Affaire Khashoggi : l'étau se resserre sur Mohammed Ben Salmane

Un rapport onusien révèle des détails macabres sur le meurtre du journaliste et opposant saoudien Jamal Khashoggi. L'acte aurait été commandité par le prince héritier  Mohammed ben Salmane, dit MBS. 

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Mohammed ben Salmane, le fils du roi d'Arabie saoudite, le 11 avril 2017 à Ryad. Crédit: AFP

Des révélations explosives sur l’assassinat du journaliste et opposant saoudien Jamal Khashoggi, éliminé le 2 octobre 2018 dans le consulat saoudien d’Istanbul, ont été rendues publiques le mercredi 19 juin. Une étude menée pendant plus de six mois par Agnès Callamard, experte onusienne passée par Amnesty International, pointe du doigt les autorités de Riyad : “Il existe des éléments de preuves crédibles justifiant une enquête supplémentaire sur la responsabilité individuelle des hauts responsables saoudiens, y compris celle du prince héritier”, indique le rapport. Si les soupçons ne sont pas nouveaux, l’étau se resserre sur Mohammed ben Salmane Al Saoud. Son nom est partout dans le rapport de 115 pages.

En octobre 2018, le New York Times confirmait déjà “qu’au moins neuf des quinze suspects identifiés par les autorités turques travaillaient pour les services de sécurité saoudiens, l’armée ou d’autres ministères. L’un d’entre eux, Maher Abdulaziz Mutreb, était un diplomate affecté à l’ambassade saoudienne à Londres en 2007, selon une liste diplomatique britannique. Il aurait beaucoup voyagé avec le prince héritier, peut-être en tant que garde du corps.”

Signature acérée du Washington Post, Jamal Khashoggi a reçu une injection létale, avant d’être désossé et ses membres emballés dans des sacs. Son corps n’a jamais été retrouvé. Agnès Callamard a eu accès à des enregistrements inédits particulièrement crus sur l’assassinat du journaliste saoudien. Le rapport retranscrit une conversation entre Maher Al-Mutreb, un colonel des renseignements saoudiens, considéré comme le chef du commando, et le médecin légiste Salah Al-Tubaigy, qui a découpé le corps du journaliste. Alors que les meurtriers attendaient la victime, le médecin a rassuré Maher Al-Mutreb en affirmant que démembrer le corps ne sera pas un problème” . Puis, un officier des renseignements saoudien a demandé si “l’animal sacrificiel était enfin arrivé.

“Est-ce que ce sera possible de mettre le tronc dans un sac ?

 “Non, trop lourd.” 

“Les articulations seront séparées, ce n’est pas un problème. Le corps est lourd. C’est la première fois que je coupe par terre. Si nous prenons des sacs en plastique et que nous le coupons en pièces, ce sera terminé. On emballera chacune d’entre elles.” 

Cet échange macabre contrecarre les versions contradictoires avancées par Riyad selon lesquelles Khashoggi aurait été tué lors d’une opération non autorisée par le pouvoir, après avoir refusé de rentrer dans le royaume et s’être débattu. Dans son rapport, Agnès Callamard explique que les autorités saoudiennes ont visiblement détruit des preuves, ce qui n’aurait pas pu avoir lieu à l’insu du prince héritier.

Le ministre saoudien des Affaires étrangères n’y a vu “rien de neuf”. Le rapport contient “des contradictions évidentes et des allégations infondées, ce qui jette le doute sur sa crédibilité”, a-t-il déclaré. Le ministre turc des Affaires étrangères a, lui, immédiatement “appuyé avec force les recommandations” du rapport pour “élucider le meurtre de Khashoggi et demander des comptes à ceux qui en sont responsables”.

La suite serait peut-être l’ouverture d’une enquête pénale internationale, sur une décision du secrétaire général des Nations unies, Antonio Guetteres. Dans son rapport, Agnès Callamard préconise aussi au secrétaire général de l’ONU de mener une enquête “approfondie” sur le rôle du prince héritier Mohammed ben Salman et de son conseiller Saoud Al Qahtani.

Les points-clés du rapport des Nations Unies sur l’assassinat de Jamal Khashoggi

• En octobre, des responsables saoudiens ont dissimulé le meurtre de Jamal Khashoggi dans un consulat saoudien, nettoyant des salles, bloquant les enquêteurs et ayant éventuellement brûlé des preuves.

• La destruction des preuves et le rôle actif du consul général saoudien dans l’organisation de l’opération en coordination avec les responsables à Riyad suggèrent que le meurtre et la dissimulation ont été autorisés au plus haut niveau de la cour royale saoudienne.

• Le rapport présente un nouveau défi au président Trump, qui considère le prince héritier saoudien Mohammed Bin Salman comme un allié essentiel et l’a toujours défendu dans l’affaire. “Maybe he did and maybe he didn’t!’”, déclarait-il en novembre 2018.