Une pétition en ligne pour rendre justice à Omar Raddad

Alors que l’affaire Omar Raddad est relancée par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, une élue d’origine franco-marocaine à la mairie d’Évry mobilise la société civile autour de la poursuite de la procédure. Le but : sensibiliser Français et Marocains sur la question de l’innocence de l'ex-jardinier accusé d’avoir tué Ghislaine Marchal en 1991. 

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Crédit : SIPA

Plus de 26 ans après, l’affaire Omar Raddad est de nouveau sous le feu des projecteurs. Alors qu’en mars dernier le parquet de Nice a considéré que les investigations sur le meurtre de Ghislaine Marchal, une riche veuve de 65 ans retrouvée sauvagement assassinée dans sa villa sur les hauteurs d’Antibes, étaient closes, la défense d’Omar Raddad dépose un recours dans lequel elle demande la poursuite de l’enquête et une contre-expertise pour obtenir de nouveaux examens sur les traces ADN d’un autre suspect retrouvées en 2015.

Dans le même temps, la société civile s’active pour porter la question dans l’espace public. À l’image de Najwa El Haité, juriste et adjointe au maire en charge de la culture à Évry, qui est à l’initiative, avec l’association Dynamic Maroc, d’une pétition lancée le 22 novembre . Le but de cette démarche ? Empêcher la clôture des investigations dans l’affaire Omar Raddad et demander une révision du procès de l’ex-jardinier marocain condamné à dix-huit ans de prison pour le meurtre de Ghislaine Marchal.

Pour rappel, c’est le 23 juin 1991, dans la commune de Mougins que Ghislaine Marchal est trouvée morte de plusieurs coups de chevrons et de couteaux dans la chaufferie de sa villa. Sur la scène du crime, les premiers témoins voient sur un mur le tristement célèbre message « Omar m’a tuer (sic.) » écrit avec le sang de la victime. Aussitôt, Omar Raddad, le jardinier marocain de la victime, est mis en cause. Le 2 février 1994, il écope de dix-huit ans de réclusion criminelle. Partiellement gracié deux ans plus tard par le président Jacques Chirac, suite à l’intervention du roi Hassan II, Omar Raddad n’a eu de cesse depuis le début de l’affaire de clamer son innocence.

Rendre justice et faire émerger la vérité

Contacté par TelQuel, Najwa El Haité affirme qu’ « il s’agit d’une démarche citoyenne ». « Nous visons à sensibiliser l’ensemble de la communauté française à travers cette action ». Disponible sur la plateforme change.org, la pétition a été accompagnée d’une conférence de presse et sera complétée, en France, par une campagne de communication. Le manifeste en ligne, rédigé par le président de Dynamic Maroc et Najwa El Haité –  également porte-parole de l’association-, indique que la pétition sera ensuite remise à Emmanuel Macron et à la ministre de la Justice française, Nicole Belloubet.

Cette démarche citoyenne 2.0 est une façon de « recentrer le débat dans la sphère publique », poursuit Najwa El Haité, juriste de formation et elle-même d’origine marocaine, qui tient à ajouter que l’action vise aussi à toucher « la fibre des Franco-Marocains ». « Avec l’association Dynamic Maroc, on souhaite mobiliser la communauté marocaine et franco-marocaine de France pour que justice soit rendue à Omar Raddad ».  

Avant d’ajouter :  « L’objectif est d’alerter l’opinion publique avant de remobiliser plus largement et faire émerger la vérité. Au-delà d’Omar Raddad, cette affaire en va de l’intérêt général, tout citoyen a besoin d’une justice impartiale rendue par des preuves objectives ».

Mobiliser une nouvelle génération Franco-Marocains

Le choix d’être à l’initiative de cette pétition, Najwa El Haité le justifie par sa volonté de « mobiliser une catégorie de la population déjà sensible à la question » depuis le début de l’affaire. « Il y avait beaucoup de Marocains et de Franco-Marocains qui s’étaient fortement mobilisés au sein de l’association créée par Jean-Marie Rouart (académicien et ancien éditorialiste du Figaro qui a été l’un des plus fervents soutiens d’Omar Raddad, ndlr). Ils étaient fortement rassemblés autour de Jacques Vergès, l’avocat qui a défendu Omar Raddad », poursuit-elle. 

Celle qui vient d’intégrer le barreau pour devenir avocate explique que cette affaire touche encore la communauté marocaine de l’Hexagone et assure porter ce projet avec « conviction ». Une conviction que partageraient encore, d’après elle, de nombreux Franco-Marocains : : « Maintenant, il y a une nouvelle génération. Beaucoup n’ont connu cette affaire qu’à travers ce qui a été dit, ou encore avec le film ‘Omar m’a tuer’ (réalisé par Roschdy Zem, ndlr). Dans mon entourage, que ce soit chez des élus ou des personnes de la société civile, beaucoup semblent mobilisables ».

Enquête « bâclée »

L’action se veut également de porter soutien à l’avocate de Omar Raddad, SylvieNoachovitch. « On ne peut pas laisser ce type d’enquête bâclée se reproduire », pointe Najwa El Haité. « Il reste encore de trop nombreuses zones d’ombres et d’incompréhensions autour de ce Ghislaine Marchal  qui comptait « des gens haut placés ». Et de déplorer dans ce sens : « Je ne comprends pas pourquoi les tests ADN n’ont pas été comparés avec le sang des proches ».

En effet, si pour Jean-Michel Prêtre, le procureur de Nice, l’affaire est « finie« , en raison des dernières analyses d’empreintes réalisées sur les scellés d’un autre suspect n’aient rien donné, l’avocate de la défense estime de son côté que cet examen a été « partiellement fait ». Après avoir maintes fois sollicité le parquet de Nice pour que de nouvelles recherches soient menées, maître Noachovitch obtient enfin gain de cause en juillet dernier près de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence pour la réalisation d’une contre-expertise. Une étape qui est « un préalable à la saisie de la Cour de révision pour réexaminer la condamnation de Omar Raddad », explique le manifeste de la pétition.

D’après Sylvie Noachovitch, Omar Raddad est « physiquement affaibli ». Il vivrait encore de temps en temps au Maroc, où il passe du temps chez sa mère. Pour l’élue à la mairie d’Évry, cette affaire reste une « injustice » et déplore « qu’aux yeux de nombreux français, le procès soit classé alors que ce n’est pas le cas ».

Et de conclure : « La justice est extrêmement lente, mais notre démarche vise à mobiliser le plus grand nombre pour que la procédure accélère dans l’identification de ces dernières traces ADN. Tant qu’on n’aura pas obtenu ce procès en révision, on ne lâchera rien».