondamentaux israéliens et le droit international. C’est la première fois qu’Israël applique sa loi civile en Cisjordanie, non seulement à des individus mais à des terres reconnues comme palestiniennes, souligne le professeur de droit Amichai Cohen.

Le procureur général israélien Avichai Mandelblit a prévenu le gouvernement que le texte ne résisterait probablement pas à l’examen de la Cour suprême et qu’en plus il exposait Israël aux poursuites de la CPI. « Le train qui se met en branle aujourd’hui a pour terminus La Haye », où se trouve la CPI, a dit le travailliste Isaac Herzog devant le Parlement.

« Les responsables israéliens poussant à la colonisation devraient savoir que l’administration Trump ne peut pas les protéger de l’examen de la CPI« , à laquelle les Palestiniens ont déjà soumis des dossiers contre Israël, selon Human Rights Watch.

Le député Bezalel Smotrich, l’un des plus ardents défenseurs de la loi, a pour sa part remercié les Américains d’avoir élu président Donald Trump, « sans lequel la loi ne serait probablement pas passée ».

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