Zakaria Boualem et la grippe H1N1

Par Réda Allali

Zakaria Boualem est inquiet. Il a entendu parler de cette grippe H1N1 et a le plus grand mal à garder sa sérénité. Il faut dire que dans sa version arabe, l’influenza des khanazir propose un patronyme qui évoque à la fois les fléaux du Moyen-âge et les films d’horreur de série B. Il a donc écumé les sites officiels pour y débusquer des informations susceptibles de lui permettre d’échapper à cette épouvantable calamité. Mais dans cette quête, il s’est heurté à plusieurs obstacles. Sans plus de formalités, les voici.

Le scepticisme radical. On ne peut pas reprocher à nos vaillants responsables de n’avoir pas tenté de nous informer sur l’influenza des cochons. Ils ont fait l’effort de publier des communiqués dans plusieurs langues, ils se sont déplacés sur les plateaux télé, ils ont même fait des petits dessins sur Facebook, ils se sont donné du mal les pauvres. Mais dans cette démarche, ils se sont heurtés à un mur de méfiance construit par des années de mensonges. Ils n’y sont pour rien, bien sûr, mais il se trouve que depuis des années, nos héroïques gouvernements successifs – sans doute pour des raisons respectables-, nous ont raconté des salades. Nous avons le plus beau pays du monde, Obama rêve d’avoir des lycées aussi performants que nous, nous allons organiser la Coupe du Monde, nous allons devenir un pays plein de pétrole, nous allons résorber le chômage juste avant de devenir une démocratie sociale, vous connaissez le refrain. Du coup, lorsqu’on nous dit que le H1N1 n’est rien, il y a un signal d’alerte qui se déclenche dans la tête de Zakaria Boualem.

Le manque d’expérience. Nos dirigeants n’ont pas trop l’habitude de s’occuper de nous, c’est incontestable. La dernière fois qu’ils se sont souciés de notre santé, c’était pour nous expliquer qu’on allait annuler la Coupe d’Afrique des nations à cause d’Ebola. Personne n’y a cru et nous n’avons toujours rien compris à cette affaire. Ils savent faire des communiqués pompeux, créer des commissions penchées, annoncer des plans d’action et des plans d’urgence, et ils sont même capables de devenir écolos en quelques jours ou de changer de constitution en quelques semaines. Mais venir nous parler parce qu’ils sont inquiets pour nous, c’est une démarche nouvelle. Il faut donc leur laisser le temps de développer cette compétence, un peu de patience les amis.

“L’arrogance du médecin superposée à celle du ministre, c’est comme si on ajoutait du Tabasco à de la harissa”

Réda Allali

L’impitoyable caméra. Vous avez sans doute assisté à la conférence de notre ministre de la Santé. Cet homme était venu nous rassurer. Il a dû être briefé, il a peut-être même répété les phrases clés de son intervention. A une autre époque, il aurait peut-être atteint ses nobles objectifs. On parle d’un temps révolu où les vidéos étaient coupées, montées, contrôlées avant d’être proposées aux locataires du Maroc Moderne. Tout cela est derrière nous. Un simple téléphone a pu dévoiler le spectacle d’un homme irritable, hésitant sur les réponses et agacé par les questions des journalistes. L’arrogance du médecin superposée à celle du ministre, c’est comme si on ajoutait du Tabasco à de la harissa.

On me signale à l’instant qu’il est injuste de taxer les médecins d’arrogance, et que c’est même dangereux en prévision du jour – inévitable – où on tombera entre leurs mains. Il paraît qu’ils sont susceptibles et rancuniers. Un peu de souplesse, les amis : on a traité ici même les journalistes de paresseux, les moqaddems de vénaux, les taximen de truands, les musiciens de lèche-bottes et tous les Guercifis d’irascibles individus sans que personne ne s’en émeuve outre mesure. Toutes ces raisons mises bout à bout font que Zakaria Boualem, malgré tous les efforts déployés pour lui, a l’impression qu’il va se transformer en cochon tuberculeux à chaque fois qu’il met le nez dehors. C’est une perspective effrayante, convenons-en. Il va donc sans plus attendre limiter ses contacts avec le monde extérieur, à commencer par cette page, qu’il est temps de clôturer sur le champ. C’est donc tout pour la semaine, et merci.