Qui est Brahim Ghali, le nouveau chef du Polisario ?

Militant séparatiste, leader militaire et diplomate. Brahim Ghali a occupé plusieurs fonctions avant de devenir président de l’autoproclamée RASD. Retour sur son parcours.

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Brahim Ghali, chef du Front Polisario. Crédit: AFP

Avec 93,17% des suffrages, Brahim Ghali a été élu, le 9 juillet, au poste de secrétaire général du Front Polisario et président de l’autoproclamée RASD, succédant ainsi à Mohamed Abdelaziz mort le 31 mai des suites d’un cancer après trente-sept années passées au pouvoir. Telquel.ma revient sur le parcours de celui qui, selon certains, représente « la ligne dure du Polisario ».

Séparatiste de la première heure

Brahim Ghali est né en 1946 à Smara, selon la version du Polisario, et dans la province de Rhamna selon la version marocaine. Il débute dans le monde professionnel en tant qu’officier de la police espagnole qui, à cette époque, occupait le Sud marocain. Une fonction en contradiction avec ses idées puisque Ghali, qui a des liens familiaux avec la figure nationaliste sahraouie Mohamed Bassiri, participe à plusieurs manifestations où il dénonce la présence espagnole au Sahara et réclame l’indépendance de la région. Il a fait partie notamment du Mouvement de libération du Seguia el-Hamra et Oued ed-Dahab (Harakat Tahrir), précurseur pacifique du Front Polisario, et participe, le 17 juin 1970, à l’insurrection de Zemla qui fait une dizaine de victimes au sein de la population sahraouie suite à la répression espagnole.

Trois ans plus tard, en 1973, Ghali s’enfuit de la prison et rallie la ville mauritanienne de Zouerate. Le 10 mai, avec plusieurs jeunes, imprégnés d’idées de gauche, il fonde le Front populaire de libération de la Saguia el Hamra et du Rio de Oro, connu sous le nom du Polisario. Il en sera le premier secrétaire général avant d’être évincé, en 1974, suite à l’inclusion des Sahraouis originaires de Tindouf et Tan-Tan au sein du mouvement. En effet, selon une tribune écrite par l’ancien responsable du Polisario Mustapha Salma et publiée sur le site d’informations Hespress.com, ces derniers « n’avaient pas besoin d’une personne originaire de Smara » pour diriger le Front. Une éviction qui est justifiée au sein du parti par le fait que Ghali ait effectué des échanges d’armes avec des représentants de l’armée espagnole.

Leader militaire

Malgré cette éviction, Ghali reste dans les rangs du mouvement séparatiste. En témoigne sa participation, selon Mustapha Salma, aux négociations concernant un échange d’otages avec les autorités espagnoles, qui ont réclamé sa participation aux discussions et voyaient en lui la seule figure reconnaissable du mouvement. En 1976, Ghali est nommé ministre de la Défense par le leader du Polisario, Mustapha El Ouali.

À ce titre, il mène le mouvement de guérilla contre les armées marocaine et mauritanienne. Une stratégie efficace en Mauritanie puisqu’en 1979, le pays déclare un cessez-le-feu avec le Front et se retire des provinces du Sud. C’est au poste de ministre de la Défense qu’il s’oppose, en 1988, à la répression des soulèvements de Tindouf, ce qui lui vaudra d’être envoyé en formation militaire à Cuba selon Mustapha Salma. Il sera toutefois maintenu dans ce poste jusqu’en 1991, année du cessez-le-feu entre le Maroc et le Polisario. Une fonction symbolique puisque Mohamed Abdelaziz avait été, de son vivant, le commandant suprême des forces armées du Polisario.

Négociateur et diplomate

Cinq ans après avoir quitté le ministère de la Défense, Ghali participe, en septembre 1996, à une rencontre “secrète” entre des responsables du Polisario et du Maroc, placée sous l’égide des Nations Unies et de Erik Jensen, l’envoyé personnel du Secrétaire général Boutros Ghali. La délégation marocaine est menée alors par le prince héritier Sidi Mohammed et le ministre de l’Intérieur Driss Basri. C’est le moment choisi par le Maroc pour dévoiler, pour la première fois, l’idée d’un Sahara autonome sous autorité marocaine. Une proposition qui semble satisfaire les deux parties qui conviennent d’organiser une future rencontre. Néanmoins, Boutros Ghali n’a pas été reconduit au poste de Secrétaire général de l’ONU et a été remplacé par Kofi Annan, qui nommera l’américain James Baker en tant qu’envoyé personnel au Sahara. Un changement qui mettra fin au processus de négociation entre les deux parties qui n’ont jamais été aussi proches d’un compromis. On notera également que la rencontre de septembre 1996 sera la dernière dans laquelle le roi Mohammed VI, alors prince héritier, aura eu des pourparlers directs avec les représentants du Polisario.

Trois ans après cette rencontre, Ghali, qui s’est montré critique envers la politique de Mohamed Abdelaziz, est nommé au poste d’ambassadeur en Espagne. Un poste qu’il quitte en 2008 lorsqu’il est poursuivi par la plus haute juridiction espagnole, l’Audience nationale, pour “génocide et violations graves des droits de l’Homme” après une plainte déposée par l’Association sahraouie de défense des droits de l’Homme.  Des soldats marocains ont, pour leur part, affirmé avoir été victimes de torture dans les geôles de Tindouf à l’époque où Ghali était en charge de la Défense du Polisario. Il occupera ensuite le poste d’ambassadeur du Front à Alger. En mars 2016, Ghali est rappelé à Tindouf où il est nommé à la tête du secrétariat politique du Polisario. Une fonction qu’il occupera jusqu’à sa récente élection au poste de président de l’autoproclamée RASD.

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