Incendies en Amazonie: Bolsonaro, seul contre tous

Depuis le début de l'année , près de 75.000 départs de feu qui ont été recensés dans la forêt amazonienne. La dégradation de la situation en ce mois d'août a provoqué à la fois indignation sur les réseaux sociaux et crispation diplomatique. Quand la politique du président Bolsonaro se retourne contre lui.

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Incendie dans la forêt amazonienne dans l'état de Rondonia au Brésil, en août 2019. Les activités humaines, comme la déforestation, accélèrent l'émergence de nouvelles maladies. Crédit: Ueslei Marcelino/REUTERS

La forêt amazonienne, la plus grande forêt tropicale du monde, a connu près de 75.000 départs de feu. Considéré comme le « poumon » de la planète, cet écosystème, est depuis un an sous l’emprise d’une dégradation sans précédent. Entre juillet 2018 et juillet 2019, le nombre de kilomètres carrés rasés par mois a augmenté de 278%. Le nombre de feux de forêt a quant à lui augmenté de 83% depuis début 2019.

Un véritable risque environnemental pour le Brésil, mais également le reste du monde, qui provoque depuis quelques jours une vague d’indignation sur les réseaux sociaux.

L’incendie, non maîtrisé, a également été l’objet de crispation diplomatique entre le gouvernement du président brésilien Jair Bolsonaro et certains autres pays comme la France ou l’Irlande. Le 23 août, Paris et Dublin ont menacé de ne pas ratifier l’accord de libre-échange entre le MERCOSUR (marché commun du Sud) et l’Union européenne si le Brésil ne mettait pas tout en oeuvre pour résoudre ces incendies. Plus tôt, au milieu du mois d’août, c’est la Norvège qui avait entamé le bal des sanctions en bloquant 30 millions d’euros d’aides et de subventions à destination de Brasilia. Pour Oslo, le Brésil a “rompu son accord” quant à sa volonté de protéger la forêt amazonienne.

Dans ce dossier, ce sont bien les réactions brésiliennes qui agacent la communauté internationale. Le 22 août, le président brésilien lançait: “concernant les feux en Amazonie, j’ai l’impression qu’ils pourraient avoir été causés par les ONG, car elles perdent de l’argent […]. Il pourrait s’agir, mais je ne l’affirme pas, d’actions criminelles de ces dernières pour attirer l’attention contre moi et contre le gouvernement brésilien. C’est la guerre à laquelle nous sommes confrontés”. Jair Bolsonaro, qui annonçait  au début de son mandat que “les caisses des ONG ne servent ni à protéger la forêt, ni à replanter des arbres”, en a profité pour répondre au président Emmanuel Macron sur Twitter:

Il s’est également permis une pique quand la chancelière allemande, Angela Merkel, avait annoncé la suspension de 80 millions d’euros d’aide pour l’Amazonie. “Qu’ils utilisent cet argent pour reboiser l’Allemagne”, a ironisé le président brésilien.

De l’importance de l’Amazonie

Dans un contexte mondial où le mois de juillet 2019 a été le plus chaud de l’histoire depuis les relevés de températures, la conscience écologique n’en a été que plus affectée. Bolsonaro, au-delà de ses provocations, inquiète par la politique de son gouvernement envers la conservation de la forêt amazonienne.

Actuellement, 70% des déforestations ont pour but de faire paître les bœufs pour l’exploitation de la viande. 30% sont destinés à l’industrie du soja. La situation est d’autant plus inquiétante qu’actuellement, au Brésil, il est discuté des lois pour affaiblir le code forestier et rendre encore plus légale la déforestation”, explique au Monde Cécile Leuba, chargée de campagnes forêts à Greenpeace France.

Un risque qui se fait d’autant plus croissant que cette forêt, que l’on appelle un « puits de carbone« , capte plus de 10% du dioxyde de carbone mondial pour en faire de l’oxygène, sans parler de la richesse de la biodiversité. “Un hectare dans la forêt amazonienne rassemble jusqu’à 150 espèces d’arbres différents. A surface égale, une forêt française en rassemblera une dizaine”, explique Cécile Leuba.

De son côté, le directeur exécutif de l’Observatoire politique de l’Amérique latine et des Caraïbes, Gaspard Estrada, déclarait au Monde : “les budgets de l’INCRA (Institut national de la colonisation et de la réforme agraire)  ont diminué en 2019, il y a nettement moins de contrôles opérés au sein de la forêt. Aujourd’hui, c’est l’état brésilien même qui souhaite la déforestation de l’Amazonie”.

Le président brésilien avait d’ailleurs récemment fait limoger le directeur de l’Institut national de recherche spatiale (INPE), Ricardo Galvao, pour avoir mis en lumière de façon chiffrée l’évolution de la destruction de la forêt amazonienne.