Crash en Ethiopie: les boîtes noires vont être envoyées en Europe

Les boîtes noires du Boeing 737 MAX 8 qui s'est écrasé le 10 mars en Ethiopie vont être envoyées en Europe pour analyse alors que s'allonge la liste des pays et compagnies aériennes ayant interdit de vol ce nouveau modèle de l'avionneur américain.

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Sur le site du crash, le 10 mars, à 60 km d'Addis Abeba. Crédit: Michael TEWELDE / AFP

Le crash, qui a fait 157 morts de 35 nationalités dont 2 Marocains, est le deuxième en moins de six mois pour le Boeing 737 MAX 8. Dans des circonstances similaires, un avion du même type de la compagnie indonésienne Lion Air s’était écrasé au large de l’Indonésie, faisant 189 morts.

En Ethiopie, des proches des victimes – kényanes, chinoises, américaines ou canadiennes – de ce vol qui reliait Addis Abeba à Nairobi, ont été emmenés sur le lieu de l’accident, dans un champ à 60 kilomètres à l’est de la capitale éthiopienne. L’appareil a été pulvérisé à l’impact, creusant un impressionnant cratère dans la terre.

Les boîtes noires, retrouvées le 11 mars, vont être envoyées “en Europe”, dans un pays qui n’a pas encore été choisi, a indiqué à l’AFP Asrat Begashaw, un porte-parole d’Ethiopian Airlines. L’Ethiopie ne dispose pas de l’équipement nécessaire à la lecture des boîtes noires.

Dans un entretien à la chaîne américaine CNN le 12 mars au soir, le PDG d’Ethiopian Airlines, Tewolde GebreMariam a soutenu que les similarités entre les catastrophes aériennes de dimanche et d’octobre sont “significatives”, tout en assurant que les pilotes qui étaient aux commandes de l’appareil d’Ethiopian Airlines avaient reçu une nouvelle formation spécifique au 737 MAX 8 à la suite du crash de l’avion de Lion Air.

Le crash de Lion Air avait braqué l’attention sur les sondes d’angle d’attaque (AOA) reliées au système de stabilisation de l’avion (MCAS). Un dysfonctionnement de ces outils peut mettre l’appareil “piqué” au lieu de le cabrer, en raison d’une appréciation erronée que l’avion est en décrochage.

Comme dans le cas de Lion Air, le crash du Boeing d’Ethiopian Airlines a eu lieu peu de temps après le décollage et les appareils ont connu des montées et des descentes irrégulières juste après le décollage.

Après des interdictions en rafale de la France, du Royaume-Uni, et de l’Allemagne, notamment, l’Agence européenne de sécurité aérienne (AESA) a suspendu tous les vols des MAX 8 et des MAX 9, qu’ils soient à destination, au départ, ou à l’intérieur de l’Union européenne, que les opérateurs soient européens ou issus de pays tiers.

Avant l’Europe, l’Asie avait déclenché l’offensive contre les moyen-courriers de Boeing, avec notamment des suspensions ou interdictions de vols en Australie à Singapour et surtout en Chine, où 76 de ces appareils ont été livrés. L’Inde, la Nouvelle-Zélande et l’Egypte, notamment, ont depuis décrété une interdiction de vol.

Une dizaine de compagnies aériennes, dont Ethiopian Airlines et la Royal Air Maroc, ont également décidé d’immobiliser leurs 737 MAX.

Isolés face à l’immense pression internationale, les Etats-Unis persistaient eux dans leur refus de se rallier à cette interdiction de vol. Le 737 MAX 8, mis en service il y a moins de deux ans, est la version remotorisée du best-seller 737, et est la locomotive des ventes de Boeing, fleuron de l’industrie américaine.

Jusqu’à présent notre examen du dossier ne montre aucun problème de performance et ne fournit aucune raison pour ordonner l’immobilisation de cet avion”, a de son côté assuré l’agence fédérale de l’aviation américaine, FAA, dans un communiqué.

En choisissant de ne pas clouer au sol la flotte des 737 MAX 8, la FAA fait le dos rond dans ce dossier d’autant plus sensible pour l’exécutif américain que les Boeing font partie des négociations commerciales entre Washington et Pékin.

Jusqu’à présent, la FAA a simplement demandé des modifications portant sur des systèmes automatisés, dont le MCAS, alors que de nombreux élus américains, démocrates ou républicains, ont exhorté cette autorité à appliquer le principe de précaution.

Le Canada restait lui solidaire des Etats-Unis en continuant à faire voler les MAX 8 tandis que la compagnie à bas coût Norwegian Air Shuttle, qui a cloué au sol ses 18 Boeing 737 MAX 8, a affirmé qu’elle allait exiger des réparations financières auprès du constructeur américain.

L’interdiction de vol pour un avion récent est un camouflet inédit dans l’histoire de l’aviation civile. Pourtant, elle ne devrait pas perturber outre mesure le trafic aérien mondial. Quelque 370 appareils de cette famille volent dans le monde aujourd’hui, tandis qu’environ 19.000 avions d’au moins 100 passagers sont en service au niveau international, tous modèles confondus, selon des données d’Airbus.

Les personnels navigants et les passagers aux Etats-Unis se sont eux aussi montrés inquiets, beaucoup refusant désormais d’embarquer sur cet appareil. Le syndicat des personnels navigants, représentant des salariés d’American Airlines, a encouragé ses membres à ne pas monter à bord d’un 737 MAX 8 s’ils ne se sentaient pas en sécurité.