Faute de se faire publier, des femmes (beaucoup) et des hommes (un peu moins), jeunes et citadins, éditent désormais sur le Net. TelQuel vous rapproche de ce monde nouveau.
Interactivité, liberté de ton mais aussi contact direct avec les lecteurs, Facebook a réussi à réconcilier une bonne partie des Marocains avec la lecture. Journal d’une chitana, Les nouvelles de Majda, ou encore La dernière chance d’un ange sont des exemples de noms de romans publiés sous forme de chapitres postés sur Facebook. Plus de problèmes avec l’éditeur, ni de tracas avec le nombre d’exemplaires vendus ou encore les critiques littéraires, ici c’est l’internaute qui juge l’auteur. Les commentaires foisonnent et ça a l’air de bien marcher.
Auteures Facebookiennes
Najiba Jalal, jeune femme casablancaise, professionnelle de la communication, est l’auteure de Journal d’une chitana, publié sur un blog puis sur la page officielle de Casawaves sur Facebook, puis de Mes amis, mes amours sur Facebook, lol pas lol. Deux romans qui n’ont été, jusque-là, publiés que sur Internet.
Pour cette férue d’écriture, tout a commencé avec son premier roman publié sur la Toile, sous le nom d’Engy Jalal.Un roman qui parle des désirs, des déceptions et des aventures d’une jeune trentenaire casablancaise. “Ce roman a eu beaucoup de succès auprès des internautes”, affirme Najiba, visiblement surprise. “Je recevais chaque jour des emails, des commentaires de jeunes, de moins jeunes, d’étrangers, de conservateurs”. Malgré la sympathie manifeste de la plupart des lecteurs, Najiba ne nie pas avoir reçu beaucoup d’insultes venant de certains lecteurs, choqués par des textes empreints de sexualité. Najiba ajoute en riant : “Parfois, je recevais des mails d’individus me demandant des conseils. Je suis devenue un peu le conseiller conjugal de mes lecteurs, c’était amusant”.Une interactivité et un contact qui, selon Najiba, n’auraient jamais pu avoir lieu si elle avait publié son livre chez une maison d’édition.
Et puisque le premier roman a été couronné de succès, Najiba revient à la charge avec Mes amis, mes amours sur Facebook, lol pas lol. Une série de chapitres dans l’air du temps sur la question des relations humaines, où le réseau social Facebook tient une place importante.
Najiba a réussi le pari. Selon elle, les Facebookers marocains ont besoin de s’identifier à des personnages qui leur ressemblent, de se retrouver dans le texte. Le quotidien a beaucoup changé et la vie virtuelle occupe désormais une place importante, pour ne pas dire prépondérante. Des amitiés se tissent sur Facebook mais également des amours. “Plusieurs rencontres se font grâce à ce réseau social et je ne pouvais pas passer à côté”, affirme Najiba Jalal. Et si Facebook ou les blogs sont une occasion pour partager ses écrits, Internet peut, dans certains cas, être un moyen de se faire connaître auprès des éditeurs…
Des journaux intimes à gogo
D’autres romans sont également publiés dans la page Casawaves du réseau Facebok : il s’agit essentiellement de romans de science-fiction, comme par exemple La dernière chance d’un ange de Najoua Noor. Ou l’histoire d’un tueur en série qui choisit ses victimes parmi ses conquêtes féminines. Du même auteur, on retrouve Une ado à Casa, une sorte de journal intime d’une jeune teenager casablancaise, étudiante au lycée Lyautey .
Mais il y a également une autre page Facebook très populaire, surtout chez les Rbatis, qui propose le roman Les nouvelles de Majda. Au fil des chapitres, “Majda” dresse des portraits de personnes dans lesquelles on peut se retrouver toutes ou tous, à travers leurs déceptions, leurs rêves, leurs espoirs mais aussi leurs échecs. Des histoires à l’eau de rose, certes, mais qui débordent de sensibilité et d’humour et qui ont pour héroïnes des femmes indépendantes, actives mais perdantes en amour.
A noter, pour le détail, que les auteures de ces romans publiés sur Facebook sont pour la plupart des femmes, citadines francophones, et le contenu de leurs écrits retrace la vie amoureuse de femmes leur ressemblant. Les lecteurs, qui comptent un nombre important d’hommes, sont avides de nouveaux chapitres et n’hésitent pas à exprimer leur impatience.
Des poètes en ligne
Pour Mohamed El Khadiri, jeune poète (et ancien collaborateur du défunt Nichane, pendant arabophone de TelQuel), publier sur le Web est le fruit de nombreuses visites sur des magazines électroniques comme kikah.com, jehat.com, ainsi que les forums d’écrivains arabes. “J’ai envoyé un texte à Samuel Shimon, l’éditeur de kikah, qui l’a aussitôt publié”.
Internet est aussi un moyen pour ce jeune écrivain de traiter, par le biais de l’ironie, de thèmes considérés aujourd’hui comme tabous : religion, sexe ou politique. Une liberté de ton que l’on apprécie en lisant ses poèmes et ses nouvelles : sexualité, expériences amoureuses… Tout y est décrit sans fausse pudeur. “Le plus intéressant avec Internet, c’est la possibilité qu’ont les gens de te lire partout, que ce soit dans les grandes villes du monde, Londres, Paris, New York , Beyrouth, Dubaï ou dans les petits patelins inconnus”.
Interactivité, partage et nouvelles amitiés dans le milieu littéraire arabe sont les avantages d’une publication sur le Net. Mohamed El Khadiri confie : “On m’envoie parfois des mails pour dire qu’on aime un de mes textes. Du coup, on les partage sur les réseaux sociaux et c’est à travers ce “partage” que j’ai pu lier de très bonnes amitiés avec de jeunes écrivains arabes”.
Quand on sait la cherté des livres et le parcours du combattant qu’il faut pour pouvoir être publié dans une maison d’édition, on comprend mieux le choix de ces écrivains tournés vers Internet. C’est le moyen le moins cher et le plus interactif. Et sans censure, surtout !
Sélection. Un certain talent
La Dernière Chance d’un Ange, Najoua Noor “Pour moi, c’est soit j’entreprends une action d’éclat, soit je ne fais rien. C’est pour cela que j’ai décidé de devenir tueur en série. Après tout, le Big Bang est une action d’éclat menée par Dieu. Je veux être le dieu des femmes. Les tuer, ne pas les tuer, telle est la question. Tout dépend de la femme en question. Il ne s’agit pas de tuer à l’aveuglette. Je choisis soigneusement mes victimes. Je mène une double vie. Pour le commun des mortels, je suis photographe professionnel dans une agence de mannequins. Pour Dieu qui me regarde et qui hurle d’indignation sans toutefois me punir, je suis le meurtrier de seize femmes. Ces femmes étaient splendides. Elles sont restées sublimes jusqu’à la fin. Même charcutées et viandées, elles restaient magnifiques baignant dans une mare de sang poisseux”. LOL pas LOL, Engy Jalal Les nouvelles de Majda |
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