Ce qu'il ne faut pas rater à la Biennale de Marrakech

La 6e édition de la biennale de Marrakech se poursuit jusqu'au 8 mai. Voici ce que nous avons aimé, et ce qui nous a le moins plu dans cette édition qui gagne en maturité. 

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Extension de l'oeuvre de Dineo Seshee Bopape « The name of which escapes me now ». (c) Yassine Toumi

Depuis le 24 février, la ville ocre bouge au rythme de l’art contemporain avec la biennale d’art de Marrakech (MB6).  Cette 6e édition, dont le commissariat a été confié à la curatrice palestinienne Reem Fadda, prend une direction artistique moins balbutiante et semble avoir gagné en maturité.

L’exposition principale donne à voir un panorama de la création contemporaine du monde arabe et de l’Afrique avec une mention spéciale pour « les projets politiques mais poétiques » comme le précise Reem Fadda. En marge de la biennale, d’ambitieux projets indépendants ont investi la ville. Telquel.ma vous aiguille donc au beau milieu de ce foisonnement créatif en donnant un aperçu général de ce qu’il ne faut pas rater :

Mohssine Harraki devant son oeuvre. © Yassine Toumi
Mohssine Harraki devant son oeuvre. © Yassine Toumi

Le projet le plus abouti : « Memory Games »

Comment croiser le regard de l’écrivain et cinéaste Ahmed Bouanani avec celui d’artistes contemporains ? L’équation a été déchiffrée avec finesse par l’écrivain Omar Berrada curateur de « Memory Games », un projet autour de l’œuvre et la vie de l’écrivain et cinéaste Ahmed Bouanani, décédé en 2011.

Deux créations de ce projet sortent du lot : celles des artistes marocains Mohssin Harraki et Yto Berrada. Ainsi, le jeune artiste marocain propose « Tagant » (qui signifie forêt en amazigh mais aussi lieu isolé). Il expose au Palais Bahia, un arbre lumineux aux multiples branches qui s’allume aux rythmes d’une respiration. Sur chacune des 87 lampes de la pièce, un titre, celui d’un écrit de Ahmed Bouanani. De son côté, Yto Berrada a choisi de travailler sur les poèmes de Abderrahmane El Majdoub, poète oral du 16e siècle que Bouannai a traduit en français. Elle expose des drapeaux fabriqués à partir de tissus de salons marocains. Omar Berrada a aussi choisi de reconstituer dans l’espace d’exposition la bibliothèque Bouanani. Une aubaine pour les passionnés et les curieux !

Le départ une performance de Chourouk Hriech © Yassine Toumi
Le départ, une performance de Chourouk Hriech © Yassine Toumi

La performance la plus surprenante : Chourouk Hriech

Sur fond de chants hybrides des régions de l’Atlas et des Alpes, l’artiste franco-marocaine Chourouk Hriech prend une fleur, la fixe et d’un geste obsessionnel et s’attelle à la dessiner tout en maintenant son regard sur le végétal. Le moindre coup de feutre de l’artiste résonne grâce au micro fixé sur la toile. Elle poursuit la même manœuvre dans une ambiance à la limite guerrière. Au bout de près de 40 minutes, la toile se noircie et le résultat dessiné presque à l’aveugle est plutôt probant. « Le départ » a été réalisée en collaboration avec deux chanteuses et violonistes françaises et présenté dans plusieurs espaces à Marrakech dont « La Serre« , un projet alternatif monté en marge de la biennale.

Eric Van hove © Yassine Toumi
Eric Van Hove et sa pièce « D9T (Rachel’s tribute) » © Yassine Toumi

La pièce qui a fait sensation auprès du public : « D9T (Rachel’s Tribute) »

Après le succès sensationnel de son oeuvre « V12 Laraki », une réplique du moteur d’une Mercedes V12 à la 5e édition de la biennale, l’artiste belge installé à Marrakech Eric Van Hove récidive  avec « D9T (Rachel’s Tribute) ». Pour rendre hommage à l’activiste pro-palestinienne Rachel Corrie, écrasée en 2003 dans la bande de Gaza par un bulldozer israélien, l’artiste a choisi de dupliquer le moteur Caterpillar C18. Celui-là même qui alimente les chenilles blindées de l’armée israélienne. Bois taillé avec finesse, cuivre sculpté, pierres polies, la belle œuvre a été confectionnée par des artisans marocains et deux artisans indonésiens.

L'oeuvre de Rachid Koraichi au Plais Badii. (c) Yassine Toumi
L’oeuvre de Rachid Koraichi au Plais Badii. (c) Yassine Toumi

La masterpiece : « La prière des absents »de Rachid Koraichi 

Ne dérogeant pas à la voie soufie dont est empreinte son oeuvre, l’artiste algérien Rachid Koraichi propose pour cette MB6 « La prière des absents ». Une installation de sept vases en céramique confectionnés par des artisans à Essaouira. Montés dans un bassin du palais Badii, les sept vases sont calligraphiés en tifinagh, arabe, sumérien ou en chinois. Malgré sa finesse esthétique, « La prière des absents » s’impose dans l’impressionnant paysage du palais édifié par le sultan Al Mansour Dahbi au 16e siècle.

<une partie de l'oeuvre de Dineo seshe Bopape © Yassine Toumi

La découverte : Dineo Seshee Bopape

Dans une grande salle du palais Bahia, la jeune artiste sud-africaine Dineo Seshee Bopape présente « The name of which escapes me now ».  Une installation à portée politique au caractère plutôt ludique. L’artiste a mis en place une construction bricolée avec des cuillères en bois sur lesquelles sont disposées de la terre venue des quatre coins d’Afrique. Sur les murs de la salle, Bopape a collé des stickers floraux de jeunes filles fleur bleue. Le point de départ de cette création est les chants de libération de l’Afrique du Sud. Nous on aime !

Vidéo de l'artiste Emo de Medeiros. © KO
Vidéo de l’artiste Emo de Medeiros. © KO

La déception : L’blassa

Véritable spot contemporain où on pouvait voir de la vidéo, de l’installation et des laboratoires de création,  L’blassa était une valeur expérimentale de la biennale. Pour cette 6e édition, l’esprit de L’Blassa, qui prend place dans un immense immeuble art déco au cœur du quartier Guéliz, n’est plus. Le projet parallèle à la biennale regroupe une série sans équilibre ni cohérence de vidéos et de photos d’artistes venus de différents horizons (Tunisie, Ethiopie, France, Maroc…). Si la scénographie n’aide pas, quelques œuvres sauvent la face : à l’image de « Kaleta Kaleta » vidéo complètement décalée de l’artiste franco-béninois Emo de Medeiros ou « Signature #1 » portraits de l’artiste éthiopien Ephrem Solomon.

Hommage à Leila Alaoui. par Zbel manifesto © Yassine Toumi
Hommage à Leila Alaoui © Yassine Toumi

Le déception bis : L’hommage à Leila Alaoui

Autre déception de la biennale, l’hommage rendu par le collectif Zbel Manifesto à Leila Alaoui, jeune photographe ayant péri dans un attentat terroriste à Ouagadougou. Le collectif a installé quatre grands portraits issus de sa série « Les Marocains », et les ont entouré d’une grille sur laquelle sont amoncelés des sacs en plastique et des détritus.

Atelier de bombes à Graines. © Baptiste de Ville d'Avray
Atelier de bombes à Graines. © Baptiste de Ville d’Avray

L’alternative à la biennale : des micro-laboratoires et de l’édition

La Serre :  En marge du circuit on / off de la biennale, des espaces d’art et de recherche de Rabat, Casablanca et Marrakech ont investi le Cyber Park de la ville ocre afin de mettre en place jusqu’au 29 février des micro laboratoires de recherche et de création.

Au programme : un atelier et des siestes sonores avec Saout Radio, projet initié par l’artiste italienne Anna Raimondo et l’artiste franco-marocain Younes Baba Ali, ou encore un atelier de bombes à graines avec l’artiste Juliette Dejoué, des projections (Le Park film de l’artiste marocaine Randa Maaroufi) mais aussi des discussions avec le cinéaste marocain Mustapha Derkaoui et les jeunes artistes Abdessamad El Mountassir et  Wiam Haddad.

Ce projet,  qui se veut une alternative à ce que propose la biennale, a été initié par l’Atelier de l’observatoire en collaboration avec le Cube, Saout Radio, Le 18 et Afrique in visu.

La B'raka, le bookstore. © Kulte Gallery & Editions
La B’raka, le bookstore. © Kulte Gallery & Editions

La B’raka. Du côté de la place Jemâa El Fna, Kulte Gallery & editions de Rabat a mis en place sa « B’raka ». Une librairie mobile éphémère avec des ouvrages, revues, publications autour de l’art en Afrique et dans le monde arabe.

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