Coopération économique, frais d'inscriptions et mineurs isolés...Najoua El Berrak parle des relations entre la Bretagne et le Maroc

Nouvelle consule générale en poste à Rennes depuis septembre, Najoua El Berrak veut tisser des liens entre le grand Ouest français et le Maroc. Une zone où la communauté marocaine est déjà bien implantée, comptant près de 70 000 personnes.

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Najoua El Berrak, nouvelle consule générale du Maroc à Rennes. Crédit: DR

C’est un nouveau rôle qu’elle découvre. Après avoir été responsable des relations médias pour le ministère des Affaires étrangères (MAECI), Najoua El Berrak est, depuis septembre, nouvelle consule dans la ville de Rennes. « Un privilège et une chance« , confie-t-elle. D’autant que depuis son arrivée en Bretagne, cette quarantenaire n’a eu de cesse d’écumer le grand Ouest afin de tisser de nouveaux liens avec des décideurs politiques et acteurs locaux économiques, culturels et académiques. Entre une coopération prochaine entre la Bretagne et la région de Souss Massa, l’avenir des étudiants marocains à l’aune d’un controversé projet de loi sur les frais d’inscription à l’université ou encore la question des mineurs isolés marocains, c’est peu dire que l’horizon d’actions communes apparaît fourni. Entretien.

On vous voit très active, sur les réseaux sociaux, notamment en communiquant sur la rencontre de différents partenaires et acteurs de la région Bretagne. Comment se sont déroulés les premiers mois à bord de vos nouvelles fonctions de consule générale à Rennes ? 

Il a fallu prendre connaissance de l’état des lieux, sachant que c’est ma première expérience consulaire. J’ai pu connaître les exigences du MAECI à travers mon ancienne fonction de responsable de la communication pour le ministère. C’est une fonction qui constitue une chance et un privilège tant elle oeuvre sur le volet consulaire, mais aussi diplomatique. Néanmoins, la première mission d’un consulat, c’est de s’occuper du ressortissant marocain à l’étranger. À mon échelle, et avec les bonnes pratiques que j’ai pu acquérir lors de mes responsabilités précédentes, on a essayé d’impulser cette voie numérique, tout en appliquant la charte consulaire et changer l’image du consulat. 

Que dire de la communauté marocaine et franco-marocaine que vous suivez ? 

C’est une communauté que je trouve très bien intégrée dans le grand Ouest français. Quand elle se présente au consulat général, elle vient demander des prestations bien spécifiques, et témoigne d’un très fort attachement au pays. Elle représente 70 000 personnes, qui ont la nationalité marocaine ou la double nationalité, réparties dans trois régions : la Bretagne, la Loire-Atlantique et la Basse-Normandie. La plupart d’entre-eux sont basés en Bretagne, même si Nantes compte une forte communauté bien intégrée. Beaucoup de Marocains sont venus pour les études et se sont installés, par la suite, pour y travailler, donc une forte prédominance de la matière grise. 

À ce propos, l’une des questions qui revient régulièrement depuis quelques semaines reste l’inquiétude autour du projet de loi du gouvernement visant à augmenter les frais de scolarité pour les étudiants hors Union européenne. Qu’en est-il dans dans l’Ouest, où Nantes et Rennes constituent de forts pôles universitaires ? 

J’ai récemment rencontré le président de l’Université Rennes 1 (l’une des deux grandes facultés de la capitale bretonne, ndlr) avec qui j’ai pu m’entretenir de ces frais. Il faut comprendre que les étudiants marocains déjà inscrits cette année, et qui restent dans la même branche, ne seront pas concernés par l’augmentation de ces frais. Tout comme ceux munis d’un visa au titre de la vie privée et familiale entre-autre. Néanmoins ceux qui changent de discipline, l’année prochaine, seront concernés par ces nouveaux tarifs de 2 770 euros au premier cycle et classe préparatoire et 3 770 euros au second et troisième cycle et cycle ingénieur….

Avez-vous perçu une inquiétude des présidents d’université de se séparer d’une partie de leur communauté d’étudiants, dont les Marocains ?

Bien sûr qu’il y a une vraie inquiétude. Historiquement, la communauté estudiantine marocaine est la plus nombreuse, mais elle est surtout connue pour exceller. Pour beaucoup ce sont des étudiants qui formeront de futurs professionnels en France. Je reçois également beaucoup de messages d’étudiants qui s’interrogent sur leur avenir. Parmi les éléments certains au sujet des frais d’inscription différenciés, les établissements pourront proposer des bourses d’attractivité et pratiquer des exonérations de frais d’inscriptions dans le respect du code de l’éducation. Après m’être entretenue avec le président de Rennes 1, j’ai reçu une bonne nouvelle : l’Université pourra attribuer des bourses aux plus brillants étudiants marocains. Il y a également une réflexion sur la possibilité d’installer des antennes de Rennes 1 au Maroc. 

Najoua El Berrak avec le président du Conseil régional de Bretagne, Loïg Chesnais-Girard.Crédit: DR

Les étudiants marocains ont bonne réputation et je m’en réjouis. À mon arrivée au consulat, nous avons organisé deux journées de rencontre. La dernière, le 15 décembre, avec les diplômés en ingénierie a témoigné d’une forte volonté de retour au Maroc. Le pays reste très important pour eux. Ils essayent de se constituer en réseau afin d’être reconnu par l’État marocain. Le discours royal prononcé va aussi dans ce sens, à savoir présenter à ces jeunes les infrastructures et les conditions d’attraction pour favoriser leur retour. S’ils ont les moyens de revenir au Maroc, je peux vous assurer que les étudiants n’hésiteront pas. 

Qu’en est-il de l’intérêt du tissu économique du Grand ouest pour le Maroc ?

Il y a beaucoup d’entreprises bretonnes qui ont des activités au Maroc. Mais vous savez, les Bretons n’aiment généralement pas parler d’eux (rires). À ma grande surprise, ils adorent le Maroc et les entrepreneurs veulent y réaliser beaucoup de choses, notamment dans le volet du tourisme car c’est une destination qui leur plaît beaucoup. Il y a d’ailleurs des sollicitations pour développer une ligne aérienne entre Rennes et le Maroc, probablement Casablanca. Brest vient d’en ouvrir une avec Fès. 

Des cadres concrets de coopération économiques sont-ils à prévoir ?

Le 6 février prochain se tiendra une grande conférence économique, à Rennes, organisée par la Chambre de commerce et d’industrie d’Ille-et-Vilaine et le Consulat général. La région de Souss Massa y assistera et nous travaillons sur le rapprochement de ces deux régions. Il y a de grandes similitudes entre elles, notamment dans le secteur agro-alimentaire. Le consulat a oeuvré pour rapprocher ces deux régions, mais à ma grande surprise, j’avais appris qu’avant les démarches le président de la région de Souss Massa (Brahim Hafidi, RNI, ndlr), cherchait déjà à acter un rapprochement avec la Bretagne. Il y a d’ailleurs, en ce moment, des pourparlers pour un projet d’accord-cadre entre les deux partis.

La conférence du 6 février sera un signal fort de ce rapprochement et promet beaucoup de surprises. L’intérêt pour Agadir et sa région porte sur de nombreux secteurs d’activité. Notamment l’automobile, l’aéronautique, les nouvelles technologies et la formation professionnels et principalement l’agro-alimentaire. Une délégation marocaine s’était rendue avec moi au Space de Rennes (salon international de l’élevage de Rennes, ndlr) et il y avait un fort intérêt autour des étapes de la viande rouge : ce qu’ils appellent de la « fourche à la fourchette ». En 2019, une vingtaine d’entrepreneurs se rendront dans la région de Souss Massa et j’en ai déjà informé  la CGEM pour trouver les meilleurs interlocuteurs.

C’est une région qui est très active dans le domaine culturel, du patrimoine aussi…

Il y a une forte demande en Bretagne sur une coopération culturelle et aussi académique. Avec le recteur de Bretagne, nous préparons des choses en ce sens. Une citoyenne française est venue présenter une bannière des soldats marocains présents en Indochine et qui appartenait à son père, ce qui montre qu’entre le Maroc et la Bretagne, les relations sont marquées et anciennes. Il faut aussi dire que près de Rennes, à La Chapelle des Fougeretz, se trouve le seul jardin marocain de France. C’est un véritable déplacement du pays en Bretagne. Il a été financé à l’époque par la fondation Hassan II et on oeuvre pour rénover la fontaine. À l’avenir, on compte y organiser des manifestations culturelles pour un rapprochement entre le Maroc et la Bretagne. 

"Le Jardin Marocain" un joyau au coeur de la Bretagne à la Chapelle des Fougeretz.#Maroc #marrakech #maeci #Rennes #Bretagne

Publiée par Consulat Général du Royaume du Maroc à Rennes sur Samedi 15 septembre 2018

Il y a eu ces derniers mois beaucoup de discussions sur les mineurs non accompagnés  (MNA)d’origine marocaine à Rennes. Mustapha Laabid (député franco-marocain d’Ille-et-Vilaine) avait évoqué la possibilité de faire intervenir des policiers marocains pour l’identification ou non de ces mineurs. Qu’en est-il ? 

Il y a eu un amalgame à ce sujet cet été. C’est une délégation interministérielle et multidisciplinaire qui a été envoyée à Paris. Bien sûr, il y avait dans ses rangs des représentants du ministère de l’Intérieur car c’est la direction qui s’occupe de l’état-civil. Cette délégation a auditionné ces mineurs isolés afin de connaître leur origine. À Rennes, les mineurs isolés sont chiffrés à 750 toutes nationalités confondues. Et 60-70 d’entre-eux peuvent être dits MNA. Il y a une amplification et beaucoup de bruit autour de ces jeunes qui, c’est vrai, causent des problème et posent un défi politique à la ville de Rennes. Il y a évidemment, une raison politique derrière. À Brest, le maire me disait qu’il y en avait plus. Mais j’insiste, tous ne sont pas Marocains. Ils peuvent prétendre l’être tant qu’il n’y a pas une véritable identification légale.

Une enquête de nos confrères du Mensuel de Rennes (publié le 5 octobre, ndlr) retraçait pourtant le parcours de ces jeunes depuis Oujda, jusqu’à Rennes…

Mais Oujda reste une ville de brassage, proche de la frontière algérienne. Bien sûr, il est possible que ces mineurs soient Marocains, mais nous avons besoin d’éléments concrets pour le déterminer. Lors de mes rencontres avec les élus, c’est un sujet qui est souvent abordé. Ce que je peux vous dire, c’est que depuis la prise de mes fonctions, je n’ai jamais reçu de sollicitations ou d’appel au service consulaire pour traiter un cas. Le Maroc est prêt à coopérer, mais il faut respecter un certain nombre de lois et de convention pour assurer un retour de l’enfant, si celui-ci marque sa volonté auprès du juge de revenir.