Bande de fluctuation du dirham : Faut-il accélérer l’élargissement ?

Un an après  la première étape de libéralisation du régime de change, le dirham s’est idéalement comporté. Le temps est-il venu d’entamer la deuxième phase d’élargissement?

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Faut-il élargir la bande de fluctuation du dirham? L’Économiste répond par l’affirmative en Une de son édition du 21 janvier. En effet, comme le montre le quotidien économique, alors que tout le landerneau financier craignait une dépréciation mécanique du dirham, c’est tout le contraire qui s’est produit. De fait, déjouant les pronostics les plus pessimistes, la monnaie nationale, s’est, au contraire, appréciée par rapport au panier de cotation euro-dollar au cours de l’exercice 2018.

Ce mouvement positif a deux explications d’après le journal. La première est liée à l’afflux de devises : le milliard de dollars, généré l’année dernière par le rachat des assurances Saham  par le Sud-africain Sanlam. La seconde repose sur l’interdiction pour les bureaux de change manuels de céder leurs devises à la Banque Centrale, réduisant ainsi l’approvisionnement des établissements bancaires en devises auprès de cette dernière. Par ailleurs, les derniers chiffres de Bank Al Maghrib montrent que la pression sur les réserves de change s’est atténuée, pour se stabiliser autour de 227 milliards de dirhams de réserves au 9 janvier 2019. Petit couac néanmoins, Bank Al Maghrib avait prévu en 2018 une période de 5,1 mois d’importations de biens et services pour les réserves de change. Selon le HCP, la période ne serait en réalité que de 4,6 mois.

Stop ou encore ?

Si les objectifs associés à la phase initiale d’élargissement semblent avoir été atteints, permettant au dirham d’évoluer de façon stable, le temps est-il venu d’accélérer la réforme ? Rien n’est moins sûr. En effet, l’agence américaine Bloomberg nous apprend dans un article publié le 17 janvier que le Maroc s’apprêterait à « marquer une pause » dans sa volonté d’aller vers un régime de change encore plus flexible. En cause, l’imprévisibilité de l’environnement commercial mondial et la mollesse des échanges avec les principaux partenaires européens. Deux facteurs qui mettraient sous tension les réserves en devises du Royaume.

Pour Bloomberg, qui cite deux sources anonymes, les autorités marocaines seraient même désormais enclines à patienter jusqu’en 2020 pour redonner du lest au dirham. D’ailleurs, les autorités monétaires n’ont toujours pas annoncé de nouveau calendrier. Se dirige-t-on vers un gel de l’élargissement? Rien ne permet de l’affirmer pour Mehdi Fakir, consultant senior en risk management : « Arrêtons de stresser le gouvernement marocain et de dire qu’il a changé d’avis. Même la Pologne, soutenue par l’Union européenne, a mis neuf ans pour libéraliser sa monnaie. On ne peut pas obliger le Maroc à aller plus vite. L’horizon, c’est quinze ans. »

Le vrai défi, selon Mehdi Fakir, consiste bien plus à trouver un terrain d’entente entre les pouvoirs publics et les opérateurs économiques, lesquels ont un temps émis certaines craintes au sujet de la réforme monétaire. « C’est une question éminemment politique. Nous avons besoin d’une approche consensuelle qui rassemblerait la Banque Centrale et les opérateurs économiques. La clé réside dans notre adaptation à une nouvelle culture du risque », conclut le consultant.

Éviter la dépréciation rapide du dirham

Le risque, ce serait que malgré la stabilité actuelle du dirham, un nouvel ajustement provoque une dépréciation trop rapide du dirham. En effet, un tel événement engendrerait une augmentation du prix des produits d’importation, et notamment des hydrocarbures, avec des conséquences directes sur le pouvoir d’achat des Marocains. Un sujet brûlant. L’exemple égyptien, qui a vu, en 2016, une rapide dévaluation de sa monnaie suivie d’une inflation après une réforme de son régime de change, reste dans toutes les mémoires. Toutefois, l’Egypte, alors en crise, avait été contrainte de libéraliser sa monnaie pour répondre à une crise de change. Tout au contraire, le passage à un régime de change flottant a été un choix délibéré des autorités marocaines. Et la récente appréciation du dirham dénote bien une situation maintenue sous contrôle jusqu’à présent.

Pour rappel, le 15 janvier 2018, le Maroc passait à un régime de change flexible. Avant l’entrée en vigueur de la flexibilité du dirham, sa valeur était fixée à 40% sur le dollar et 60% sur l’euro. L’instauration d’une bande de fluctuation de 5% (-/+ 2,5%) de la monnaie nationale avait suscité quelques appréhensions chez les opérateurs économiques ayant provoqué une mini-bulle spéculative autour de la monnaie nationale. Or, un an après, les premiers résultats de la libéralisation du dirham sont rassurants.