Pourquoi Marrakech a été érigée en capitale africaine de la culture

Marrakech sera la nouvelle Capitale africaine de la culture en 2020. Une première continentale qui consacre le travail dans le domaine des Arts entamé par la cité impériale.

Par

Place Jemaa El Fna, Marrakech. Crédit: Yassine Toumi/TelQuel

C’est peu dire si Marrakech aspire à devenir incontournable. Entre effervescence et quiétude, la cité impériale se sait prisée et attire, chaque année, des millions de visiteurs venu déambuler sous le souffle chaud de ses tortueuses ruelles ocres. Un véritable carrefour de rencontres, qui en 2020, sera la première capitale africaine de la culture.

L’annonce a été officialisée par l’organisation des Cités et gouvernements locaux unis (CGLU), le 23 novembre, lors du 8ème sommet Africités qui s’est également tenu dans la ville ocre. Lors de cette manifestation panafricaine, il est apparu que la culture devait jouer un rôle moteur dans la transition vers des territoire durables. Ainsi, dès 2020, tous les trois ans et pour une année, une ville africaine deviendra la vitrine de la culture africaine et de son rayonnement. Quoi de mieux, pour remettre en perspective les propos du président-poète sénégalais, Léopold Sédar Senghor, pour qui la culture est « au début et à la fin de tout développement ».

Ville mondiale

Rencontré dans les allées de la salle d’exposition du sommet, le maire de Marrakech détaille une démarche qui veut encourager une nouvelle dynamique dans la ville, mais aussi sur tout le  continent. « Tout en réfléchissant à la tenue de ce congrès, nous nous sommes questionnés sur la nouveauté que l’on pouvait apporter, explique Mohammed Larbi Belcaid, maire PJD de la cité ocre. Nous avons alors décidé de lancer cette piste de la candidature de Marrakech, une ville qui dispose de tous les atouts pour être la capitale africaine de la culture. »

Si l’élu espère que cet évènement devienne « un outil important pour approfondir les relations entre les capitales », il se réjouit surtout du choix de sa ville pour abriter ce label pour la première fois sur le continent. « Aux yeux de tous, Marrakech est devenu une ville mondiale, ouverte sur les autres et attirante. C’est cette attractivité qui permet à cette ville d’accueillir de grands évènements qui s’adressent à tous » affirme l’édile de la ville ocre.

 « Nous voulons que ces Capitales africaines de la culture soient une manifestation qui crée du structurel et du structurant. Nous ne voulons pas faire de l’évènementiel », ajoute, à TelQuel, Khalid Tamer, secrétaire général du comité Capitale africaine de la culture.

Selon lui, il ne s’agit pas de suivre le même modèle des capitales culturelles européenne, crée en 1985 et qui change d’année en année. Cette temporalité au long cours, tous les trois ans, devrait permettre un accompagnement des collectivités « afin de mettre en place des actions plus pérennes et bénéfiques ».

En ce sens, à Marrakech se verra succéder par  Kigali en 2023, annonce celui qui est également directeur artistique d’Awaln’Art, un collectif marocain organisant des rencontres artistiques internationales.

Expérience

Marrakech, elle, peut déjà s’appuyer sur certains acquis. Première destination du Maroc et du continent, elle organisait pour la deuxième fois cette rencontre panafricaine des villes, après 2009.

En 2016, la Cop22 s’y est tenu et la cité ocre accueillera, les 10 et 11 décembre prochain, la conférence intergouvernementale pour adopter le Pacte mondiale sur les migrations. « C’est une ville qui a déjà organisé des sommets » note Khalid Tamer. Un savoir-faire, qui se traduit aussi dans le champ culturel : « Marrakech a beaucoup fait au niveau des infrastructures pour organiser des manifestations liées à la culture.»

Cette offre culturelle s’est faite croissante ces dernières années. Au point où l’on ne compte plus les évènements qui se déroulent entre les murailles ocre, de la citadelle impériale. Le 30 novembre, Marrakech abrite sa 17ème édition du festival international du film (FIFM), rendez-vous du septième art devenu incontournable.

Le Marrakech du rire s’est, en moins de huit ans, bâti une place comme l’un des principaux festival d’humour francophone, aux côtés de mastodontes du genre comme le Juste pour rire de Montréal et le Festival de Montreux.

Après avoir posé ses valises dans les galeries londoniennes et new-yorkaises, la plus grande foire d’art contemporain africain, 1-54, investira, quant à elle, les lieux du luxueux hôtel-palace La Mamounia. Fondé par Touria El Glaoui, le salon trace sa propre voie, rebat les cartes du milieu artistique et réunira, du 22 au 25 février, pas moins de dix-sept galeries internationales et quelque 130 artistes.

Les exemples à citer ne manquent pas pour cette ville nichée au pied des sommets – déjà enneigés – de l’Atlas. Pour Mehdi Qotbi, artiste-peintre et président de la fondation national des musées, Marrakech est devenu « une capitale internationale de l’art ». S’il explique n’avoir pas été contacté pour prendre part au projet, Marrakech semble taillé pour accueillir l’évènement. « Le musée de Saint-Laurent a donné de l’ampleur à la ville, tout comme la réhabilitation de Dar-el-Bacha pour en faire le musée des Confluences». En juin, le musée national du tissage et du tapis a ajouté une nouvelle brique à l’offre culturelle pour répondre à ce label de capitale africaine de la culture.

Réunion prochaine et Mahi Binebine

« Ce n’est pas seulement une ville africaine que l’on choisit, tant il y a de choses à montrer du continent », revient Khalid Tamer. L’homme insiste sur la dimension africaine de l’évènement : « D’autres villes africaines seront invitées (aux festivités de la capitale africaine de la culture, ndlr). Nous voulons préserver cet aspect africain ».

Propre au continent, le label veut trancher avec d’autres manifestations du genre, comme la saison culturelle « Afrique 2020 », voulue par le président français Emmanuel Macron. Une manifestation vu d’un « prisme français », aux yeux du secrétaire général.

S’il déplore que souvent, en Afrique, on crée des événements qui « ne soient pas ancrés », il explique la démarche voulue par la CGLU, qui souhaite partir du « local pour arriver au global ». En somme : « prendre conscience que la force des cultures est dans les villes et territoires ». Un constat appuyé par Mehdi Qotbi. « L’élan d’une ville est indissociable de la culture ». L’artiste-peintre cite ainsi les exemples de Madrid qui « s’est structuré grâce a ses musées » et de Paris, dont le Musée d’Orsay à apporter à la ville « une plus-value considérable ». Une bonne chose pour Marrakech ? « Tout ce qui peut apporter de l’eau au moulin de la culture est bon à prendre », sourit l’influent monsieur art marocain.

« Les nations ont des capitaux qu’ils soient fonciers, économiques, mais le capital culturel n’est pas forcément celui auquel on pense. C’est pourtant cela qui fait la personnalité de l’homme et d’une nation », argumente le maire de Marrakech, Mohammed Larbi Belcaid. Cependant ni l’élu, ni Khalid Tamer n’ont évoqué davantage de précisions quant au programme. « Il y aura des manifestations qui iront du théâtre au cinéma, en passant par la danse contemporaine, des symposiums, des rencontres… » assure le secrétaire général. Une réunion entre les différents acteurs et institutions concernées se tiendra « début de semaine prochaine ». Seule certitude dévoilée, le président d’honneur de Marrakech 2020 sera Mahi Binebine. Qui d’autre que ce marrakchi d’arts et de lettres aurait pu, mieux, incarner le Marrakech de la culture ?