De l’Arabie saoudite au Maroc, les violences faites aux femmes parlementaires

D’après une étude du Réseau des femmes parlementaires arabes pour l’égalité (Ra’Edat), 79,6 % des femmes parlementaires dans les pays arabes, dont le Maroc, ont déjà subi des violences.

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Rachid Tniouni / TelQuel

79,6 % des femmes parlementaires de la région ont déjà été victimes d’au moins une forme de violence, tandis que 20,4 % affirment n’en avoir jamais subi dans le cadre de leur engagement politique. Telle est la conclusion de l’étude du Ra’Edat – Réseau des femmes parlementaires arabes pour l’égalité (Arab Women Parlamentarian Network for Equality), dont les résultats ont été présentés le 25 février à Tunis.

Sur les 370 femmes (en activité ou anciennement parlementaires) à qui a été remis le questionnaire, 210 ont accepté d’y répondre. Quinze pays ont participé à cette étude : l’Égypte, l’Iraq, le Maroc, l’Algérie, la Jordanie, la Mauritanie, le Soudan, la Tunisie, la Libye, la Palestine, Bahreïn, le Liban, Oman, l’Arabie saoudite et le Yémen.

Être femme au Parlement

D’après cette étude inédite, la violence psychologique est la plus répandue. Ce sont 99 parlementaires, soit 47,1 % de l’échantillon de base de l’étude, qui affirment avoir été victimes de violences verbales, dont des propos sexistes, alors que 32,9 % ont déjà été menacées de mort, de viol, de kidnapping ou de coups.

La violence économique concerne quant à elle 34,3 % des femmes parlementaires. Concrètement, elles se retrouvent privées d’opportunités de travail, de sources de revenus ou subissent une violation de biens privés.

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En bas du classement, on trouve les violences sexuelles. Selon l’étude, seulement 5,7 % des femmes parlementaires affirment avoir subi des violences sexuelles. Les violences psychologiques et économiques seraient les plus courantes.

Violence masculine

Cette violence est majoritairement pratiquée par les hommes. En effet, 51 % des femmes qui affirment avoir été victimes de violence disent en avoir subi de la part d’hommes, alors que seulement 10,6 % déclarent avoir été victimes de femmes. 38,4 % des femmes parlementaires affirment avoir souffert de violences autant de la part d’hommes que de femmes.

Pour 31,1 % des femmes parlementaires de cette région, la violence émanait d’une figure d’autorité sous la coupole

Pour 31,1 % des femmes parlementaires de cette région, la violence émanait d’une figure d’autorité sous la coupole, alors que 23,4 % la subissaient de la part de collègues parlementaires, contre 22,8 % qui en faisaient les frais de la part de camarades au sein de leur parti.

Les réseaux sociaux constituent un espace privilégié pour la violence : 32 % des femmes parlementaires ayant subi des violences déclarent que c’était sur les réseaux sociaux, contre 19,6 % qui en ont fait l’objet sur les médias traditionnels.

16 % des femmes parlementaires ont subi des violences lors de rassemblements électoraux, 11,2 % lors de rencontres et de conférences, 16 % dans le siège même du parti, 15 % de manière anodine dans la rue, tandis que 7,5 % des femmes déclarent avoir subi des violences au sein du cadre familial.

Dénonciations sans retour

77,8 % des femmes parlementaires qui ont participé à l’étude ont parlé de leur agresseur à leurs familles, amis, ou à des autorités compétentes, notamment la police, la justice, ou la présidence du Parlement.

En revanche, 22,2 % des parlementaires violentées ne se sont jamais confiées à qui que ce soit et n’ont jamais porté plainte de manière officielle contre leur agresseur. Cela signifie que seule une parlementaire sur cinq finit par se confier à ses proches ou à porter plainte pour les violences subies dans l’exercice de ses fonctions.

61,6 % des femmes parlementaires affirment que la dénonciation publique ou/et le dépôt de plainte n’ont abouti à aucun résultat

L’étude a également démontré que les amis et la famille constituaient les confidents privilégiés des parlementaires victimes de violence. 58 des participantes à l’étude affirment s’être confiées à des amis, tandis que 53 d’entre elles ont préféré en parler à un membre de la famille. Bien évidemment, ces dénonciations ne constituent aucunement des plaintes officielles, comme le rappelle l’étude.

15 % des femmes parlementaires déclarent s’être confiées à des collègues au Parlement et 15 % à des camarades au sein du parti. 21 % ont eu recours à la police, 15 % à la justice, 19,8 % au leader du parti, et 10,2 % à la présidence du Parlement. Seulement 5,4 % ont choisi les médias pour dénoncer leur agresseur.

61,6 % des femmes parlementaires affirment que la dénonciation publique et/ou le dépôt de plainte n’ont abouti à aucun résultat, contre 28,7 % qui considèrent que cela avait eu un impact.

Séquelles intimes et politiques

Des violences qui ne sont pas sans conséquences : charge mentale, peur, autocensure… Le rapport dresse un constat alarmant des effets de la violence subie lors de l’exercice de la fonction représentative.

Pour 31,7 % de ces femmes, cela a considérablement limité leur activité politique

43 % des parlementaires affirment que la violence qu’elles ont subie leur a fait ressentir de la peur, alors que 32,3 % ont subi des pressions familiales. 37,7 % d’entre elles estiment que cela a restreint leur liberté d’expression, alors que pour 31,7 %, cela a considérablement limité leur activité politique.

19,1 % des parlementaires dévoilent que la violence dirigée contre elles les a poussées à s’abstenir de participer aux événements publics, 12,5 % ont eu à se retirer de la vie politique de manière définitive, et 13,1 % ont dû retirer leur candidature d’un poste à responsabilité.