Ils ont entre 19 et 25 ans, que pensent-ils du service militaire obligatoire ?

Entre ceux qui sont catégoriquement contre et ceux qui y voient une belle issue pour la jeunesse, que pense la génération Z, principale concernée, de la réinstauration annoncée du service militaire obligatoire ?

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Le concert de Damso à Mawazine, Rabat, en 2018. Crédit: Yassine Toumi/TelQuel

Douze ans après avoir été supprimé, le service militaire obligatoire devrait faire son retour au Maroc. Une annonce faite après l’adoption, le 20 août, d’un projet de loi en Conseil des ministres. En l’absence de débat public en amont de cette adoption, les commentaires se font a posteriori. Pour, contre… Qu’en pensent les principaux concernés, les Marocaines et Marocains de 19 à 25 ans, citoyens en herbe et futurs conscrits ?

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Se rassembler contre

Omar, un étudiant en première année à la Faculté des Sciences juridiques, économiques et sociales de Tanger est plutôt sceptique. « Quand j’ai appris la nouvelle, la première idée qui m’est passée par la tête a été celle de quitter le Maroc. L’instauration du service militaire est une solution radicale à mon sens. Au lieu de trouver de vraies solutions pour aider la jeunesse marocaine dans les domaines de l’éducation et de la santé, ils cherchent à nous formater ! ».

Catégorique, l’étudiant de 19 ans ne souhaite pas passer par la case caserne. Il explique : «  Ce qui me fait le plus peur, c’est d’abord d’être loin de ma famille et de côtoyer des étrangers durant une année. Et aussi, je ne veux pas gâcher ma vie à faire quelque chose que je n’ai pas choisi. Ma passion, c’est l’économie ». Et de trancher : « En concertation avec mes parents, j’ai décidé de commencer dès maintenant à chercher des programmes pour poursuivre mes études à l’étranger, car comme ça je ne pourrai pas faire de service militaire. Je suis bien conscient que ça me poursuivra toute ma vie si je reste au Maroc. »

Adoptant la même position qu’Omar, plus de 3.000 internautes ont rejoint le groupe Facebook «Rassemblement marocain contre le service militaire» qui a été créé moins de 24 heures après l’adoption du projet de loi. « J’ai remarqué que plusieurs personnes sont contre la décision de la réinstauration surprise du service militaire et contre la manière par laquelle elle a été communiquée […]. Le service militaire n’a pas figuré dans les programmes électoraux des partis politiques ni dans la feuille de route du gouvernement qui a été approuvé par le parlement», peut-on lire dans la description du groupe fermé. La note conclut « […] Dans ce groupe, nous aimerions discuter et coordonner pour savoir exactement ce qu’on veut, quand et comment […] ».

Le faire ou fuir ?

Plus tempéré, Mohamed, lycéen à Rabat nous raconte : « Au début, je n’étais pas vraiment content, car le service militaire est imposé, c’est comme si vous forcez des personnes libres à faire des choses qu’ils ne veulent pas vraiment faire. Et puis, je suis allé chez le coiffeur et plusieurs personnes en discutaient. Il y a avait un homme âgé qui nous a clairement dit que c’était une bonne chose et que le pays évoluera. Il attendait cette décision depuis des années. Alors, je me dis, pourquoi pas ? ».

Inspiré, il poursuit : « Dans l’absolu, je pense que le service militaire n’est pas une mauvaise idée. Ça va certainement sauver certains jeunes en déperdition et leur apprendre à compter sur eux-mêmes. Il y aura moins de personnes qui traînent dans les rues à prendre de la drogue et à harceler les filles ». Et quand on lui demande s’il est aujourd’hui prêt à le faire, le lycéen de 17 ans répond : « Personnellement, je vais quitter le Maroc après mon bac. C’est une décision que j’ai prise avant même de savoir qu’il y aurait un service militaire obligatoire. J’estime que mon pays ne m’offre pas assez de possibilités pour mon épanouissement ». 

Le cas de Mansour, un bachelier qui a décidé de faire une année sabbatique, soulève une interrogation que le projet de loi ne précise pas pour l’heure. Il est franco-marocain et ne sait pas s’il sera tenu ou non d’effectuer le service militaire. « Je ne sais toujours pas si je suis concerné par le service militaire, car j’ai une double nationalité, mais objectivement, je pense que ce n’est pas une si mauvaise idée. Je vois autour de moi beaucoup de jeunes qui ont le bac, ou pas, et qui ne font rien de leur vie. C’est désolant», nous explique-t-il.

Le Casablancais de 18 ans poursuit : « Le service militaire va permettre à ces personnes d’assimiler des concepts qu’ils n’ont pas forcément assimilés, comme la discipline. Le fait de passer une année dans un camp militaire va permettre aux personnes concernées de méditer sur ce qu’ils aimeraient faire dans l’avenir et je pense que c’est ce qui manque à cette génération. En somme, ça remettra les idées bien en place à plus d’un ! Et de manière générale, avoir des réservistes est toujours une bonne chose, en cas de guerre et même dans la vie quotidienne pour se défendre ».

Et de nuancer : « Je pense aussi à la question logistique et financière de ce service militaire. Ça coûte énormément d’argent, mais si le Maroc a décidé de l’instaurer c’est qu’il en a les moyens. Si je suis appelé à la faire, je vais certainement le faire, je suis un peu sceptique, car j’ai des projets dans la vie ».

Une « décision inopinée »

Tout comme Mansour, Ouafaa – une étudiante en première année à Science Po en France – est séduite par l’idée d’un service militaire, mais critique la manière dont le projet de loi a été adopté. « Je pense que le service militaire peut être un choix positif, car cela permettra de renforcer notre cohésion sociale, notre patriotisme et notre civisme», nous confie-t-elle. « Je serai la première à applaudir étant patriote, attachée au Royaume et à son intégrité territoriale, mais je pense que cette décision est inopinée. C’est dommage qu’on ait des institutions comme le Conseil consultatif des Jeunes et de l’Action associative et de ne pas les consulter pour prendre une telle décision qui concerne avant tout des jeunes», ajoute-t-elle.

L’étudiante de 19 ans explique encore : « L’idée de l’égalité dans le service militaire m’a vraiment touchée, c’est une manière de court-circuiter les réactionnaires qui sont contre l’égalité entre les femmes et les hommes. Mais en même temps, j’ai bien peur que des personnes aisées puissent contourner la loi et que seule une frange de la société participe au service militaire. Et puis l’idée de poursuivre une personne jusqu’à ses 40 ans est exagérée ».

Elle résume sa pensée en avançant : « La constitution est claire sur le principe de la démocratie participative donc pourquoi prendre des décisions à la hâte. J’aurais aimé qu’un référendum soit lancé et qu’on en discute tous ensemble. Pourquoi les parlementaires doivent-ils prendre des décisions concernant des jeunes alors que l’écrasante majorité d’entre eux n’est pas concernée par ce service militaire ? ».

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