success story
En partenariat avec
World Merit Morocco

De Marrakech à l’ONU,
la quête d’empowerment
de trois jeunes Marocains

Chaïma, Mohamed et Abdelhamid, étudiants marrakchis, rêvaient de participer à la COP22 en 2016. Ils sont finalement allés jusqu’à New York présenter à l’ONU leur plan d’action pour les objectifs de développement durable.
Début mars 2018, ils faisaient venir 200 de leurs pairs du World Merit à l’Université Mohammed VI Polytechnique de Ben Guerir, pour continuer l’action.

Ce 24 février à Ben Guerir, 150 jeunes du monde entier débarquent avec une énergie débordante à l’Université Mohammed VI Polytechnique de Ben Guerir. Ils arborent un tee-shirt ou un sweat à l’effigie du “World Merit”, le mouvement planétaire de jeunes auquel ils appartiennent. Jeunes femmes, jeunes hommes, en arabe, en anglais, en français, rigolent, échangent des “hugs”, lancent des “wouh !” de ralliement. Ils ne se connaissaient pas une semaine auparavant, mais les codes propres à cette communauté cosmopolite de jeunes engagés pour le développement durable ont rapidement brisé la glace.


À la manœuvre pour ce rassemblement, Chaïma Dalouhamouch, Mohamed Lahmami et Abdelhamid Bassi, âgés de 23 à 25 ans, tous les trois étudiants ingénieurs à l’École nationale des sciences appliquées (ENSA) de Marrakech, cofondateurs du World Merit Morocco.  En partenariat avec l’OCP, c’est eux qui ont rassemblé ces 150 délégués du World Merit, dont une centaine de Marocains, à Ben Guerir, pour la première édition du World Merit Councils Summit. Le sommet réunit les différentes structures locales du World Merit, l’un des mouvements planétaires de jeunes des plus actifs grâce à son partenariat avec l’ONU.

 

Durant cinq jours, au contact d’experts de premier plan (entrepreneurs, influenceurs, hauts fonctionnaires internationaux), ces jeunes ont planché sur les thématiques du développement durable, mais ont aussi été formés à des techniques de marketing, de levée de fonds et de communication pour démultiplier les effets de leur action. 

 

Objectif : l’empowerement. “C’est la première fois depuis sa création en 2013 que la maison mère World Merit se déplace hors du Royaume-Uni ou des États-Unis. World Merit prend soudain un tournant africain, et c’est à mettre au crédit de World Merit Morocco”, se réjouit Chris Arnold, président de l’organisation basée à Liverpool, et l’une des rares tempes grisonnantes présentes à l’évènement. 

 

L’histoire de World Merit Morocco est une success story inspirante, celle d’une émancipation citoyenne extrêmement contagieuse.

Recherche et
financement

En 2016, dans une cité ocre qui s’apprête à accueillir la COP22, Chaïma, Mohamed et Abdelhamid partagent les mêmes bancs de l’ENSA Marrakech. Ils cherchent à tout prix un moyen de participer à la conférence qui va accueillir les dirigeants du monde entier autour de la lutte contre le réchauffement climatique. 

Déjà engagés dans plusieurs associations, dont Enactus et Ta3mal, les trois étudiants n’envisagent pas d’être de simples spectateurs.  Aussi, quand Abdelhamid entend parler du programme Merit360, c’est dans cette optique qu’il en parle à ses camarades.

L’histoire de World Merit Morocco est une success story inspirante, celle d’une émancipation citoyenne contagieuse.

Merit360 est le programme phare de l’organisation World Merit.  Il réunit chaque année 360 jeunes durant un mois pour plancher sur un plan d’action concret pour la mise en œuvre des objectifs de développement durable, et les présenter, en personne, à l’ONU. 

“On s’est retrouvés au café Showtime de Marrakech et on a peaufiné notre dossier de candidature de trois heures de l’après-midi à trois heures du matin”, se souvient Mohamed. Après quelques entretiens via Skype, ils sont présélectionnés parmi des milliers de candidats. 

Ils doivent à présent lever 10 000 dollars pour financer leur participation au programme, et se tournent dans un premier temps vers le président de la région Marrakech-Safi, Ahmed Akhchichine, qui leur réserve un accueil emballé.  “Si je n’avais pas senti l’intérêt de ce que vous étiez en train de mettre sur pied, je ne vous aurais pas fait venir jusque dans mon bureau”, leur dit-il en substance. 

Mena Holding et l’Université Cadi Ayyad suivront pour boucler le budget. 

En août 2016, les trois amis marrakchis embarquent donc pour New York, et sont affectés chacun à un des 17 ODD (objectifs de développement durable). Mohamed au numéro 8, “travail décent et travail économique”, Chaïma au numéro 9, “industrie, innovation et infrastructure” et Abdelhamid au numéro 13, “mesures relatives à la lutte contre le changement climatique”. 

Durant un mois, ils travaillent en groupe avec d’autres jeunes du monde entier sur un plan d’action concret, accompagnés de personnalités comme Lord Michael Hastings du cabinet KPMG, ou encore Ahmad Elhendawi, l’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU pour la jeunesse. Le 9 septembre, ils représentent le Maroc pour parler de leur travail, mais, déjà, ils pensent à la suite. 

“Avec cette expérience, on aurait sans doute pu aller travailler pour une ONG internationale, peut-être même une multinationale, mais il fallait qu’on revienne au Maroc pour en faire profiter les autres.

Je fais partie des cinq personnes de mon village, près de Beni Mellal, qui ont voyagé hors du Maroc, peut-être le seul à faire des études.

 

J’avais envie de faire quelque chose pour agir localement”, explique Mohamed. 

“Après l’expérience à l’ONU, on voulait partager ça avec les jeunes Marocains, pour que d’autres puissent vivre cette expérience, ou une autre, différemment. La première chose à faire pour ça, c’est de répandre l’empowerment, pour former d’autres jeunes qui formeront d’autres à leur tour, etc.”, ajoute Chaïma. Qu’à cela ne tienne.


L’empowerment,
c’est quoi ?

Le terme d’empowerment apparaît pour la première fois aux États-Unis, au début du XXe siècle, chez les femmes qui luttent pour la reconnaissance de leurs droits.
Il désigne aujourd’hui autant un état (avoir du pouvoir) qu’un processus d’apprentissage (acquérir du pouvoir), que ce soit dans le domaine économique, de la vie en société ou de la participation à la vie politique.
Le concept peut être individuel, mais il concerne bien souvent une communauté.
Parfois utilisé comme tel en français, ou traduit par “autonomisation”, le terme est en fait proche de celui d’”émancipation”.

“Je pourrais me dire empowered quand j’aurais le sentiment de pouvoir inspirer les autres, pas uniquement par mes mots, mais aussi par mes actions”, explique Abdelhamid.
Pour Mohamed, en revanche, “on ne peut jamais se dire ‘ça y est, je suis empowered’.
C’est un processus d’apprentissage permanent.
C’est le moment où tu dis ‘je suis au maximum’ que tu commences à décliner.
Apprendre, apprendre, apprendre, c’est ça l’empowerment”.

Ainsi naît World Merit Morocco

La participation à la COP22 leur permet de nouer des contacts qui vont leur être utiles par la suite. 
Ils passent également 10 mois en stage au QG international de World Merit pour parfaire leur technique d’empowerment. C’est là, à Liverpool, qu’ils mettent sur pied leur stratégie pour World Merit Morocco. 

“On a fixé un but, celui de former les jeunes à la citoyenneté, qu’ils ne soient pas simplement spectateurs, mais acteurs de leur communauté, qu’ils prennent part à la prise de décision. Et puis, on s’est demandé comment on pourrait faire les choses différemment, pour ne pas retomber dans les travers de nos précédents engagements associatifs”, explique Mohamed. Lors de l’édition suivante de Merit360, ils ne sont déjà plus délégués, mais participent à l’organisation. Déjà se dessine le projet d’un sommet au Maroc, qui servirait de tremplin pour lancer le reste de l’action de World Merit Morocco. 

Abdelhamid, co-fondateur de World Merit Morocco, prend la parole dans l’amphithéâtre de l’UM6P de Ben Guerir.

À en juger par les posts Facebook des jeunes participants au sommet marocain, l’édition de Ben Guerir est un succès. 
“World Merit Morocco a fait un travail formidable pour cette édition. Nous avions prévu que l’édition de l’année prochaine ait lieu en Inde, mais on va plutôt revenir ici pour faire les choses en plus grand.
 L’Université est particulièrement adaptée et ça permettra à World Merit Morocco de s’établir définitivement. Les équipes le méritent vraiment”, explique Chris Arnold. 

L’histoire de World Merit Morocco est une success story inspirante, celle d’une émancipation citoyenne contagieuse.

D’ici la prochaine édition, ils ont déjà un programme bien chargé.  Dans quelques mois, ils organiseront “Wonderland”.  “Ce sera une évaluation à froid des techniques d’empowerment que les délégués marocains ont acquises durant cette semaine, une fois qu’ils auront été confrontés au terrain”, explique Mohamed. 


Chaïma, elle, supervise la tenue prochaine de “Live for the story”. 

Avec la photographe humanitaire Lisa Kristine, elle organisera des ateliers de formation au story-telling, à la photographie et à la vidéo, avant la tenue d’un concours photo autour du développement durable. Dans le cadre du programme de développement durable de la ville de Marrakech, en partenariat avec la Banque Mondiale, World Merit Morocco est aussi chargée de mobiliser les jeunes Marrakchis pour qu’ils assistent aux 150 ateliers de formation dispensés par une caravane locale.

Enfin, World Merit Morocco envisage aussi de créer des antennes dans chaque université et école du royaume. 


Cibler
l’Afrique

World Merit Morocco réfléchit aussi à l’échelle continentale. 
“Pour changer les choses, il faut d’abord commencer par soi-même, puis sa famille, ses voisins, ses camarades de classe, etc.  À présent que World Merit Morocco est lancée, on peut s’atteler à la création de World Merit Africa.  L’idée est de créer, au Maroc, le QG africain de World Merit, pour coordonner l’action des quelque 75 conseils de World Merit répartis dans autant de villes africaines”, explique Abdelhamid. 


En partenariat avec United Cities and Local Government (UCLG) qui réunit près de 2000 maires dans le monde, l’idée est que ces élus locaux forment les jeunes Africains à la prise de décision politique locale. “Ce n’est pas l’étiquette partisane qui nous intéresse, mais la conscience politique”, précise Mohamed.


Mais où puisent-ils toute cette énergie ? “Ça me ronge de l’intérieur quand je vois des personnes dans le besoin et que je ne peux rien faire pour eux.  C’est pour ça que je suis devenu ingénieur.  J’espère qu’un jour j’arriverai à innover suffisamment pour aider plusieurs personnes à la fois”, confie Chaïma. “Au Maghreb en particulier, et en Afrique en général, les jeunes ont du potentiel et des opportunités. Ce n’est pas ce qui manque.  En revanche, ce qu’il manque, c’est peut-être de savoir où on va. C’est ça que l’on veut faire : aider notre génération à tracer son chemin”, détaille Mohamed. 

Autour des trois fondateurs, Chaïma, Mohamed et Abdelhamid, trois autres Marocains forment l’équipe dirigeante de World Merit Morocco. L’organisation revendique désormais 200 membres et est en constante augmentation. 

La success
story originale
Chris Arnold,

PDG de World Merit

À Ben Guerir, Chris Arnold, 46 ans, déambule entre les groupes de jeunes. En pantalon casual, un sweat-shirt sur les épaules, seules sa chevelure et sa barbe poivre et sel le différencient des autres participants au sommet.  “C’est assez naturel pour moi de faire partie de cette communauté de cette manière, même s’il m’arrive de porter des costumes et de me raser”, tient-il à préciser, avec le large sourire qui ne quitte pas son visage. Rien n’indique que Chris Arnold a été un homme d’affaires flamboyant, avant qu’il ne crée le World Merit en 2012. 

L’histoire remonte aux années 1980. Chris Arnold est alors un adolescent un peu perdu, dans une ville anglaise en plein déclin industriel, “dans l’un des plus mauvais quartiers de Liverpool, scolarisé dans l’une des pires écoles du Royaume-Uni”, décrit-il. 

Le tableau “kenloachien” s’assombrit encore le 15 avril 1989 lorsque le jeune Chris survit à ce qui est connu dans tous les esprits britanniques comme “la tragédie de Hillsborough”. Lors d’un match de football Liverpool-Nottingham, 96 personnes meurent autour de Chris, plus de 700 autres sont blessées dans un mouvement de foule. 

“Malgré l’éducation de mes parents, j’ai déraillé après cette tragédie.  Ça a duré un certain temps, jusqu’à ce que ma prof d’anglais, Mary Wilson, me prenne entre quatre yeux”, raconte-t-il. Elle lui dresse un “plan de vie” sur une feuille de papier que Chris Arnold conserve toujours, plus de 25 ans plus tard. 

“Premièrement, voyage. Va te rendre compte à quel point tu as de la chance. Deuxièmement, lance un business qui te permettra d’être suffisamment riche à 40 ans pour prendre ta retraite et écrire des livres que personne ne lira”, écrit-elle. Après ses examens, Chris Arnold s’exécute.  Il voyage trois ans et demi, en cumulant les petits boulots de par le monde. À son retour, il crée l’entreprise Camp Leaders en 1999 qui organise des “summer camps” aux États-Unis pour les jeunes Britanniques. Succès immédiat. 

Il développera par la suite des offres pour le volontariat international.  Le groupe se diversifie aussi dans les nouvelles technologies.  Chris Arnold fait fortune. “À 39 ans, j’ai repris le plan de vie de Mary Wilson. J’aurais dû prendre ma retraite et écrire des livres, mais je me suis dit que je voulais être Mary Wilson à grande échelle, faire naître de la confiance, élever les aspirations de jeunes du monde entier”, raconte-t-il. 

En 2012, il démissionne de son poste de PDG, et crée World Merit.  “Aujourd’hui, je fais le meilleur métier du monde, puisque mon travail c’est d’être entouré de gens qui veulent et travaillent pour un monde meilleur”, assure-t-il.

Avec de jeunes membres dans chaque pays de la planète, World Merit est aujourd’hui l’un des mouvements de jeunes les plus dynamiques au monde, notamment grâce à son partenariat avec l’ONU.