Sur le banc des accusés, Lekjaa se dit “prêt à partir” dès septembre

Attendu depuis la sortie des Lions de l'Atlas de la CAN 2019 après une défaite face au Bénin, le président de la Fédération royale marocaine de football s'est enfin exprimé. À l'occasion d'une réunion entre la FRMF et “la famille du football marocain” à Skhirat lundi, Fouzi Lekjaa a pris la parole pendant près de deux heures pour tout déballer.

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Capture d'écran

Oui, nos moyens sont plus grands que certains de nos adversaires. Mais sur le terrain, les autres pays ont entamé du bon travail depuis longtemps, tandis que le football marocain se reposait sur ses acquis et ses responsables étaient dans un sommeil profond”, a concédé Fouzi Lekjaa lors de son intervention à l’occasion d’une réunion entre la Fédération royale marocaine de football (FRMF) et la famille du football marocain, ce lundi à Skhirat.

En entamant son discours par cette déclaration, le président de la FRMF donnait le ton, avant d’enchaîner en distribuant les bons et les mauvais points à l’ensemble des responsables, lui compris.

J’ai commencé à travailler pour notre pays en 1995. Je suis directeur du budget depuis 2010. Je suis aussi président de la FRMF depuis 2014, et j’ai intégré la Confédération africaine de football en 2016. Ce sont mes responsabilités. Aujourd’hui, si quelqu’un trouve que Lekjaa ou sa petite famille a en sa propriété d’autres biens que l’appartement dans lequel j’habite, et un bien que j’ai acheté à Tafoughalt en l’honneur de mes grands-parents, qu’il les prenne”, a lancé le président de la FRMF à l’attention de certains de ses détracteur l’accusant de détournement de fonds.

Un contexte qui nécessite l’action

Conscient que l’élimination des Lions de l’Atlas de la Coupe d’Afrique des nations 2019 reste en travers de nombreuses gorges, Fouzi Lekjaa est revenu sur cet épisode “douloureux”  aussi bien pour lui que pour l’ensemble des composantes du football marocain.

L’objectif en Égypte était de remporter cette coupe. Et je peux vous assurer que dans deux ans, avec ce public, le Maroc doit remporter la Coupe d’Afrique des nations. Il ne faut pas se fixer d’autres objectifs”, a déclaré le président de la FRMF. “Si la tristesse était quantifiable, la mienne se trouverait et se trouvera pour longtemps dans un premier palier”, a-t-il ajouté.

Le patron du football marocain a également tenu à remercier le désormais ex-sélectionneur des Lions de l’Atlas, Hervé Renard. “Mille mercis à Monsieur Hervé Renard. Aucun travail dans le monde n’est parfait. Il a fourni beaucoup de travail et d’énergie… On sera toujours reconnaissants”, a affirmé Lekjaa, qui considère que l’aventure du technicien français avec l’équipe nationale a été  “très honorable”. “Monsieur Hervé Renard que j’ai eu l’occasion de connaître depuis 4 ans a dirigé l’équipe nationale alors qu’il fallait la relever quand elle n’était que 81e nation mondiale. Il a eu la mission de faire ce travail et de construire un groupe magnifique”, a-t-il ajouté.

Dans un contexte miné par l’amertume et la colère depuis l’élimination des Lions, Lekjaa a appelé les composantes du football marocain à s’unir et poursuivre le travail entamé au niveau des équipes nationales. “Il faut qu’on parle du fait stratégique et mobilisateur, de l’implication de la jeunesse autour des sports et notamment le football. Pas d’un penalty raté…”, a plaidé le président de la FRMF, en soulignant qu’une élimination de la CAN peut être surmontée en négociant bien la phase suivante. Une allusion au choix des futurs directeur technique et sélectionneur nationaux. À ce propos, le président a indiqué qu’une “commission spécialisée tranchera parmi les dizaines de CV reçus” dès la semaine prochaine.

Le football national a besoin d’action, on a besoin d’agir, on a besoin de travailler ensemble et d’aller sur le terrain. Vos idées sont bonnes, excellentes. Dans cette salle, il y a des siècles d’expertise. Mais le contexte actuel nous force à nous serrer les coudes”, insiste Fouzi Lekjaa. Le prési dent de la FRMF a par ailleurs assuré que la rencontre de lundi était prévue depuis mai, et qu’elle n’a donc pas été provoquée par l’élimination prématurée des Lions au Caire.

Une DTN au bilan médiocre

Concluant donc le chapitre de la désillusion égyptienne, le président de la fédération marocaine a ouvert le chapitre d’un autre échec, celui de la direction technique nationale, dirigée jusqu’au mois de mai dernier par Nasser Larguet. “Il faut reconnaître qu’à ce niveau, on a été médiocre. Il faut que le travail soit collectif. On apprend tous les jours. Il faut qu’on continue d’apprendre”, a déclaré le président de la FRMF.

Le volume de travail qui a été déployé par les encadrants de la DTN… était en deçà des attentes. Abstraction faite des noms, car pour moi ce n’est pas important, le plus important était de partager les mêmes valeurs (…). Je fais pour la première fois une lecture de la production de notre direction technique. Je peux vous dire que le rendu était médiocre”, a ajouté Lekjaa, annonçant que les méthodes de travail de la direction technique nationale subiront des réaménagements.

Tous les cadres qui seront engagés prendront leurs responsabilités dans les prochains jours. Ils seront des salariés et iront travailler tous les jours au centre Maâmora, et ce durant toute l’année et ils n’auront pas d’autres jours de vacances que les 3 semaines garanties par la Fédération”, a promis le patron du football marocain, qui reconnaît que son instance n’a pas réussi à appliquer ces règles de rigueur “durant le peu de temps” qu’elle a eu pour la gérer la situation.

Une situation qui était critique en 2014 à en croire Lekjaa. “Lorsque je suis arrivé, il y avait une équipe nationale détruite avec quatre coachs sur le banc. On ne pouvait pas faire un centre, travailler sur la formation, et avoir des résultats pour les équipes premières”, raconte le président de la FRMF.

Le football a un effet générationnel, comme le développement. Il ne répond pas à la logique des réactions chimiques, et en termes de réussite il ne répond pas à la logique des jeux de hasard. Si vous voulez la pérennité, il faut faire un travail de fond”, a déclaré le 2e vice-président de la Confédération africaine de football. Et d’ajouter : “Si vous travaillez 10 heures avec les jeunes, vous participez à la construction d’une nouvelle société. Oubliez les aspects opérationnels du foot. Oubliez la programmation, oubliez les erreurs d’arbitrage. Concentrez-vous sur la construction d’un pays, de la société, apprenez à vos jeunes les valeurs du football. Vous allez en former des milliers et des millions”. 

En poursuivant l’exercice de l’autocritique, Lekjaa dit assumer la responsabilité de l’état catastrophique du football féminin au Maroc. “Si j’ai fait des choix que j’ai ratés complètement, c’est au niveau du football féminin. Je l’assume”, a-t-il déclaré en promettant que des mesures seront prises dans les jours pour entamer le chantier du football féminin.

Lekjaa prêt à rendre les clefs

Je m’intéresse au foot par passion. Je vous jure que si vous doutez une seconde que je ne respire pas le football, je n’ai plus rien à faire ici. Je travaille avec mes tripes, je ne sais pas faire autrement”, a confié Lekjaa en s’adressant à ses détracteurs qui estiment qu’il n’est plus en mesure de gérer le football national. Il s’est également dit prêt à transformer l’assemblée générale (AG) ordinaire de la FRMF prévue en septembre en AG extraordinaire et élective. “Si demain vous m’envoyez quelqu’un pour me dire ‘nous ne voulons plus de toi’, je serai alors le premier à défendre le successeur que vous m’aurez choisi”, a-t-il encore lancé.

Lekjaa précise néanmoins que tant qu’il est responsable du football marocain, il n’hésitera pas à “aller au front” avec tous ceux qui menacent les intérêts du pays. “J’ai réussi à clore le chapitre du président du Zamalek (Mortada Mansour, adversaire de la Renaissance de Berkane lors d’une finale de la coupe de la CAF entachée d’erreurs d’arbitrage selon le président de la FRMF,  NDLR), les prochains jours ce sera au tour des Tunisiens”, promet Lekjaa qui a tenu à ajouter que par son poste à la CAF, il est de son devoir de servir les intérêts des équipes marocaines.

On a combattu la corruption en luttant contre Issa Hayatou (l’ex-président de la CAF, NDLR). Ceux qui ont la mémoire courte, je les invite à revenir en 2017 et notre première vraie victoire au Tribunal arbitral du sport. L’homme allait nous priver de trois participations à la CAN. Nous n’allions même pas vivre cette Coupe, on allait la suivre à la télé”, rappelle le président de la FRMF.

Après son bilan sportif et avant de donner la parole à la salle, Fouzi Lekjaa a dressé son bilan financier. En bon directeur du budget, le président de la FRMF a décliné sur des slides les subventions allouées aux clubs de Botola 1 et 2.  Sûr de ses comptes, Lekjaa a invité tous les patrons des clubs marocains à réclamer le “moindre centime” qui figurerait sur ces tableaux et qu’ils n’auraient pas perçu. Un rare exercice de reddition des comptes.