ColoKolo, une troupe de cirque et des arts de rue a élu résidence depuis 2014 aux Anciens Abattoirs Casablanca à Hay Mohammadi. Rencontre.
Un jeune homme joue de l’accordéon, assis près d’une caravane. Au loin, parmi les murs peignés de graffitis et de tags, une bâtisse s’est affalée sur elle-même. L’événement a conduit la troupe à aménager un nouvel espace, leur nouveau «Labo», où se tiendront désormais tous les spectacles et les événements culturels de la compagnie. Nous arrivons lors de la répétition finale, avant le début du spectacle. Rencontre en plusieurs actes :
Yassine Elihtirassi, le médiateur culturel et chargé de production à Colokolo, entre deux installations, nous explique dans quel contexte s’est formée la troupe. L’association est née en 2007 à Essaouira. Elle compte une douzaine de circassiens, tous acrobates, jongleurs, cracheurs de feu, équilibristes mais aussi des musiciens. Leur objectif est de militer pour la promotion de l’activité circassienne au Maroc, à travers diverses actions culturelles afin de populariser les arts de la rue et de permettre aux gens du quartier Hay Mohammadi, de participer à la vie culturelle de leur quartier grâce à la résidence permanente des artistes de rue à la Fabrique culturelle des Abattoirs.
Un espace d’expression comme celui-ci devient le lieu de rendez-vous des jeunes du quartier, des collaborations entre différents artistes non-résidents aux Abattoirs, mais aussi l’occasion pour les familles d’assister à divers spectacles et ateliers. En ce jour, au loin, les bruits des planches de skateboard rythment l’attente des enfants et des adultes venus nombreux pour le spectacle.
«Moi, en 2013, j’ai effectué un stage pour le festival Awal’Art à Marrackech. Ils m’ont proposé de les rejoindre. Etant diplômé d’un master en médiation culturelle, je les ai rejoints. J’ai établi un cadre juridique pour avoir le statut d’association et, depuis, je m’occupe de l’administration et de la production. Nous nous finançons à 70% avec les revenus des spectacles et de nos économies. Et les 30% restants nous viennent du Service de coopération et d’action culturelle (SCAC) et du ministère de la Culture», poursuit Yassine Elihtirassi, toujours dans le feu de l’action.
Malgré tout, la troupe a du mal à étendre ses activités, à proposer plus d’événements et avoir des moyens logistiques conséquents. Le contexte politique marocain met en second plan les politiques culturelles et les artistes eux, le ressentent bien. Yassine comme la plupart de ses confrères circassiens, ne vit pas entièrement de son travail à Colokolo. Lui combine le boulot alimentaire de serveur et son rôle de médiateur culturel, quand les autres membres de la troupe travaillent pour d’autres projets artistiques (cirque, théâtre, danse au Maroc et à l’étranger).
Performances sur scène
Des fauteuils rouges rappelant ceux des vieux cinémas, sont disposés en U autour de la modeste scène éclairée. Les gens ici semblent tous se connaître. Ils s’interpellent en français, en darija, en espagnol et en anglais parfois. La lumière tombe après le bref discours d’accueil de Yassine Elihtirassi. Deux circassiens montent sur scène où se trouve un anneau géant. Un dialogue scénique s’instaure. Puis chacun leur tour, ils exécutent des acrobaties et des sauts de hautes voltiges.
«Nous, on ne va porter des costumes et se maquiller. Ce n’est pas du cirque classique, on porte nos vêtements et voilà on donne tout par le mental et le physique. Ce qui compte, c’est l’expression scénique et celle des corps», nous explique un des membres de l’association. Le souhait de la compagnie Colokolo, en plus de populariser leur art et la culture en général, est un changement dans la valorisation des artistes et des métiers de la création. Par exemple pour l’éducation nationale, créer un cursus scolaire dédié aux métiers de la création et des arts; ou encore de sensibiliser les personnes en dehors du cursus scolaire, en proposant des ateliers d’art dans différents quartiers de Casablanca et du Maroc en général. En attendant, la troupe Colokolo essaie de combler le vide. Un moyen aussi de faire comprendre aux parents de futur(e)s passionné(e)s de cirque et autres métiers de la création, que ce sont des voies de métiers, qui peuvent conduire à une situation stable. «Les miens, m’ont soutenu pour faire la formation médiation culturelle. Mais au moment où j’ai commencé avec les Colokolo ils ne comprenaient pas que c’est un métier… Pour eux c’était pas sérieux. Ça m’a pris du temps pour leur expliquer que c’est différent des autres métiers, pourtant c’est toujours précaire pour eux.» raconte Yassine.
Avant le numéro de tissu de l’acrobate féminine Ghizlane, une des deux femmes à présenter un numéro, les membres de l’association soulignent à quel point c’est déjà rare de trouver des circassiens des arts de la rue, et encore moins des femmes. Ils lancent un appel aux acrobates féminines ou aux jeunes femmes intéressées par le métier à les rejoindre, pour plus de diversité. Après avoir été membre de Théâtre Nomade, une autre association résidente aux Anciens Abattoirs, l’acrobate a décidé depuis peu rejoindre la troupe de Colokolo. La jeune femme débute son numéro sous fond de Soldier of Love de Sade.
En plus de ses spectacles mensuels, Colokolo investit l’espace urbain de différentes villes pendant tout le mois de Ramadan. Le festival nommé Fatw’Art permet une animation pendant le mois de jeûne. «Vu que, pendant le ramadan, la ville et les quartiers tournent un peu au ralenti, voire sont quasiment morts, on essaie de faire des numéros dans la rue pour créer de l’animation» explique Yassine. Ce qui permet aussi un rapprochement de la population locale avec les arts du cirque et un dépoussière l’image d’un cirque classique et animalier. Le rendez-vous est donc pris.
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