Le CESE ne mâche pas ses mots sur l'inefficacité du parlement

Demandé par le parlement lui-même au Conseil économique, social et environnemental (CESE), le rapport sur “L’approche parlementaire du nouveau modèle de développement du Royaume”, adopté en janvier 2019 et publié récemment, n'épargne pas l'instance législative.

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Ahmed Reda Chami, président du CESE.. Crédit: Rachid Tniouni / TelQuel

Suite à une saisine du parlement, le CESE a mené une étude de 6 mois qui a donné lieu à un rapport adopté le 28 janvier et publié récemment. Intitulé “L’approche parlementaire du nouveau modèle de développement du Royaume”, il fait état d’importantes carences de l’organe législatif du pays.

C’est le gouvernement qui fait la loi, pas le parlement

Le CESE met en avant la faiblesse de l’hémicycle dans l’élaboration des textes législatifs, laissant au gouvernement une position privilégiée et dominante dans l’établissement des textes de loi. Les chiffres présentés par le rapport parlent d’eux-mêmes : lors de la première législature ayant suivi l’adoption de la dernière Constitution (2011- 2016), 5 propositions de loi sur 86 déposées par les parlementaires ont été adoptées. En comparaison, 91 projets de loi du gouvernement ont été adoptés sur les 132 déposés.

Une différence que le CESE explique par le manque d’experts en rédaction des lois au parlement. A l’opposé, le gouvernement “est doté de fonctionnaires spécialisés dans la législation, aussi bien au secrétariat général du gouvernement qu’au sein des ministères”, relève le CESE. Malgré la mise en place en 2012 d’un “Plan stratégique pour la mise à niveau et le développement de l’action de la Chambre des représentants” pour renforcer les compétences du parlement, la production législative de la chambre basse est restée trop faible à cause du manque d’expertise dans le langage juridique et “le manque de compétences rédactionnelles”, pointe le CESE dans son rapport.

Un manque de contrôle du gouvernement… à cause du gouvernement

Outre l’adoption de lois, le Parlement manque aussi d’outils pour assurer le suivi de la mise en place des projets de loi. Or, le contrôle fait partie du pouvoir du parlement, tout comme le suivi des performances des décisions prises par le gouvernement. Le contrôle et le suivi des projets de loi, ainsi que leur analyse coûts-bénéfices ne sont pas ou peu assurés par l’organe législatif, estime le CESE. “Les mécanismes de contrôle parlementaires tels que les séances des questions, les questions écrites au Gouvernement et les auditions des commissions peuvent s’avérer utiles pour identifier les obstacles et évaluer les progrès,” pointe le rapport.

Autre frein au suivi des projets de loi pointé par le CESE : “l’absence répétée des ministres lors des séances plénières pour répondre aux questions des députés”. Ce manquement est doublé du manque de réponses apporté par le gouvernement sur les questions écrites adressées par la chambre basse du parlement…

Diplomatie parlementaire ou “tourisme de luxe” ?

Un large champ du rapport s’attarde sur le rôle de la diplomatie parlementaire. “Une nécessité impérieuse” au vu du “développement des démocraties dans le monde” et de la tendance “à l’équilibre des pouvoirs”, estime le CESE. Au cours des dernières années, la Chambre des représentants a effectivement vu s’accroître sa présence dans différents évènements, faisant le choix d’une diplomatie “proactive” qui veut mettre en avant le rayonnement du Maroc. Néanmoins, elle reste “associée à du tourisme de luxe”, et s’est “peu développée car souvent sous-estimée et peu dotée en moyen d’action”, selon le CESE. Le parlement marocain est membre de 15 organisations parlementaires multilatérales sur une soixantaine d’organisations dans le monde, et seulement 4 sur douze à l’échelle africaine.

Obstacle principal ? Le manque de formation des élus, une pratique des langues étrangères lacunaire, et une faible maîtrise des dossiers internationaux les empêchant “d’exercer une fonction diplomatique au sein des groupes d’amitiés et des assemblées multilatérales”. Pour une source proche consultée par TelQuel, “le manque de maîtrise des langues étrangères constitue un obstacle dans la compréhension des textes de lois, de poids dans la diplomatie et un obstacle à une démocratie participative”.

Ainsi, le CESE recommande à la Chambre des représentants “d’améliorer l’image du Maroc”. Cela permettrait de “servir les grandes causes du pays d’une façon générale et la cause nationale en particulier en renforçant les mécanismes de la diplomatie parlementaire”.

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