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Agriculture : les giboulées de mars ont-elles sauvé les récoltes printanières ?

Alors que le Maroc subissait la pire sécheresse depuis 1981, les précipitations du mois de mars ont redonné l’espoir aux agriculteurs et responsables en vue d’une récolte printanière importante.

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Au début du mois d’avril, l’heure est décidément à l’optimisme. C’est que les dernières précipitations ont fait renaître de l’espoir dans tout le Royaume, à commencer par le gouvernement d’Aziz Akhannouch. “Les dernières précipitations ont ravivé les espoirs quant à l’actuelle campagne agricole”, a déclaré Mustapha Baitas, porte-parole de l’Exécutif, à l’issue d’un Conseil de gouvernement tenu le 1er avril.

“Certes, on ne peut pas atteindre la récolte exceptionnelle de l’année dernière mais la récolte de cette année sera importante”, espère-t-il. Cette récolte importante concerne notamment les cultures printanières et les légumineuses, relève le porte-parole du gouvernement, en mettant l’accent sur la contribution du secteur de l’élevage, considéré comme le premier employeur du secteur agricole. D’après le ministre, les bons résultats attendus dans ce secteur contribueront à la stabilité des emplois.

Après la pluie, le beau temps

Du côté du ministère de tutelle, l’espoir est également de mise. Le ministre de l’Agriculture, de la pêche maritime, du développement rural et des eaux et forêts, Mohamed Sadiki, s’est montré lui aussi optimiste après les dernières pluies enregistrées au niveau national. En marge d’une réunion sur le programme des cultures de printemps dans le cadre de la campagne agricole actuelle, Mohamed Sadiki a reconnu que les pluies qu’a connues le Maroc dernièrement ont un impact immédiat sur les cultures, notamment céréalières.

“On est pratiquement sur un million d’hectares de céréales qui peuvent connaître un rattrapage extrêmement important”

Mohamed Sadiki, ministre de l'Agriculture

“L’impact est immédiat sur les cultures qui n’ont pas encore été totalement détruites, comme les céréales”, a-t-il assuré lors de cette rencontre consacrée à la campagne agricole des cultures de printemps, à laquelle ont pris part, le président de la Fédération des chambres d’agriculture, le président de la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural (Comader), les Présidents de la FIAC, la FOLEA et Maroc Lait ainsi que les responsables centraux et régionaux du département de l’agriculture.

“On est pratiquement sur un million d’hectares de céréales qui peuvent connaître un rattrapage extrêmement important”, a-t-il précisé, notant que l’impact sur le couvert végétal de manière globale, particulièrement les parcours, est significatif. Cette année, la superficie prévisionnelle des grandes cultures de printemps (maïs, pois chiche, tournesol et haricot sec) devrait totaliser 320.000 ha si les conditions favorables se poursuivent.

Quant aux cultures maraîchères de printemps, surtout dans les zones irriguées, la superficie programmée s’élève, elle, à 80.000 ha, tandis que la production prévisionnelle de ces cultures devrait couvrir les besoins de consommation du marché local pendant la période estivale. En attendant, les agriculteurs dans plusieurs régions travaillent déjà pour rattraper la saison agricole, dont les cultures d’automne ont été impactées par le déficit pluviométrique.

Le ministre de l’Agriculture, Mohamed Sadiki, s’est montré optimiste après les dernières pluies enregistrées au Maroc en mars dernier.Crédit: DR

Récolte printanière au vert

Pour comprendre cet optimisme, il faut revenir sur le cumul pluviométrique moyen national enregistré durant le mois de mars. D’après l’agence Maghreb Arab Press (MAP) qui consacre un article aux dernières précipitations sur son site dédié mapecology.ma, ce cumul pluviométrique a atteint 60 mm, soit une hausse de 46% par rapport à la moyenne des trente dernières années, estimée à 41 mm.

Une hausse de 52% est également constatée par rapport à la campagne précédente qui n’a pas dépassé les 39 mm. Ces précipitations ont ainsi un impact très favorable sur le couvert végétal des parcours et l’arboriculture fruitière et annoncent de bonnes perspectives quant à l’installation des cultures de printemps, à savoir les légumineuses et principalement le pois chiche, les oléagineux et notamment le tournesol, les cultures maraîchères et le maïs.

La situation est telle qu’elle va alléger énormément la pression sur le cheptel, sur les éleveurs, sur les productions de viande et les productions laitières. En témoigne la reprise des indicateurs, notamment ceux des prix, pour les ovins et les caprins. A cela s’ajoute aussi la bonne répartition régionale des précipitations, comme le fait savoir Nabil Chaouki, directeur de développement des filières de production au sein du ministère de l’Agriculture.

Une situation qui, d’après lui, pourrait impacter positivement l’évolution de la campagne agricole, à travers l’accélération du rythme d’installation des cultures de printemps ainsi que le redressement de la situation des céréales d’automne en bour favorable (blés et orge).

Les précipitations du mois de mars permettraient également l’amélioration du couvert végétal en général et des parcours en particulier, la redynamisation des travaux d’entretien, l’amélioration des retenues des barrages à l’usage agricole et des niveaux des nappes phréatiques, ainsi que l’amélioration de la situation de l’arboriculture fruitière (agrumes, amandier, olivier, arganier..).

“Pire sécheresse depuis 1981”

Le Maroc revient de loin. Pour rappel, le Royaume subissait en ce début d’année 2022 la pire sécheresse depuis plus de quarante ans

Le Maroc revient ainsi de loin. Pour rappel, le Royaume subissait en ce début d’année 2022 la pire sécheresse depuis plus de quarante ans. Le 23 février dernier, devant la commission des secteurs productifs à la Chambre des représentants, le ministre de l’Agriculture, Mohamed Sadiki, concédait ainsi que “le Maroc connaît sa pire sécheresse depuis 1981”. Face aux députés, le responsable revenait sur les conditions climatiques difficiles qui perturbent la campagne agricole actuelle.

D’après les précipitations (75 mm) enregistrées jusqu’au 21 février, la campagne agricole actuelle connaît alors un déficit de 69% en comparaison avec une saison normale et de 64% par rapport à la saison écoulée. A ce stade, les précipitations, en plus de connaître ce repli “important”, sont selon lui “très mal” réparties sur l’ensemble du territoire.

D’autres chiffres confirment cette assertion : le taux de remplissage des barrages a atteint 32% au 21 février contre 42% à la même période de l’année dernière. Un taux qui, selon lui, ne dépasse pas les 12% sans les bassins du “Gharb”et du “Loukkous”.

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Intervention royale

En réaction, le roi Mohammed VI a reçu, le 16 février à la Résidence royale de Bouznika, le Chef du gouvernement Aziz Akhannouch et le ministre de l’Agriculture Mohammed Sadiki pour évoquer la situation du secteur agricole suite à la vague de sécheresse qui a frappé le pays.

Cette réception s’inscrivait dans le cadre des efforts déployés par le souverain pour veiller au bien-être du monde rural ainsi qu’à l’ensemble des composantes du secteur agricole dans le cadre d’une saison agricole marquée par de faibles précipitations, notait un communiqué du cabinet royal.

Dans ce cadre, le souverain avait appelé le gouvernement à mettre en place des mesures urgentes pour faire face aux effets de la sécheresse. Les mesures prévues par l’Exécutif visaient à atténuer le retard des pluies ainsi que l’impact de celles-ci sur l’activité agricole tout en assistant les agriculteurs et éleveurs.

Dans ce sens, le Fonds Hassan II pour le développement économique et social devrait contribuer à hauteur de trois milliards de dirhams à ce programme pour lequel une enveloppe financière totale estimée à dix milliards de dirhams a été mise en place.

Ce programme ad hoc repose sur trois axes. D’abord, la protection des ressources animales et végétales et la gestion de la rareté de l’eau. Ensuite, l’assurance agricole. Le troisième axe quant à lui vise à alléger les charges financières pesant sur les agriculteurs et autres professionnels du secteur tout en finançant les opérations d’approvisionnement du marché national en blé et aliments du bétail et les investissements innovants dans le domaine de l’irrigation.

Le 16 février, le roi Mohammed VI a reçu le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, et le ministre de l’Agriculture, Mohamed Sadiki, pour lancer un programme de dix milliards de dirhams pour faire face aux effets de la sécheresse.Crédit: DR

Le soutien de la Banque mondiale

Plus d’un mois plus tard, le 25 mars dernier, la Banque mondiale a approuvé un financement de projets d’investissement d’un montant de 180 millions de dollars afin d’appuyer une agriculture résiliente et durable au Maroc. Ce prêt entend renforcer la gouvernance des ressources hydriques dans le secteur agricole, améliorer la qualité des services d’irrigation et élargir l’accès des agriculteurs à des conseils techniques dans ce domaine.

“L’agroalimentaire est un moteur crucial pour le développement économique et social de la population marocaine. Le secteur représente 21 % du PIB et près de 39 % de l’emploi, et ces taux sont encore plus élevés en milieu rural,” souligne Jesko Hentschel, directeur des opérations de la Banque mondiale pour le Maghreb et Malte.

Pour lui, ce financement de projet “vient soutenir ce secteur vital, en s’inscrivant dans le droit fil de la stratégie “Génération Green”, du Plan national de l’eau et du Nouveau modèle de développement poursuivis par le pays”.