Benkirane à la chabiba : "Soyez prêts à tout sacrifier" 

L’Islam, Mohammed VI, Hamieddine, Mezouar, la réforme… Abdelilah Benkirane s'est exprimé le 6 aout devant la jeunesse du PJD, s'offrant une tribune après six mois passés dans l'ombre.

Par

Yassine Toumi/TELQUEL

« Le peuple veut Benkirane de nouveau ! » «Benkirane en avant, ni recul ni reddition ! » C’est par ces slogans que l’ancien chef du gouvernement et ancien secrétaire général du Parti de la justice et développement (PJD), Abdellilah Benkirane, a été accueilli le 6 août à Casablanca par les jeunes PJDistes, rassemblés pour la 14e édition du Forum national de la jeunesse du parti de la lampe. Dans l’ombre depuis la nomination de Saad-Eddine El Othmani à la tête de l’Exécutif, Abdelilah Benkirane s’affiche de nouveau après six mois de silence. 

Benkirane et la monarchie

« Ce qui manque au roi, c’est d’avoir des hommes fidèles qui font le nécessaire. » C’est par cette phrase qu’Abdelilah Benkirane répond au discours du Trône durant lequel Mohammed VI a déclaré avoir « le sentiment que quelque chose continue à nous faire défaut en matière sociale. »

« Nous connaissons le roi, nous l’aimons. Nous pouvons témoigner de ses bonnes intentions. Il souhaite que son pays se développe. Mais je lui dis :’ce qui vous manque, ce sont des hommes honnêtes et fidèles qui travaillent correctement et qui font le nécessaire’, » poursuit le leader islamiste, qui réclame « une monarchie constitutionnelle régie par les lois et les coutumes dont nous serions fiers ».

Montrer patte blanche

Pour Abdelilah Benkirane le roi « doit être respecté et la constitution doit évoluer avec nous. » Transition toute trouvée pour l’ancien chef de gouvernement qui évoque le cas Abdelali Hamieddine et ces propos critiques à l’égard de la monarchie. Ce dernier déclarait début juillet que « la monarchie au Maroc est une institution centrale dans la vie politique. Mais cela ne signifie pas que sa forme actuelle est utile pour la démocratie et la vie politique […] elle entrave le progrès, l’évolution et le développement. Si elle ne change pas, elle ne rendra service ni à elle-même ni au pays  ».

« Les propos tenus par Hamieddine sont inadmissibles, il n’aurait pas dû les tenir, » juge Benkirane devant une assistance galvanisée. « Nous ne pouvons permettre à qui que ce soit de considérer la monarchie comme une entrave pour le développement et la démocratie au Maroc. Ce disant, nous avons la conviction que la monarchie est le garant de l’unité, de la stabilité et du développement du royaume, »  poursuit-t-il, avant de rappeler la position de son parti durant les manifestations du 20-Février auxquelles le PJD s’était abstenu de prendre part.

Mezouar et les pauvres

L’actuel président de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), Salaheddine Mezouar, était également au menu de l’intervention du leader islamiste. Abdelilah Benkirane a rapporté une anecdote qui s’est déroulée au Parlement entre le député Abdelaziz Aftati et l’ancien ministre de l’Economie et des finances (2007-2012). « Lorsque Mezouar présentait son projet de Loi de finances, Aftati lui demandait toujours  ‘Où est la référence aux femmes transporte de l’eau avec leur âne dans votre projet de loi de finances? »

Salaheddine Mezouar n’ayant pas de réponse, l’ancien chef du gouvernement raconte qu’Aftati a posé la même question les deux années suivantes. « Mezouar n’a pas donné de réponse, car il n’en a pas, personne ne s’intéresse aux pauvres, » déplore Benkirane.

La réforme, encore et toujours

A la chabiba du PJD, Abdelilah Benkirane a rappelé les piliers fondateurs du parti de la lampe, à savoir la réforme. L’ancien chef de l’Exécutif a insisté sur la volonté de réformer le pays, celle de dévoiler ses dysfonctionnements et d’œuvrer à leur dépassement, et toujours l’attachement du parti à la monarchie constitutionnelle.

« Soyez bien avec les autres comme avec vous-mêmes. Ne soyez pas tentés par les voitures, les chauffeurs et les salaires : ce sont des choses qui partent et reviennent, » conseille-t-il.

Pauvreté, jeunes chômeurs, prostitution… Abdelilah Benkirane fait aussi savoir son mécontentement vis-à-vis des problèmes persistants au Royaume. « Ce que vit le Maroc déchire le cœur, il est indéniable qu’il faut s’intéresser aux pauvres et aux démunis, » insiste Benkirane, tout en se refusant de commenter l’activité du  gouvernement. « Je me tais, je ne veux intimider personne, » dit-il.

« Je suis le plus grand frileux, » fait savoir Benkirane. Selon le leader de la formation islamiste, sa frilosité ne doit pas empêcher les militants PJDistes d’être « prêts à tout sacrifier, y compris d’aller en prison. »

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