L'épouse d'un des suspects arrêtés :"Mon mari buvait de l'alcool et fumait"

TelQuel Arabi s'est rendu au domicile du premier suspect arrêté par le BCIJ, après le meurtre des deux touristes scandinaves à Imlil. L'endroit même où la vidéo d'allégeance à Daech a été tournée. Récit.

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On en sait désormais plus sur le premier suspect arrêté par les éléments du Bureau central d’investigation judiciaire (BCIJ), le18 décembre, dans le cadre de l’affaire du meurtre des deux touristes scandinaves à Imlil. 24 heures après l’assassinat, Abderrahman Khiali a été le premier à avoir été interpelé. C’est dans son domicile que la vidéo d’allégeance à Daech a été enregistrée, selon une source sécuritaire .

TelQuel Arabi s’est ensuite rendu au domicile familial du suspect où vit sa femme Aicha et ses enfants. Ces derniers, et leurs  voisins, nous ont raconté les derniers déplacements du suspect, des jours avant la découverte des corps des deux touristes assassinées. Un agent d’autorité rencontré au douar « Al Bagh », situé à une quinzaine de kilomètres de Marrakech, où Abderrahman Khiali habite depuis 2013, a également accepté de revenir avec nous sur comment ce dernier a changé de comportement une fois le meurtre annoncé dans les médias.

Qui est Abderrahman Khiali?

Dans la vidéo diffusée sur Twitter le 20 décembre, on voit quatre hommes prêtant allégeance à l’organisation terroriste État islamique. Abderrahman Khiali est celui qui apparait à l’extrême droite de la vidéo, a confirmé un voisin de ses parents, interrogé sur place par TelQuel Arabi. « Oui, c’est bien Abderrahman« , nous a-t-il indiqué, après l’avoir reconnu rapidement parmi les quatre hommes de la vidéo.

Ekstra Bladet i Marokko: Huset hvor den fjerde drabsmistænkte boede inden han blev anholdt. Det er i dette hus, de optog den video, der florerer på nettet, hvor de erklærer troskab til Islamisk Stat.

L’homme, né en 1985, marié et père de deux enfants de 5 et 7 ans, est originaire de la région d’Al Azzouzia, dans les environs de Marrakech. Ses parents sont toujours en vie et il a trois sœurs et un frère. « Abderrahman n’a jamais fini ses études. Il a quitté l’école au cours de la première année du collège pour apprendre le métier de plombier. Il a longtemps travaillé dans un hôtel classé de Marrakech avant de quitter son poste pour travailler à son propre compte », nous a indiqué son épouse.

Comment se comportait Abderrakman à la maison ? « Il n’avait aucun comportement étrange. Mon mari est un passionné de la chasse aux perdrix et aux pigeons. Quand il a été arrêté, il a laissé le réfrigérateur de la maison rempli de ce qu’il a chassé ces derniers jours. Sa passion pour la chasse l’avait même conduit à une arrestation il y a plusieurs années. Il avait alors passé une journée chez la police avant d’être relâché », poursuit-elle.

Selon Aïcha, son époux n’a jamais été poursuivi pour des faits liés au terrorisme. « Je l’ai épousé en 2010. Même si je viens d’une famille conservatrice et que je portais le niqab avant notre mariage, j’ai accepté de me marier avec Abderrahman qui n’avait alors pas de barbe, buvait et fumait. On s’était d’ailleurs disputé plusieurs fois à cause de ça », confie-t-elle. Même discours tenu par son voisin Abdelghani. « Khiali n’était pas conservateur. Il n’avait pas de barbe. Lorsque je l’ai connu, il buvait et fumait. Il partait de temps à autre se poser chez un ami qui habite juste à côté, pour boire de l’alcool, vu qu’il ne pouvait pas le faire chez sa femme qui est conservatrice et très religieuse », a-t-il affirmé.

« Le changement a commencé à se manifester il y a près de deux ans. Il a fait pousser sa barbe et a commencé à porter une robe afghane. Sa manière de parler avec ses proches a aussi changé, en nous dictant ce qui est halal et ce qui est haram. Il ne conversait pas avec ceux qui ne lui ressemblent pas, se limitant ainsi au simple bonjour », raconte son voisin.

Abderrahman et sa famille gagnaient leurs vies en travaillant dans des foyers, des magasins et certains hôtels. « Depuis qu’il a quitté son travail à l’hôtel, Abderrahman travaillait à son propre compte, gagnant ainsi entre 100 et 200 dirhams par jour », témoigne son épouse. Une somme à laquelle s’ajoutait ce que lui rapportait la chasse. « Je n’ai ressenti aucun changement. Tout cela m’a choquée, d’autant qu’il était avec moi le jour du meurtre », a assuré sa femme, actuellement enceinte de six mois.

Avant la nuit du meurtre, le jour suivant, et le moment de l’arrestation

Selon l’épouse et les voisins d’Abderrahman, ce dernier a passé la nuit du dimanche à lundi à son domicile, mais n’avait pas donné signe de vie pendant tout le samedi. « Samedi matin, il m’a dit qu’il se rendait dans le garage d’un magasin commercial de Bab Doukkala, dans la médina de Marrakech . Il a dit qu’il réparerait l’un des canaux d’évacuation des eaux usées, mais depuis qu’il a quitté la maison jusqu’à son retour, il n’a répondu à aucun de ses appels téléphoniques », poursuit-elle. Ces faits ont été confirmés par une source policière, précisant que Abderrahman a passé la nuit de samedi avec les trois autres suspects à Imlil.

« Il était bien au douar (domicile familial) dimanche et se comportait normalement. Lundi, immédiatement après l’annonce du crime à Imlil, sa barbe a été rasée. Lorsque j’ai remarqué cette transformation, j’en ai informé les parties concernées« , a affirmé de son côté l’agent d’autorité à TelQuel Arabi, assurant qu’il se doutait que quelque chose d’anormal avait eu lieu.

« Il dormait à mes côtés lorsqu’il a été arrêté« , a déclaré la femme d’Abderrahman. Son arrestation a, en effet, eu lieu dans les premières heures du mardi 18 décembre. Une de ses voisines, la soixantaine, nous décrit la scène. « Tout ça nous a terrorisé. C’est honteux. Nous n’avions jamais vécu ça« , nous confie-t-elle, les larmes aux yeux.

Le changement

Deux ans avant le meurtre des deux touristes, Abderrahman menait une toute autre vie: celle d’un plombier ordinaire qui fume, boit occasionnellement et fréquente les gens sans aucune barrière religieuse. «Quand les signes de son extrémisme sont devenus visibles, il a eu beaucoup de problèmes avec sa famille », raconte son voisin, Abdelghani. « On l’entendait hurler souvent, nos deux maisons étant séparées par un espace ouvert. Il blâmait sa famille pour leur style de vie qu’il considérait comme haram. Il obligeait également ses trois sœurs à porter le niqab », a-t-il ajouté.

Des propos que l’épouse réfute, arguant qu’elle n’a ressenti « aucun changement». « Il ne recevait personne chez lui, sauf Youness et Zaid (deux des suspects) qu’il connait depuis longtemps » poursuit-elle. L’épouse du premier suspect avoue en outre n’avoir qu’un coran et un livre rouge de Sahih Al Bukhari à la maison.