Hécatombe caniculaire et importations américaines : les producteurs de volaille rassurent

Suite à la canicule, le secteur avicole aurait perdu 20% de ses élevages de volailles. Annoncée dans le même temps, l'arrivée sur le marché marocain de la volaille américaine fait du bruit. Abderrahmane Riyadi, secrétaire général de l'Association des producteurs de volaille et membre du conseil d'administration de la Fédération interprofessionnelle du secteur avicole, réagit.

Par

Poulets
AFP

Telquel.ma : Suite à la canicule, des professionnels de la filière avicole évoquent dans les médias des pertes de 10 à 15 % de la volaille marocaine, voire jusqu’à 20% pour Jaber Abou Bakr, président de l’Association marocaine des aviculteurs cité par H24. Confirmez-vous ces chiffres ?

Abderrahmane Riyadi : Cette donnée nous a été avancée par une personne qui n’était pas vraiment impliquée dans notre structure organisationnelle. Oui, certains des éleveurs ont pu perdre 20% de leur élevage, mais globalement on ne peut pas dire que ce soit le cas. Les pertes sont très variables. Les régions de l’intérieur, telles que Béni Mellal, Meknès et Gharb sont toujours les plus touchées par ce genre d’événement.

Puis, on ne peut pas estimer des chiffres comme ça, le lendemain d’une journée de chaleur. On doit d’abord recevoir, collecter les informations en contactant chacune des antennes locales à propos des mortalités et des pertes de poids constatées. On regroupe tout cela et on attend de voir comment le marché va se comporter. Si le marché flambe, c’est qu’on est une sur une perte supérieure. C’est le marché qui apporte la réponse, car malheureusement au Maroc, nous ne disposons pas encore d’un système de déclaration.

Ce phénomène est-il habituel dans le secteur avicole ? Les éleveurs y sont-ils préparés?

C’est un phénomène récurrent, mais cette année on a eu une soudaine augmentation de température début août, et non pas une augmentation progressive, laquelle permet aux bêtes de s’adapter. Mais les éleveurs n’ont, en général, pas d’assurance pour les protéger contre ce genre de sinistre.

Il y a presque une dizaine d’années, les éleveurs avaient sollicité une aide de l’État pour la subvention des systèmes de refroidissement, soit de brumisation soit de pad cooling (système de refroidissement pour les volailles, NDLR). Beaucoup d’agriculteurs équipés n’ont ainsi eu que très peu de pertes. Sur ce plan-là, ce n’est pas une année de grande catastrophe. Ce sont des dégâts habituels. Il suffit de regarder le prix au kilo, le meilleur indicateur, qui n’a pas bougé : il reste autour de 12,50 dirhams.

Comment le secteur perçoit-il l’annonce de l’ouverture du marché marocain à la volaille américaine ? Cet accord entre le Maroc et les États-Unis peut-il représenter une menace pour les éleveurs ? 

Cette annonce est un petit événement qui a reçu une grande médiatisation. On s’attendait à ça, car l’accord qui prévoit ces importations a été finalisé il y a longtemps. Cet accord de libre-échange entre le Maroc et les États unis a été signé en 2004, et il est entré en vigueur en 2006. Jusqu’ici le Maroc n’a rien reçu, car personne n’était intéressé par ce contingent à 0% de douane. Il n’y avait pas d’interdiction sanitaire de la part du Maroc, mais seulement un manque d’actualisation des données sanitaires.

En définitive cette ouverture du Maroc ne représente, au maximum, que 10 millions de dollars pour les Américains. Or, cela représente à peine 1% du chiffre d’affaires du marché marocain de la volaille. Le contingent autorisé ne peut excéder l’importation de 9.000 tonnes de viande de volaille congelée. La consommation de ce produit sera donc marginale. Le congelé ne concerne pas la ménagère marocaine. Plus généralement au Maroc, le consommateur n’est pas très porté sur le congelé.

En plus, c’est un produit halal. Or, le halal venu des USA n’a pas la même appréciation que le halal venu du Maroc ou d’Arabie Saoudite. Enfin, si l’importateur veut acheminer sa viande vers la ménagère il doit installer une infrastructure pour la conserver au froid, ce qui est extrêmement lourd financièrement. Ce n’est pas pour 10 millions de dollars qu’il va faire ces efforts-là. Certainement, ces importations vont concerner de petites niches, ceux qui ont déjà l’habitude d’utiliser de la viande congelée, à savoir peut-être les personnes travaillant sur les bateaux ou dans l’armée.

Quel bilan peut-on dresser du secteur avicole sur le premier semestre 2018 ? 

Le secteur avicole va mal depuis longtemps déjà. En 2016, on a eu la grippe aviaire, puis en 2017, on est entré en phase de surproduction chronique à grande échelle. Une situation qui dure toujours aujourd’hui. Beaucoup d’agriculteurs ont travaillé des mois à perte et ont connu beaucoup d’impayés. En dehors donc des aléas climatiques, c’est une année difficile. On voit peu de solutions, car on fonctionne sur des cycles économiques : à chaque fois que commence une période intéressante, les agriculteurs augmentent leurs productions et on retombe ainsi sur ce cycle de surproduction.

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