Objectif de développement durable : le Sud se distingue

La Direction des études et des prévisions financières (DEPF) publie un rapport sur le développement des régions marocaines par rapport aux objectifs de développement durable. Si les deux régions du Sud se distinguent par leurs performances, les questions de santé et d'accès à l'emploi restent problématiques dans la quasi-totalité des régions du Royaume.

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Yassine Toumi/TelQuel

Où en sont les douze régions du Royaume sur la mise en place des objectifs de développement durable (ODD) ? C’est l’objet du dernier rapport du ministère de l’Économie et des Finances, intitulé « Inégalités régionales sous le prisme des Objectifs de développement durable à l’horizon (ODD) 2030 ». Menée par la Direction des études et des prévisions financières (DEPF), l’analyse vise à observer l’évolution des différentes régions sur onze objectifs, parmi les 17 adoptés par la communauté internationale en septembre 2015.

Liste des 17 ODD établis pour 2030. L’étude du DEPF se base sur les 11 premiers.Crédit: DEPF

« Ayant adhéré à cet agenda universel, le Maroc s’est activement engagé pour en faire une composante centrale de sa stratégie de développement d’ensemble », présente le rapport en préambule. Il est expliqué qu’en mettant l’accent sur les programmes structurants mis en place dans les régions ces dernières années, la Stratégie national de développement durable « s’érige en levier pertinent à même de promouvoir un développement territorial équilibré ». Tour d’horizon des principales tendances.

La Sud, locomotive en matière de développement 

En tête de file, la région de Laâyoune-Sakia El Hamra fait office de meilleur élève, talonnée de près par celle de Dakhla-Oued Ed-Dahab. Ces régions peuvent notamment s’appuyer sur des indicateurs positifs concernant la qualité de l’éducation, où elle se situe en première et seconde place du Royaume.

Carte du niveau des régions marocaines sous le prisme de l’indice synthétique des objectifs de développement durable (ISODD).Crédit: DEPF

Laâyoune se distingue également dans l’élimination de la pauvreté et dans le domaine de la santé où elle est seconde. Néanmoins, la région du chef-lieu du Sahara affiche des lacunes dans la réduction des inégalités et dans l’élimination de la pauvreté particulièrement. 

Concernant la région de Dakhla, celle-ci se distingue en affichant des performances dans les domaines de l’assainissement des eaux, de sa réduction de la pauvreté, de la réduction des inégalités ainsi que dans ses plans de villes durables. Le rapport note cependant que la région doit « réduire certains gaps, qui sont perceptibles », entre autres, au niveau des énergies propres, du module « travail décent et croissance économique » et enfin des domaines touchant la bonne santé et le bien-être .

Casablanca-Settat, un moteur national au pied du podium

La région Casablanca-Settat  se distingue, sans surprises, par ses performances dans les volets concernant l’industrie, l’innovation et l’infrastructure où elle est première du Maroc. Elle se situe également en tête de file de l’ODD lié à l’accès à des services énergétiques fiables et pour un moindre coût. Autrement, elle affiche des indicateurs au vert sur l’ODD lié au « travail décent et croissance économique » ainsi qu’à la réduction de la pauvreté, de la famine et à l’assainissement des eaux. 

Cependant, la région de Casablanca-Settat pêche dans le secteur lié au bien-être de ses habitants, où elle ne figure qu’à la sixième place et à la dernière place du volet « villes et communauté durables ». « Ce positionnement est dû au score le plus faible en termes de la proportion de la population urbaine vivant dans l’habitat sommaire (9,7% en 2014 contre 5,2% au niveau national) », justifie le rapport. 

Scores du Maroc et de ses régions relativement à l’ISODDCrédit: DEPF

La région de la capitale peine, Draâ-Tafilalet et Béni-Mellal Khénifra à la traine

Rabat-Salé-Kénitra ne se situe qu’à la septième place du classement des Objectifs du développement durable, perdant deux place par rapport au dernier classement établi en 2014. La région montre des lacunes dans l’assainissement de l’eau, dans la réduction des inégalités ainsi que dans la garantie d’un accès, au plus grand nombre, à des services énergétiques fiables et durables à un coût abordable. Moyenne dans plusieurs secteurs, elle se situe à peine au-dessus de la moyenne nationale dans la mise en place d’infrastructures fiables, la promotion d’une industrialisation durable et l’accès au plus grand nombre à la technologie. 

En revanche, les régions Draâ-Tafilalet et Béni-Mellal Khénifra accusent un retard conséquent par rapport aux autres régions marocaines. Si la première se distingue par quelques avancées, particulièrement dans le domaine de la qualité de l’éducation (3ème nationale) grâce à de « meilleurs taux bruts d’achèvement du cycle primaire (114,9% en 2014 contre 93,9% au niveau national) et du cycle secondaire (99,5% en 2014/2015 contre 88,9% au niveau national), ainsi que la part la moins importante des enfants n’allant pas à l’école primaire », elle accuse un retard conséquent dans plusieurs autres secteurs. Particulièrement concernant la précarité dans laquelle vivent ses habitants, voire l’accès aux services énergétiques. 

Béni-Mellal Khénifa, se classe première en matière de « bonne santé et de bien-être » grâce à un faible taux de mortalité néonatale, voire, en prévalence de contraception, la plus élevée du royaume. Néanmoins, elle accuse un retard conséquent dans la plupart des autres domaines. Principalement, au niveau des infrastructures, l’accès aux électricités ou à l’éducation. 

Des disparités territoriales qui impactent le développement global

Ce rapport souligne les inégalités entre les régions dans leurs objectifs de développement durable fixés à l’horizon 2030. « Un tel constat témoigne de la persistance des disparités territoriales, qui affectent non seulement les perspectives des régions vulnérables mais se répercutent aussi sur le développement du pays dans son ensemble », explique le rapport. Certaines entraves restent bien visibles et plus ou moins bien marqués selon les régions. C’est le cas notamment sur le volet lié à la sécurité alimentaire et l’amélioration de la nutrition à travers le Royaume. Si la proportion des enfants de moins de cinq ans mal nourris a baissé, le phénomène d’obésité, lui, « est en nette augmentation au niveau national malgré l’amélioration de la situation nutritionnelle ». 

 

La question de l’accès aux soins reste également problématique à travers le Royaume. Les régions du Sud sont les moins dotées avec une part de 4,4% du total des médecins contre 48,4% pour Casablanca-Settat et Rabat-Salé- Kénitra. En revanche, les régions de Drâa- Tafilalet et de Dakhla-Oued Ed-Dahab connaissent le plus faible accès à un spécialiste par habitants, avec une moyenne de 1 médecin pour 4.200 habitants. Lueur d’espoir : pour six régions sur douze, en cas de stabilisation des chiffres actuels, elles pourraient voir leur couverture médicale dépasser la moyenne nationale et l’objectif 2030. C’est le cas notamment de l’Oriental, voire de Marrakech-Safi.

L’objectif de réduction des inégalités est également un point important sur lequel les autorités doivent se pencher. Si d’ici 2030, la communauté internationale vise à « assurer progressivement et durablement une croissance des revenus des 40% de la population les plus pauvres à un rythme plus rapide que le revenu moyen national », le Maroc ne semble pas encore dans cette configuration. « Malgré l’amélioration des niveaux de vie entre 2004 et 2014, les inégalités des dépenses des ménages, exprimées par l’indice de Gini (coéfficiant variant de 0 à 1, très utilisé pour mesurer l’inégalité des revenus d’un pays, ndlr), demeurent significatives au Maroc du moment où elles n’ont baissé que de 0,01 point en variation absolue, passant de 0,406 en 2001 à 0,395 en 2014 », ajoute le rapport mené par le DEPF. 

De quoi pousser les cinq chercheurs qui ont mené ces études à synthétiser : « Ce faisant, le Maroc pourrait mobiliser à bon escient les multiples potentialités de ses territoires et en faire autant un vecteur de cohésion sociale qu’un puissant levier de compétitivité structurelle de son économie. »

Methode :

La construction de l’ISODD se base sur un ensemble d’indicateurs pour mesurer l’état d’avancement des régions au regard des objectifs de développement durable et ce, dans la limite des informations disponibles selon le découpage en 12 régions. Ces indicateurs utilisent les données les plus récentes qui ont été alignées, aussi étroitement que possible, avec les indicateurs officiels de l’ONU. Ces chiffres ont été étudiés par une équipe composée de cinq chercheurs : Lamrani Hanchi Hind, Benfathallah Rim, El Asri Najlae, Errahmani Ahlam et Harraou Khalid

Un score est attribué, sur une échelle de 0 à 10, à chaque indicateur pour une région donnée. La région ayant la valeur la plus performante au niveau d’un indicateur donné aura un score de dix et celle ayant la valeur la moins performante aura un score nul. Par conséquent, tous les indicateurs seront homogénéisés en un score de même unité de mesure et de même étendu (de 0 à 10) permettant ainsi, d’apprécier l’évolution des régions et la comparaison croisée par région et par indicateur au regard de ces scores.