Ramin, village iranien devenu spot de surf réputé

Ramin, un petit village de pêcheurs au sud-est de l'Iran est devenu en cinq ans le spot de surf le plus célèbre du pays et le premier à voir le jour dans la région. Cette nouvelle pratique en République islamique a été initiée par deux surfeuses étrangères.

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We surf in Iran / Ramin Surf Camp

L’Iran se met au surf. Le village de Ramin, situé à moins d’une heure de la frontière pakistanaise, a fait en 2010 la découverte des joies de la glisse. Une découverte permise grâce à la curiosité de Easky Britton, une jeune surfeuse irlandaise, venue tester les vagues de la côte. Coiffée selon les coutumes locales d’un hijab, la jeune professionnelle devient alors la première à surfer en Iran. Une jeune réalisatrice française, Marion Poizeau l’accompagne dans cette aventure. Cette année-là, seules ces deux intrépides s’essayent au surf sur la côte iranienne avant de repartir dans leurs pays respectifs.

Situation géographique de Ramin, village iranien à moins d’une heure de la frontière pakistanaise, dans la province du Baloutchistan.

Au commencement, un film

Deux ans plus tard, en 2012, Marion Poizeau met en ligne un film de trois minutes sur ses aventures de surf en Iran. Très vite, la vidéo fait le buzz. Des dizaines d’Iraniens lui écrivent, étonnés d’apprendre qu’on peut surfer dans leur pays et impatients à l’idée de s’y essayer. Easky Britton et Marion Poizeau décident alors en 2013 de retourner en Iran. Via leur association, Waves of freedom, les deux sportives lancent une nouvelle dynamique locale autour de ce sport.

A partir de ce moment, la surfeuse irlandaise Easky Britton vient chaque année animer un workshop où elle apprend aux Iraniens sur place à surfer, mais aussi à enseigner le surf aux autres. Marion Poizeau de son côté, réalise un film documentaire, Into the Sea qui fera le tour du monde.

En peu de temps, les marraines du surf en Iran font des émules autour d’elles. Dans un premier temps, Marion Poizeau et Easky Britton souhaitent sensibiliser les femmes : « On s’est tourné plus directement vers les femmes, car on s’est dit que si c’était initié (la pratique du surf, NDLR) par les femmes, ça les rendrait légitimes pour en faire par la suite, elles ne seraient pas marginalisées », raconte la réalisatrice.

Une démarche qui porte ses fruits. Des femmes venues de Téhéran, situé à dix-huit heures de voiture du spot, mais aussi des femmes du coin, pourtant habituées à un cadre traditionnel, viennent alors tester ce sport. Cinq ans plus tard, une trentaine de surfeurs locaux rident sur les vagues du golfe d’Oman. Les saisonniers habitués, venus de Téhéran et d’autres régions d’Iran, se sont eux aussi convertis au sport de glisse.

Une nouvelle image de la région

Pourtant, en 2012, dans l’article « Le petit coin le plus effrayant de la planète, » le New York Times élevait la région au rang de zone des plus dangereuses de la planète. Mais, la pratique du surf à Ramin a sans doute permis, à une certaine échelle, d’aller à l’encontre de cette image alarmiste. Marion Poizeau se souvient : « Les Téhranais et les gens du reste du pays n’allaient pas au Baloutchistan. Mon film a été projeté à Téhéran et le premier retour que j’ai eu était l’incrédulité : « Waouh ça surfe au Baloutchistan et ça ne craint pas là bas ! ».

« Tout le village veille sur toi, tu te sens en sécurité. J’y suis allé neuf ou dix fois. Tu sens bien qu’il y a des tensions autour, mais à Ramin, j’ai été accueillie comme jamais je n’ai été accueillie », raconte la réalisatrice à TelQuel. Aujourd’hui, je ne connais pas mal de surfeurs internationaux, européens qui viennent à Ramin », poursuit-elle.

Partage, hospitalité et débrouille

Damien Epiney, jeune suisse, surfeur amateur depuis dix ans, s’est rendu il y a deux ans à Ramin. Il partage lui aussi ce sentiment d’hospitalité : « Quand tu sors de l’eau, les gens t’amènent des bouteilles d’eau, des fruits, c’est vraiment une superbe ambiance. » Sur place le jeune et deux amis ont fabriqué de nouvelles planches de surf et ont tenu à partager leur technique avec les surfeurs locaux. Tout comme Marion Poizeau, Damien Epiney a lui aussi a pensé à rapporter un journal vidéo de son expérience : Berim (en persan, « Allons-y »).

A Ramin, on fait avec les moyens du bord. Les femmes se confectionnent leurs tenues en les adaptant aux coutumes locales, cela notamment avec l’aide d’une société néerlandaise productrice de cagoules. Au début de l’aventure, les planches ont été acheminées au compte-gouttes par Marion Poizeau, native du Pays basque, une région française reconnue pour sa culture du surf. Au bout d’un certain temps, les choses se sont instituées : la société française Bic a pendant plusieurs années fourni des planches au village de Ramin et à sa naissante école de surf.

La création de cette communauté locale – pour le moins originale dans un pays dit conservateur – a permis de désenclaver, dans une certaine mesure, la région. « Les gens là-bas tiennent à donner une vision totalement autre du Baloutchistan et espèrent même un jour participer aux Jeux olympiques », raconte le surfeur suisse Damien Epiney.

Récemment vainqueur d’une compétition organisée à Ramin, un surfeur local doit partir pour le Japon. Baloutchistan – Japon, une aventure qui sort de l’ordinaire.

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