Sur France 24, El Othmani entretient le flou sur la libération des détenus du Hirak

Benkirane, Union du Maghreb arabe, possible sortie de crise pour les détenus du Hirak... le chef du gouvernement a réagi à plusieurs points chauds de l'actualité marocaine dans une interview accordée à France 24, et diffusée le 9 juillet.

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Il y aura “sans doute, d’autres pas dans ce sens à l’avenir”. C’est ce qu’a déclaré Saâd Eddine El Othmani, sur une possible intention de l’État de libérer des prisonniers du Hirak, principalement les leaders de ce mouvement. Un demi-aveu, sans plus de précision apportée, mais qui marque l’une des rares sorties télévisées d’un représentant de l’Exécutif à ce sujet.

Dans une interview accordée à France 24, et diffusée le 9 juillet, le chef du gouvernement a été invité à réagir sur plusieurs points chauds de l’actualité marocaine. L’occasion pour la chaîne d’information de revenir sur le bilan ses deux années à la tête du gouvernement et les contestations sociales qui ont marqué le Maroc durant cette période.

Expérience pionnière et Doing Business

Sur les détenus de mouvements sociaux dans le Rif et à Jerada, le chef du gouvernement a d’abord estimé que les récentes grâces royales, constituaient “une preuve de l’orientation du pays”, ainsi qu’un “comportement politique marocain qui tente de réconcilier et résoudre les problèmes”. Il a rappelé que les grâces accordées concernaient “ceux que l’on a appelés les prisonniers salafistes-djihadistes”.

Le Maroc a le souci de résoudre aux problèmes selon des moyens légaux pour avancer, a estimé Saad Eddine El Othmani, interviewé par l’ancien rédacteur en chef de Nichane, Jamal Boudouma. Une méthode qui a permis au Royaume de vivre, “une expérience pionnière”, en référence à l’Instance équité et réconciliation selon le chef de l’Exécutif.

Dans la lignée de son intervention devant l’Union nationale de la presse francophone, le 23 avril, Saad Eddine El Othmani s’est voulu enthousiaste sur le bilan de ses vingt-quatre mois passés à la tête du gouvernement. Des résultats “très positifs” qui, selon lui, ont eu le mérite de provoquer “la satisfaction” tant des observateurs que des parlementaires. “Le Maroc réalise des avancées importantes dans les secteurs sociaux, économiques ou au niveau de la bonne gouvernance”, a ainsi défendu le chef du gouvernement, évoquant à demi-mot “des remarques faites par l’opposition”.

Au niveau économique, il a avancé les résultats du dernier classement mondial Doing Business, sur l’attractivité. “Nous comptons désormais parmi les soixante premiers pays les plus attrayants pour les investisseurs étrangers et nous comptons bientôt être parmi les cinquante premiers”, a-t-il déclaré, soulignant que “ceci n’a pu se réaliser sans des réformes profondes entamées par le Maroc et le gouvernement actuel”. Des ambitions qui avaient également été mises en avant lors de la présentation de son bilan devant la presse du Royaume, mais aussi en 2016, lors de la présentation du programme gouvernemental devant le parlement.

Sujet brûlant, le chômage – notamment chez les jeunes – n’a fait l’objet d’aucune mention. S’il affirme que son gouvernement a lancé des réformes importantes depuis deux ans, il concède que le dossier “qui a le plus retenu l’attention” est la signature de l’accord sur le dialogue social en avril dernier.

Le chef du gouvernement a rappelé qu’il s’agissait du “premier accord social de ce type depuis neuf ans”, et qu’il réunissait les syndicats, représentants du patronat et de l’Etat. “Le dialogue social va améliorer les revenus moyens, sur deux ans, et englobe d’autres dossiers qui vont renforcer l’attraction du Maroc et l’environnement entrepreneurial”, a-t-il expliqué au média français.

Benkirane, un “bon ami”

Sur son accession à la tête de l’Exécutif et la crise politique au sein du gouvernement, El Othmani concède “des blocages compréhensibles”. “Le pluralisme politique a un coût. Ce coût est dû à la difficulté de former des alliances gouvernementales. Former un gouvernement avec six partis politiques n’est pas une entreprise aisée”, a-t-il expliqué.

Il a également défendu au cours de son intervention une ligne gouvernementale “claire”, qui repose sur des fondamentaux tels que “la religion islamique, l’intérêt national et l’unité nationale, la monarchie démocratique et sociale et enfin, une logique de participation politique”.

Au sein du PJD, El Othmani reconnaît certaines dissensions, mais loue “la démocratie interne” qui subsiste au sein du parti de la lampe. Interrogé sur ses rapports avec son prédécesseur Abdallah Benkirane, le chef du gouvernement évoque un “ami”, avec qui il entretient “de très bonnes relations depuis 40 ans”. Alors que plusieurs médias font état de relations houleuses entre les deux hommes, El Othmani ne s’est pas attardé sur relative à un manque de concertation évoqué par Benkirane. “D’accord, j’en prends note, c’est un bon ami à moi”, a-t-il coupé.

En dernière partie d’interview, le chef du gouvernement est revenu sur le rapatriement de Marocains victimes du raid aérien le 2 juillet dans la banlieue est de Tripoli. Une attaque qui a provoqué la mort de sept ressortissants marocains, ainsi que huit blessés, alors que trois personnes sont pour l’instant portées disparues. “Le transport des corps sera couvert par l’État”, a-t-il souligné. Quant à la position du Maroc sur la situation libyenne et le maréchal Haftar, El Othmani a réaffirmé l’attachement du Royaume “à la solution politique, avec comme base les accords de Skhirat à partir desquels la Libye pourra sortir de l’impasse dans laquelle elle se trouve”.

Sur la présence du Maroc à la conférence – controversée – de Manama, le chef du gouvernement a réaffirmé que le “Maroc reste attaché à sa position constante de soutenir le peuple palestinien dans sa lutte pour l’établissement de l’État palestinien avec Jérusalem comme capitale”. “Mohammed VI déploie de nombreux efforts et suit ce dossier personnellement”, a-t-il déclaré, expliquant que le roi s’est entretenu au téléphone avec Donald Trump au moment où ce dernier transférait l’ambassade américaine à Jérusalem.

Enfin, le chef du gouvernement a souligné la nécessité “d’avoir un rapprochement, un dialogue, des partenariats, une coopération entre les pays du Maghreb”. Des propos en guise de main tendue envers le voisin algérien, à qui il “souhaite un avenir prospère” ? Reste que pour impulser un nouvel élan à l’échelle régionale, El Othmani s’est dit “plein d’espoir que l’Union du Maghreb arabe puisse voir le jour”. De quoi donner une indication sur l’un des chantiers du gouvernement El Othmani, d’ici à l’horizon 2021 ?