MUR et PJD, divorce ou redistribution fonctionnelle ?

A l'issue du 6e congrès du Mouvement unité et réforme (MUR), tenu du 3 au 6 août, Abderrahim Chikhi a été reconduit à la tête du mouvement. Les dirigeants du PJD, en revanche, ont tous quitté le Conseil national du mouvement considéré comme l'aile religieuse du parti islamiste. Divorce ou continuité du projet islamiste ?

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Abderrahim Chikhi et Saad Eddine El Othmani (montage TelQuel)

Le Mouvement unité et réforme (MUR) a réélu Abderrahim Chikhi à sa tête lors de son 6e congrès, tenu du 3 au 6 août à Rabat. L’ancien conseiller de l’ex-secrétaire général du PJD, Abdelilah Benkirane, rempile pour un second mandat après sa première élection en 2014. Aussi, à l’issue de ce congrès, plus aucun dirigeant du PJD ne fait partie du Conseil national du MUR. Exit Mustapha El Khalfi et Mohamed Yatim, les deux derniers cadres du PJD à siéger dans l’antichambre idéologique du parti islamiste. Cette absence est-elle le signe d’une rupture entre le parti et son aile idéologique ou bien la continuité d’une vision stratégique ?

« Ce n’est en rien une rupture avec le parti », nous déclare le président du MUR, Abderrahim Chikhi. Et d’expliquer : « C’est pour appuyer le choix de la différenciation des fonctions ». À savoir, au MUR, « l’influence et l’éducation » au PJD « le travail sur le terrain ».

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La différenciation entre le militantisme politique du PJD et la prédication du MUR ne date pas d’hier. « Elle est née avec la création du mouvement [en 1996, ndlr], mais n’a été approuvée qu’en 2004 par le conseil de la choura composé du bureau exécutif et des délégués régionaux », raconte le chef du mouvement.

Or, ce caractère complémentaire entre le PJD et le MUR a franchi une étape dans le projet des  « frères ». « Nous sommes à une étape qu’on peut qualifier de renforcement des forces. Cette étape, qui a commencé en 2011, se caractérise par l’insertion des cadres du PJD dans l’administration. Elle intervient après celle de la recherche de la légitimité ayant précédé la participation politique », nous explique Driss El Ganbouri, spécialiste des mouvements islamistes. 

Le n°1 du MUR explique qu’il s’agit en effet d’une redistribution fonctionnelle des rôles. « Notre seul rôle à présent est d’éduquer la société. Pour les intéressés par la politique, ils le font dans le parti politique, ceux intéressés par les problématiques des travailleurs font leur travail au sein de l’Union nationale des travailleurs marocains, etc. ». Une redistribution dont les islamistes n’avaient pas besoin à leurs débuts : « Comme toute organisation idéologique, il nous fallait d’abord travailler sur tous les fronts au sein du même corps », se rappelle-t-il.

“Une imbrication profonde »

Pour Driss El Ganbouri, « la séparation entre le parti et le mouvement est de toute façon impossible, car ils sont imbriqués». Selon l’auteur de Les islamistes : entre la religion et le pouvoir, cette imbrication est particulièrement flagrante aux moments de la crise au PJD, lorsque les escarmouches politiques ont eu des répercussions jusqu’au sein du MUR.

Ce fut notamment le cas lorsque bon nombre de militants PJDistes ont plaidé pour un troisième mandat pour Benkirane à la tête du PJD. L’épisode avait créé une division au sein du parti islamique, mais au également au sein du MUR. Driss El Ganbouri rappelle d’ailleurs qu’Abderrahim Chikhi est un « très proche de Benkirane ». « Il y a de l’influence qui provient des membres qui ont la double casquette du parti et du mouvement », confirme aussi Chikhi.

Pour Driss El Ganbouri, ce que l’on serait tenté de qualifier de « séparation » à la suite du départ des politiques du MUR, n’est pas fondé. Puisque « les frères gardent toujours un pied à la fois dans le parti et un autre dans le mouvement ». 

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