A Marrakech, la contre-soirée de Rabat face à une conférence pro-Polisario de Pretoria

Les représentants de 38 pays ont participé, ce 25 mars à Marrakech, à une “Conférence sur l’appui de l’Union africaine au processus onusien de résolution du conflit du Sahara. Celle-ci se tenait en même temps qu’un autre évènement, organisé par l’Afrique du Sud à Pretoria, également consacré au différend régional.

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MAECI

Mettre fin à l’ambiguïté ». C’était l’objectif avoué de la “Conférence ministérielle africaine sur l’appui de l’Union africaine au processus politique des Nations Unies sur le différend du Sahara” que le Maroc a organisé le 25 mars à Marrakech. Elle intervient un peu moins d’un an après la décision prise au sommet de Nouakchott par les chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine, de traiter la question du Sahara au sein de la troïka de l’UA (le président en exercice de l’Union, son prédécesseur et son successeur) qui se voyait ainsi confier un “mandat d’information”. En vertu de cette décision, confirmée par le conseiller juridique de l’UA, l’organisation panafricaine s’en remettait également à l’ONU pour la gestion du dossier du Sahara.

Cette conférence de Marrakech intervient surtout en même temps qu’une autre conférence sur le même sujet, mais au ton bien différent, puisqu’il s’agit d’une “Conférence internationale de l’Organisation de développement de l’Afrique australe (SADC) de solidarité avec le Sahara occidental et de soutien au droit du peuple sahraoui à l’indépendance et à l’autodétermination” organisée à Pretoria en Afrique du Sud.

C’est pourtant dans l’optique de « fédérer et d’aller de l’avant », selon les termes du ministre marocain des Affaires étrangères, que le Maroc a rassemblé les représentants de 38 pays africains (sic), parmi lesquels plus d’une quinzaine de ministres des Affaires étrangères, dans la ville ocre.

Marrakech vs Pretoria

Un motif de satisfaction pour Nasser Bourita, qui a affirmé lors d’une conférence de presse tenue à l’issue de cet événement que « toutes les régions africaines ont été représentées » tout en faisant remarquer que des pays « dont la position (sur les relations avec le Maroc et le dossier du Sahara, ndlr) ont changé » ont pris part aux discussions qui se sont tenues ce 25 mars.

Y ont également participé les représentants de huit pays de la SADC, alors même que l’Afrique du Sud accueille sa propre conférence sur le Sahara. « Cela signifie que plus de la moitié des pays de la région ont pris part à cette rencontre » s’est réjoui le ministre des Affaires étrangères. On notera néanmoins que certains pays de la région comme l’Angola, la République démocratique du Congo ont envoyé des émissaires aux deux évènements. Celui de Pretoria a vu la participation de onze des quinze pays de la région. Au total ce sont une vingtaine de pays à travers le monde, dont les alliés traditionnels du Polisario que sont l’Algérie, Cuba et le Venezuela qui ont pris part à cette rencontre selon Nasser Bourita.

Lors de ce point de presse, le ministre des Affaires étrangères marocain a revendiqué que cette rencontre de Marrakech avait pour but de faire de l’ombre à celle organisée par l’Afrique du Sud : « Initialement nous ne voulions pas organiser de réunion, car nous pensions que la réunion de Nouakchott était claire. […] Mais au vu des réactions, nous nous sommes mobilisés durant les deux dernières semaines pour mettre en place cet évènement ».  Le diplomate a également ironisé sur la “faible” participation à Pretoria : « Ils ont annoncé la venue de Donald Trump, d’Angela Merkel et de Federica Mogherini, mais jusqu’à présent je ne les ai pas vus ».

Côté sud-africain, l’organisation de la rencontre de Marrakech a été mal accueillie, comme en témoigne la réaction de Gwede Mantashe président de l’ANC, principale force politique du pays, auprès des médias : « Je pouvais m’attendre à ça de la part du Maroc, car ils ont de la ressource. […] Ils exploitent même les ressources du Sahara. Ils les utilisent pour s’acheter du soutien et réussir sur le continent ».

Le Sud-africain a également accusé le Maroc d’avoir « acheté » des soutiens en vue de son retour au sein de l’Union africaine tout en affirmant que son pays « a dû accepter l’ambassadeur du Maroc », car le Royaume est désormais un pays membre de l’Union africaine. Il a également indiqué que Youssef Amrani, qui s’est vu confier le poste de représentant du Royaume à Pretoria en aout 2018, se verrait expliquer « que le Maroc doit quitter le Sahara occidental et accorder l’autodétermination à son peuple ».

Légitimité onusienne

A Marrakech, les 38 pays représentés ont adopté une déclaration commune dans laquelle ils réaffirment leur « attachement indéfectible à une Afrique unie, stable, proactive et prospère, parlant d’une seule voix ».

Les participants s’engagent également dans ce texte à « mettre en œuvre la vision […] consacrée lors de la 31e session Ordinaire de la Conférence de l’Union, tenue les 1 et 2 juillet 2018 à Nouakchott (Mauritanie), au sujet du différend régional sur le Sahara » et réaffirment, comme ce fut le cas dans la capitale mauritanienne, « l’exclusivité des Nations unies en tant que cadre de recherche d’une solution politique, mutuellement acceptable, réaliste, pragmatique et durable à la question du Sahara ».

Les 38 pays signataires de cette déclaration ont également convenu que « le soutien de la Troïka au processus politique des Nations Unies doit être préservé de toute ingérence, interférences ou actions non consensuelles, de nature à concurrencer les efforts du Secrétaire général des Nations Unies et de son Envoyé personnel, à compromettre la cohésion de l’Union ou à développer un processus parallèle de nature à cultiver la division entre ses États membres ».

Pour Nasser Bourita, l’adoption de cette déclaration témoigne d’une « opposition à toutes les tentatives  visant à diviser l’Afrique sur cette question (du Sahara, ndlr)  de revenir en arrière et de retour sur cette décision de Nouakchott ». L’adoption de cette déclaration survient alors que la troïka de l’Union africaine est actuellement composée du président égyptien, Abdel Fattah Sissi, et de son homologue sud-africain, Cyril Ramaphosa. Aucun représentant de ces deux pays n’a pris part à la rencontre de Marrakech.