Afrique du Sud: retour progressif à la normale après trois jours de violences xénophobes

La police patrouillait les rues de Johannesburg mercredi pour prévenir de nouvelles violences xénophobes après trois jours d'attaques et de pillages, fermement condamnés par le président Cyril Ramaphosa qui a répété que « tout le monde est bienvenu en Afrique du Sud ».

Par

AFP

Mercredi matin, la situation était calme dans le centre ville de Johannesburg et le township d’Alexandra, théâtre la veille d’émeutes, ont constaté des journalistes de l’AFP.

Des magasins commençaient timidement à rouvrir, tandis que quelques habitants fouillaient dans les décombres de magasins pour récupérer de la nourriture. Mercredi matin, le président Ramaphosa a de nouveau condamné les violences.

« S’en prendre à des étrangers n’est pas la bonne attitude », a-t-il déclaré. « Tout le monde est bienvenu en Afrique du Sud. Nous ne sommes pas le seul pays qui accueille des habitants qui fuient » leur pays, a-t-il ajouté au Cap (sud-ouest), en amont du Forum économique mondial Afrique où sont attendus de mercredi à vendredi une quinzaine de chefs d’Etat.

Depuis le début des violences dimanche, au moins cinq personnes ont été tuées et près de 200 personnes arrêtées. Des dizaines de magasins ont été détruits à Johannesburg et dans la capitale politique Pretoria. Des poids-lourds soupçonnés d’être conduits par des étrangers ont également été brûlés dans la province du Kwazulu-Natal (nord-est).

Cette flambée de violences suscite l’inquiétude de plusieurs pays du continent, qui comptent de nombreux ressortissants en Afrique du Sud.

Le Nigeria a décidé de dépêcher un émissaire spécial en Afrique du Sud. Le président du Zimbabwe, Emmerson Mnangagwa, a « condamné » mercredi « toute forme de violence alimentée par la haine », saluant « la réponse rapide des autorités sud-africaines » pour tenter de ramener le calme.

Le Botswana, aussi frontalier de l’Afrique du Sud, a appelé ses concitoyens sur place à faire preuve de « la plus grande prudence » et à « rester vigilants en permanence ».

Des commerces ont été brûlés dans la nuit de lundi à mardi dans la plus grande ville du pays, ont constaté des journalistes de l’AFP. Les rues du township d’Alexandra, qui jouxte le quartier financier moderne de Sandton, étaient jonchées mardi de pierres, de briques et de cendres. Des policiers patrouillaient en tirant des balles en caoutchouc contre de jeunes gens, afin d’éviter de nouveaux pillages.

« Ils ont tout brûlé », a témoigné à l’AFP un commerçant originaire de Bangladesh, Kamrul Hasan, devant son commerce incendié. « Tous les six mois, c’est la même chose. Alors pourquoi rester ici? J’ai tout perdu. Si le gouvernement (sud-africain) paie mon billet d’avion, je rentrerai au Bangladesh », a-t-il assuré.

L’Afrique du Sud, économie subsaharienne la plus développée du continent, est régulièrement secouée par des violences xénophobes, nourries par le fort taux de chômage et la pauvreté.

« On ne peut pas permettre aux gens de faire la loi », a estimé David Makhura, le « Premier ministre » de la province du Gauteng, qui inclut Johannesburg et la capitale Pretoria.

« Il n’existe pas un seul pays où il n’y ait pas d’étrangers. Tous les pays sont confrontés aux problèmes des réfugiés, des demandeurs d’asile », a-t-il ajouté devant la presse dans le township d’Alexandra.

Pas de « violence xénophobe »

« Oui, il est important que nous renforcions la sécurité aux frontières, mais on peut intervenir sans recourir à la violence xénophobe », a encore dit ce membre du Congrès national africain (ANC), le parti au pouvoir. L’opposition a accusé le président Cyril Ramaphosa d’inaction face aux émeutes et appelé « à sortir de sa cachette et à agir ».

« Notre nation brûle et saigne », a lancé le chef du principal parti d’opposition, Mmusi Maimane, à la tête de l’Alliance démocratique (DA).

« Les Sud-Africains ont peur et n’ont pas d’espoir pour l’avenir (…) Nous constatons un effondrement économique et social, et les manifestations violentes, les pillages, des destructions à grande échelle (…) en est la preuve évidente », a-t-il ajouté dans un communiqué.

La vague de violences et de pillages qui a éclaté dimanche soir a débuté après la mort de trois personnes dans l’incendie encore inexpliqué d’un bâtiment du centre-ville de Johannesburg, avant de se propager à d’autres quartiers de la ville puis à Pretoria, située à une soixantaine de kilomètres.

Plus de 110 personnes ont été arrêtées, selon les derniers chiffres des autorités, qui ont également fait état du meurtre d’un civil dans des circonstances qui restent à éclaircir.

Le ministre de la Police Bheki Cele doit s’entretenir mardi après-midi à Johannesburg avec des responsables de plusieurs foyers de travailleurs, soupçonnés d’abriter des émeutiers.

En 2015, sept personnes ont été tuées au cours de pillages visant des commerces tenus par des étrangers à Johannesburg et à Durban. En 2008, des émeutes xénophobes avaient fait 62 morts dans le pays.