Jin Liqun, président de l'AIIB: «Certains pays africains peuvent mieux faire que la Chine»

Le président de l'Asian Infrastructure Investment Bank, Jin Liqun, revient dans cet entretien sur les défis qui attendent l'Afrique sur le chemin de l'émergence. Il pense que le continent doit s'ouvrir sur le monde et étudier l'expérience chinoise en l'adaptant à son contexte.

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Jin Liqun, président de l'Asian Infrastructure Investment Bank Crédit: www.wikipedia.org

Invité de marque du Forum international des fonds souverains, qui s’est tenu à Marrakech le 20 septembre, Jin Liqun est le président de l’Asian Infrastructure Investment Bank (AIIB). Cette banque, créée en 2014 à l’initiative de la Chine, se veut le concurrent du FMI et de la Banque Mondiale. L’AIIB est dotée d’un capital de 100 milliards de dollars et compte 57 pays membres. La banque investit principalement en infrastructure en Asie (Inde, Turquie, Pakistan…).

Son premier projet en Afrique est la centrale solaire Round II Solar PV en Egypte. Un projet pour lequel l’institution financière a accordé un prêt de 210 millions de dollars le 4 septembre 2017. Mais la banque cherche à s’implanter davantage en Afrique dans le cadre de la nouvelle route de la soie, ce projet de liaisons maritimes et aériennes de la Chine à travers l’Asie et l’Afrique.

Dans cet entretien, le patron de l’AIIB revient sur les relations sino-africaines et explique comment le continent peut s’inspirer du modèle chinois.

Comment l’Asie, et surtout la Chine, peut-elle aider l’Afrique à rattraper son retard en développement ?

Les pays asiatiques et africains ont bâti des relations solides. Récemment, la Chine s’est classée deuxième investisseur en Afrique. Nous devons renforcer ce partenariat entre la Chine et l’Afrique et les autres pays asiatiques avec l’Afrique. La Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures est prête à travailler avec les pays africains et financer des projets, que ce soit en Afrique du nord ou en Afrique subsaharienne. L’idée est simple: travailler dans l’intérêt de toutes les parties prenantes. L’Afrique doit développer ses capacités industrielles et agricoles, pour arriver à une économie plus développée.

La Chine a rattrapé son retard en développement en quarante ans. Pensez-vous que les pays africains, profitant de l’expérience chinoise, puissent y arriver en moins de temps ?

Je pense que certains pays africains peuvent faire mieux que la Chine. L’élément principal qui a permis à la Chine de devenir un pays développé en quelques décennies est l’ouverture sur le monde. Il faut savoir s’ouvrir et être inclusif.  La méthode chinoise doit être étudiée et adaptée au contexte de chaque nation.

Il faut également pouvoir travailler en partenariat avec  les institutions internationales et renforcer l’approche multilatérale recommandée par l’OMC. Je pense que n’importe quel pays peut se développer rapidement, et pour ce faire, il est crucial d’épouser le multilatéralisme. Pour cela, la stabilité politique est importante.

Il faut également que les pays africains et asiatiques travaillent ensemble pour utiliser au mieux leurs ressources humaines et financières. C’est ce qui a permis à la Chine de se développer rapidement, et je pense que les pays africains doivent en faire de même.

La Chine est passée d’un capitalisme industriel à un capitalisme technologique en créant des géants comme Alibaba ou Baidu. Pensez-vous que l’Afrique a les moyens ou les capacités de créer des géants technologiques comparables ?

Bien sûr. Il faut pour cela que les gouvernements créent des conditions favorables, et qu’ils se projettent vers l’avenir, pour que les entrepreneurs se sentent à l’aise pour se développer. La Chine a beaucoup travaillé sur les problématiques de propriété intellectuelle, encourageant ainsi le secteur privé à être plus créatif. Je pense que les talents africains sont capables d’aider leurs économies à faire un saut qualitatif dans la création de valeur,  s’ils ont l’environnement légal qui le leur permet.

Et comment la Chine peut-elle investir pour améliorer la qualité des économies africaines ?

Nos banques ne peuvent pas intervenir directement dans les domaines sociaux comme l’éducation. Mais je pense personnellement que l’éducation est le secteur le plus productif de toute économie. Il faut pour cela de grands moyens alloués par les gouvernements, mais nous pouvons contribuer à des efforts complémentaires, notamment dans le domaine des infrastructures.

Pensez-vous que les pays africains sont encore trop orientés vers l’occident et pas assez vers l’Asie et la Chine ?

L’Europe a traditionnellement des relations très étroites avec l’Afrique, et il est essentiel pour les pays africains de maintenir ces relations. D’un autre côté, la Chine s’impose de plus en plus comme acteur majeur sur ce continent. Il faut que les pays africains soient prêts à travailler avec tous les pays du monde leur proposant de l’aide.

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