Maymana, une pâtisserie rbatie aux appétits internationaux

Créée il y a 33 ans par une militante des droits des femmes dans un garage de la capitale, la pâtisserie-traiteur joue désormais dans la cour des grands avec un nouvel actionnaire de taille : le fonds Capmezzanine de CDG Capital. Retour sur l’histoire d'une pâtisserie familiale en passe de devenir une signature marocaine à l'international.

Par

Majdouline Benchakroun, DG de Maymana, entourée par le personnel du flagship store de Rabat, dans le quartier Souissi. Crédit: Tniouni

Le 24 septembre dernier, l’enseigne Maymana, adresse rbatie incontournable, spécialisée dans la pâtisserie, la boulangerie, l’épicerie fine et le service traiteur a annoncé l’arrivée d’un nouveau partenaire dans son tour de table. En acquérant près de 30% de participation dans Maymana, Capmezzanine II, un des fonds de la galaxie CDG Capital Private Equity, devient actionnaire minoritaire de la firme. “Maymana arrive aujourd’hui à un tournant de son histoire”, estime Majdouline Benchakroun, la directrice générale et fille aînée de la fondatrice de la pâtisserie-traiteur. Une certaine Naïma Berrada, militante féministe et socialiste, qui concrétise cette idée en 1985.

Cet article premium est momentanément en accès libre

Abonnez vous ici pour un accès illimité à tout TelQuel

Du militantisme aux fourneaux

Enseignante de français, “Madame Berrada” – telle qu’on la surnomme -, alors déjà mariée et mère de son premier enfant, mène en parallèle une riche vie politique et associative. Grande amie des Yata, elle milite durant sa jeunesse dans les rangs du Parti du progrès et du socialisme (PPS), dans les quartiers reculés de douar Hajja et Takaddoum à Rabat. Alors membre du comité central du parti, elle est plusieurs fois candidate aux élections communales. Avec deux autres militantes pour les droits des femmes, Nouzha Skalli et Amina Lamrini, elle fonde en 1985 l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM), sise à Casablanca. Outre son militantisme pour l’émancipation des femmes, Naïma Berrada se découvre des talents de pâtissière hérités de sa grand-mère. “Un jour, avec ma tante, ma mère s’est dit : tiens, il n’y pas de traiteur au Maroc. A l’époque, le fait de commander ou d’acheter des gâteaux traditionnels à l’extérieur était mal perçu. Pour les Fassis, les Rbatis et les Marrakchis, c’était hchouma”, raconte sa fille, Majdouline Benchakroun. L’idée était là, il ne restait plus qu’à oser. “Elles ont commencé par faire des gâteaux pour leurs amis, chez nous à la maison, dans la cuisine”, poursuit-elle. Des gâteaux confectionnés alors avec “la farine qu’il y avait dans le placard et la confiture du frigo”.

Naïma Berrada a démarré Maymana dans un garage à proximité de la maison familiale avec cinq femmes sans emploi de l’Association démocratique des femmes du Maroc 

Très vite, les gâteaux à la confiture de Naïma Berrada remportent un franc succès parmi son entourage. La jeune femme loue alors un garage à proximité de la maison familiale, située quartier Souissi, et associe à son projet cinq femmes sans emploi soutenues par l’ADFM. “Tout se faisait dans l’informel. Avec ces femmes, elle a commencé à faire des gâteaux, cette fois pour les copines des copines, sur commande”. De bouche à oreille, la demande devient de plus en plus importante. Il faut s’organiser. “Elle a alors demandé une autorisation pour avoir un atelier de production, qu’on lui a refusée au départ. Ma mère, qui a toujours été une femme engagée, a donc écrit au wali un courrier où elle expliquait qu’elle était entourée dans son projet par des femmes en difficulté, des mères célibataires, des femmes battues”, se souvient sa fille. Une fois l’autorisation accordée, “Madame Berrada” et ses cinq employées transfèrent leur activité dans une villa qui deviendra, en 1987, le premier point de vente officiel de la marque. L’investissement était à l’époque minime, “entre 10 000 et 15 000 dirhams”, indique Majdouline Benchakroun. La même année, l’activité traiteur voit le jour. Mais le plus gros investissement est réalisé en 2006, avec l’ouverture du premier flagship store Maymana, au 248, avenue Mohammed VI à Rabat. “Nous sommes passés d’un concept où on produisait sur commande, dans 200 mètres carrés, à un autre plus ouvert et plus grand, qui compte aujourd’hui 1500 mètres carrés d’espace de production”, souligne la directrice générale.

Vous appréciez cet article? Soutenez TelQuel

Abonnez vous ici pour un accès illimité

Une “vitrine du Maroc”

En 2012, Maymana ouvre une deuxième boutique à l’aéroport de Rabat-Salé et une troisième dans le sud de la France, à Toulouse. Alors que Majdouline se voit confier la direction générale de l’enseigne, sa sœur cadette Lamia est chargée de gérer le magasin toulousain. “On s’est toujours dit que Maymana devait être exportée. Il fallait qu’on teste les clients français et étrangers en général pour voir comment ils se comportent avec nos produits”, explique la DG. “Pour nous, la boutique de Toulouse est la vitrine du Maroc, mais aussi de ce que nous avons de plus raffiné, avec des emballages très modernes, des gâteaux revisités… Certes, elle nous a permis d’être représentés à l’international, mais elle a surtout été pour nous une boutique pilote qui nous a permis d’améliorer toute notre logistique export et notre qualité de production”, poursuit-elle.

Avec le soutien de la CDG, Maymana veut renforcer sa présence à l’étranger

Selon la directrice générale, cette ouverture a aussi permis à la société de développer son réseau de distribution dans les aéroports. “Etre dans un aéroport, c’est comme être à Londres ou à Paris. Ces boutiques sont sous douane, dans les zones franches”, souligne-t-elle. Outre l’aéroport de Rabat, Maymana est présente depuis 2015 dans le Terminal 2 de l’aéroport Mohammed V de Casablanca et, depuis 2016, dans l’aéroport Al Massira d’Agadir. Trois autres boutiques doivent ouvrir d’ici la fin d’année : deux à l’aéroport de Marrakech et une dans le nouveau Terminal 1 de l’aéroport Mohammed V à Casablanca. L’entreprise, qui compte aujourd’hui près de 350 collaborateurs, dont 60% de femmes, ne compte pas en rester là. Avec le soutien financier de la CDG, Maymana veut renforcer sa présence à l’étranger, mais en douceur. “Il y a encore beaucoup d’opportunités dans le métier. Maintenant, il faut que les choses soient bien faites et cela demande du temps”, temporise Majdouline Benchakroun, qui aimerait faire de la marque “une signature, un label de la gastronomie marocaine, beldie et revisitée qui soit représentée à l’échelle nationale et dans les grandes capitales étrangères. C’est notre vision”.

La cerise sur le gâteau

Trente-trois ans après sa création, la pâtisserie-traiteur doit renforcer son assise financière pour suivre la demande grandissante. “Il y a des marchés qui s’offrent à nous et pas mal de demandes qu’on ne pouvait plus satisfaire. L’arrivée de la CDG nous permettra d’avancer et de répondre aux besoins de la société”, souligne la DG. La prise de participation de la Caisse de Dépôt et de Gestion dans le capital s’est faite à travers Capmezzanine II, un “fonds de capital-investissement multisectoriel qui a pour vocation d’investir en fonds propres et quasi-fonds propres dans des PME situées principalement au Maroc”, précise le communiqué de la CDG. Le “positionnement privilégié de Maymana sur son marché, sa stratégie claire de croissance (…) et le maintien de la qualité, sont autant d’éléments qui nous ont motivés pour ce partenariat”, explique Hassan Laaziri, administrateur directeur général de CDG Capital Private Equity.

Majdouline Benchakroun raconte que “les choses ont commencé à se faire en juillet dernier. Le temps de signer les contrats, le closing date d’il y a quelques semaines”. Selon elle, la CDG “arrive pour accompagner un projet de développement très clair, qui consiste en la consolidation de nos espaces de production et le développement de notre réseau à l’échelle nationale, et à moyen terme à l’international”. Joli coup.

 

 

Cet article vous a plu ?

Pour continuer à fournir de l’information vérifiée et approfondie, TelQuel a besoin de votre soutien à travers les abonnements. Le modèle classique de la publicité ne permet plus de financer la production d’une information indépendante et de qualité. Or, analyser notre société, réaliser des reportages et mener des enquêtes pour montrer le Maroc “tel qu’il est” a bel et bien un coût.

Un coût qui n’a pas de prix, tant la presse est un socle de la démocratie. Parce qu’à TelQuel nous en sommes convaincus, nous avons fait le choix d’investir dans le journalisme, en privilégiant l’information qui a du sens plutôt que la course aux clics. Pour cela, notre équipe est constituée de journalistes professionnels. Nous continuons aussi à investir dans des solutions technologiques pour vous offrir la meilleure expérience de lecture.

En souscrivant à une de nos formules d’abonnement, vous soutenez ces efforts. Vous accédez aussi à des avantages réservés aux abonnés et à des contenus exclusifs. Si vous êtes déjà abonné, vous pouvez continuer à encourager TelQuel en partageant ce message par email


Engagez-vous à nos côtés pour un journalisme indépendant et exigeant

Rejoignez la communauté TelQuel
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous

Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer