Moi, Youssef Hadji, finaliste de la CAN 2004

Youssef Hadji faisait partie de l'équipe qui a fait vibrer les Marocains en 2004, jusqu'en finale de la CAN. Pour TelQuel, il revient sur son premier but officiel contre le Nigéria, sa célèbre danse du genou et la finale perdue contre les Tunisiens. Souvenirs, souvenirs…

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Youssef Hadji célébrant son but face à l'Algérie avec Marouane Chamakh lors de la CAN 2004. Crédit: AFP

Badou Zaki l’a bien compris en intégrant Youssef Hadji”. La voix incrédule de Mourad Moutawakil, le commentateur sportif de la deuxième chaine, résonne encore dans la mémoire des Marocains. Celui qui commentait alors les rencontres de l’équipe nationale vient d’assister à un but qui délivre un public jusque-là anxieux. Nous sommes à la 77e minute de la rencontre Maroc – Nigéria pour le compte de la 1re journée des phases de poule de la Coupe d’Afrique des nations 2004. Une rencontre déjà vitale dans un groupe où figurent également l’Afrique du Sud et le Bénin.

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Sur le banc au coup d’envoi, Youssef Hadji n’entre en jeu qu’à la 60e minute. Lorsque 17 minutes plus tard, il place la balle au fond des filets, celui qui évolue alors à Bastia inscrit son premier but avec la sélection nationale qui s’assure du même coup la victoire face à un adversaire redoutable (1-0). Un but qui lançait l’épopée tunisienne des Lions de l’Atlas.

Intégration

Quelques jours avant le début de la CAN, le Maroc entier attend la liste des 24 joueurs présélectionnés pour la coupe africaine en Tunisie. Youssef Hadji aussi. “Les matchs amicaux de préparation s’étaient bien déroulés et j’étais confiant quant à mes chances,” se souvient celui qui finira par être retenu dans la liste finale de 22 joueurs. “Le premier nom que j’ai aperçu était le mien. J’étais heureux. Je pouvais m’illustrer devant le Maroc entier. Il fallait honorer cette sélection et rendre fiers tous ces Marocains”. D’autant que les attentes sont grandes autour du petit frère de Mustapha Hadji, gloire du football national et actuel entraîneur adjoint de la sélection.

Le groupe comptait de nombreux jeunes talentueux, encadrés par des joueurs expérimentés comme Talal El Kerkouri, Youssef Safri, Noureddine Naybet”, se rappelle l’ancien attaquant. L’équipe espérait-elle aller jusqu’à cette finale disputée le jour de la Saint-Valentin? “On ne se posait pas la question. On voulait seulement aller jusqu’au bout”. La seule inquiétude de Youssef Hadji est alors de se faire une place dans un secteur offensif déjà bien fourni (Marouane Chamakh, Jaouad Zairi et Moha El Yaacoubi). “Je suis venu très tard, je n’ai pas pris part aux éliminatoires”, regrette Hadji.

Dès lors, le numéro 20 redouble d’efforts pour “renverser la tendance et bousculer la hiérarchie”. Mission difficile, tant le sélectionneur de l’époque, Badou Zaki, tient à son onze de départ habituel. Reste à miser sur une entrée en jeu décisive. “Le jour du match, le coach m’a annoncé que j’allais débuter sur le banc. Mais il a également dit qu’il allait me faire entrer en jeu et que j’allais marquer un but”, se souvient l’attaquant. Une prophétie qui se réalise ce 27 janvier 2004.

Danse du genou

A l’issue d’un premier tour lors duquel le Maroc se qualifie sans peine à la faveur d’une victoire détonante face au Bénin (4-0) et d’un match nul (1-1) face à l’Afrique du Sud, les Lions de l’Atlas abordent, pour la première fois en six ans, un quart de finale de Coupe d’Afrique. A Sfax, la sélection nationale se prépare à affronter un adversaire bien connu : le voisin algérien. Une rencontre sous tension qui se tient dans une enceinte de 22.000 places pleine à craquer pour ce derby.

En première mi-temps, les occasions sont rares et les fautes nombreuses. La deuxième période est, elle, dominée par le Maroc. Les occasions s’enchainent, mais les Lions de l’Atlas ne parviennent pas à trouver la faille. A la 85e minute, l’impensable se produit. Sur le côté droit, l’ailier algérien déborde. Son centre est dévié par Talal El Karkouri et le cuir retombe sur la tête de l’attaquant Malek Cherrad. L’Algérie mène 1-0. La moitié du stade est en fusion. L’autre se prépare à l’éventualité d’une défaite face à son meilleur ennemi, tout comme des millions de Marocains devant leur poste de télévision.

A cinq minutes du terme de la rencontre, Badou Zaki joue son va-tout. Youssef Hadji remplace Talal El Karkouri. Le match se résume alors à de l’attaque-défense. L’arbitre annonce cinq minutes d’arrêt de jeu et le Maroc fait le siège sur le but algérien. Jusqu’à cette 4e minute des arrêts de jeu. Placé à l’entrée de la surface, Youssef Hadji est alors témoin privilégié d’un but inscrit dans la mémoire des supporters marocains.

Sur le côté gauche, l’ailier Moha Al Yaacoubi déborde. Son centre fuse dans la surface. Naybet ne parvient pas à le reprendre. Mais Marouane Chamakh parvient à se saisir du ballon, le contrôle calmement du pied droit, avant de tromper le gardien algérien à bout portant. A quelques secondes de la fin de la rencontre, le Maroc égalise, et s’apprête à jouer les prolongations.

Youssef Hadji sait qu’il a encore un rôle à jouer. “Je me suis dit qu’il y aurait un moment dans les minutes à venir où je recevrais un ballon qu’il fallait mettre au fond des filets”, se souvient l’attaquant. Ce ballon, l’attaquant l’aura à la 113e minute. La confrontation entre les deux équipes s’est alors rééquilibrée et le moindre geste peut changer le cours du match. Sur un cafouillage de la défense algérienne, Hadji récupère le cuir aux abords de la surface. D’un astucieux contrôle de la pointe du pied droit, il efface son adversaire direct. L’attaquant fonce vers le but et, du plat du pied gauche, loge le ballon dans les filets. Le Maroc mène 2-1.

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Cheville droite dans la main droite, l’attaquant s’offre une célébration improbable pour savourer la délivrance de tout un peuple. Une célébration inspirée par l’un de ses coéquipiers, Abdeslam Ouaddou. “A chaque fois qu’il marquait un but sur la PlayStation, il faisait ce geste. Et c’est la première chose qui m’est venue à l’esprit”, se souvient celui qui inscrit alors son deuxième but sous le paletot de l’équipe nationale.

L’Algérie est K.O. Quelques minutes plus tard, Jaouad Zairi enfonce le clou en inscrivant un troisième but de l’extérieur de la surface après avoir dribblé le gardien algérien. Après 120 minutes d’un combat titanesque, l’arbitre siffle la fin d’un match qui marquera l’esprit de toute une génération de Marocains. “Dans toute ma carrière, c’est le match qui m’a procuré le plus de pression, de sensations et d’émotions fortes. Nous ne sommes pas près d’oublier ce match-là. J’en ai encore des frissons. Je ne pouvais pas imaginer mieux. Ça aurait pu être la finale, c’était en quelque sorte une finale avant l’heure”, se souvient, ému, l’attaquant.

Finale sans Valentin

Après une performance maîtrisée face au Mali (4-0, dont un nouveau but de Youssef Hadji), les Lions de l’Atlas se hissent en finale de la CAN 2004. Le rendez-vous est fixé au 14 février avec le pays hôte, la Tunisie. 28 ans après le sacre d’Addis Abeba, joueurs et supporters marocains se prennent à rêver d’un deuxième titre continental. D’autant que le Maroc fait office de favori. Les Lions ont la meilleure attaque du tournoi (13 buts au compteur) et ont clairement dominé leurs adversaires pendant la compétition. La Tunisie, elle, sort d’une demi-finale poussive remportée à l’issue d’une séance de tirs au but face au Nigéria.

Ayant disputé l’essentiel de la compétition en tant que remplaçant, Youssef Hadji démarre cette finale comme titulaire. Mais les Aigles de Carthage entament la rencontre sur les chapeaux de roue. Dès la 4e minute, l’attaquant tuniso-brésilien Santos ouvre la marque. A la 37e minute, Youssef Hadji bien servi sur le côté droit, centre pour Mokhtari qui inscrit le but égalisateur.

La deuxième mi-temps de cette finale démarre comme la première. Sur un centre mal repris par le gardien Khalid Fouhami, Ziad Jaziri inscrit le second but tunisien. Les Lions de l’Atlas perdent le contrôle du match, et finissent par s’incliner. “Ce qui est dommage encore une fois, c’est qu’on avait la meilleure équipe du tournoi. Malheureusement on n’a pas gagné cette coupe. C’est le mektoub (le destin, NDLR), c’est ce qu’on a pu faire, hamdoullah” confie Hadji.

Et d’insister sur la cohésion du groupe, en cette période de polémiques qui ont fait les choux gras de la presse nationale : “Avant tout il y a le drapeau, et c’était ça notre force. Il est vrai qu’il y avait plusieurs langues au vestiaire, mais nous parlions tous un seul langage, celui de la défense du drapeau. La preuve, nous avons aujourd’hui un groupe WhatsApp, avec le drapeau et où on discute tous ensemble”. Pour les hommes d’Hervé Renard, Youssef Hadji espère qu’ils “vont nous faire vivre de grandes émotions”. Feront-ils mieux que l’exploit des Lions de l’Atlas en 2004 ?

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