L'Indonésie rapatrie 500 travailleuses domestiques victimes d'un trafic à destination du Maroc

La police  indonésienne vient de démanteler quatre réseaux de trafic de travailleurs domestiques vers des pays de la région MENA, dont le Maroc, où ces personnes s'établissent sans contrats ni permis de séjour.

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La presse indonésienne rapportait ce faisait l’écho le 9 avril du démantèlement “record” de quatre réseaux de trafic de travailleuses domestiques. Ces réseaux auraient envoyé près de 1.200 Indonésiens vers la Syrie, la Turquie et l’Arabie saoudite, mais aussi au Maroc. Dans le détail, 500 personnes ont été envoyées vers le Royaume, 300 en Syrie, 220 en Turquie ou encore 200 en Arabie Saoudite. Toutes ont été rapatriées. Si certaines sources locales affirment que ce trafic date de l’année dernière, d’autres rapportent qu’il remonte à 2014.

Deux trafiquants, Mutiara et Farahn, ont été arrêtés pour avoir encouragé le trafic d’êtres humains depuis la capitale indonésienne, Jakarta, et la province du Nusa Tenggara vers le Maroc. Selon le responsable de l’investigation, les victimes sont d’abord passées par la Malaisie voisine avant de se diriger vers le Maroc. Un autre suspect, Muhammad Abdul Halim, a été arrêté pour trafic d’êtres humains vers la Syrie, un réseau pour lequel il travaillait depuis 2014. Deux ont été arrêtés pour trafic de domestiques vers la Turquie, auquel s’ajoutait également le recrutement de travailleurs migrants, alors que trois suspects, de nationalité éthiopienne, ont été arrêtés pour trafic de domestiques vers l’Arabie Saoudite.

En vertu de la loi indonésienne, le fait d’“amener un citoyen indonésien en dehors du territoire de la République d’Indonésie avec l’intention d’exploiter cette personne en dehors de ce territoire” peut être puni d’une peine allant de trois à quinze ans de prison.

Selon la presse locale, les victimes avaient été convaincues dans un premier temps par la promesse de très bons salaires, mais ont ensuite “réalisé qu’elles avaient été dupées après avoir été obligées de vivre beaucoup d’abus, notamment des violences, des viols et du travail non rémunéré. Elles se sont enfuies et ont rapporté leurs cas aux offices des ambassades ou des consulats”, affirme  le responsable de l’enquête , cité par l’agence de presse indonésienne Antara News Agency.

Ces arrestations surviennent quatre ans après le Moratorium of placement of Indonesian migrant workers for individual employers, une mesure de l’Etat indonésien interdisant à ses ressortissants de travailler en tant que domestique dans 21 pays de la région MENA, dont le Maroc. Adoptée en 2015, celle-ci avait pour but de protéger les femmes indonésiennes des abus auxquels elles étaient souvent exposées et faisait par ailleurs suite à l’exécution de deux domestiques condamnées pour homicide en Arabie Saoudite. Des associations pour les droits humains avaient notamment exprimé leurs doutes quant à la condamnation des jeunes femmes et avaient demandé à ce qu’elles soient libérées.

Hors-la-loi

Contactée par TelQuel, Erna Sugih Priatin, chargée des affaires consulaires au sein de l’ambassade d’Indonésie au Maroc, affirme que dans le cas du Maroc, les travailleurs domestiques rapatriés ont transité par la Malaisie et Singapour.

Elle insiste également sur le fait que depuis l’adoption du moratoire par l’Indonésie en 2015, “envoyer ou recevoir des travailleurs domestiques indonésiens est illégal et considéré potentiellement comme un acte de trafic d’êtres humains”. Notre source explique par ailleurs que l’ambassade a recensé des travailleurs domestiques indonésiens installés au Maroc depuis 2007, mais signale que la quasi-totalité d’entre eux n’est pas signalée par leurs employeurs à l’ambassade. Nous ne connaissons pas leur nombre, à l’exception de ceux qui ont signalé des problèmes comme l’absence de rémunération, la maltraitance ou encore la confiscation des documents d’identité par l’employeur” poursuit la chargée des affaires consulaires au sein de l’ambassade d’Indonésie au Maroc.

D’après elle, l’ambassade fournit de l’assistance consulaire à ces personnes lorsqu’elle est au courant de leurs cas, mais elle s’occupe aussi de leur rapatriement qui est “effectué en temps utile lorsque toutes les mesures nécessaires ont été prises”. Erna Sugih Priatin rappelle que d’après la loi 19-12 sur le travail domestique entrée en vigueur le 2 octobre dernier, les employés de maison devraient être “protégés par des contrats de travail”. Problème : “tous les employeurs avec lesquels l’ambassade a pu entrer en contact ne possèdent pas un contrat écrit homologué avec leurs travailleurs domestiques”.

Par conséquent, vu que “les citoyens indonésiens bénéficient de 90 jours de visa gratuit pour entrer au Maroc indépendamment de la raison de leur visite”, dans la plupart des cas ils restent au Maroc sans visa de travail ni permis de séjour. Contacté par TelQuel, le ministère du Travail n’a toujours pas répondu à nos sollicitations.