Mohamed Aghnaj, avocat du Hirak: "Certains détenus dont Nasser Zafzafi hésitent à faire appel"

Dans cette interview, l'avocat des détenus du Hirak informe sur l'état de santé physique et moral de Nasser Zafzafi et de ses compagnons au lendemain des verdicts. Il revient également sur la possibilité d'un appel de la décision, et sur les circonstances de la prononciation des sentences.

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Maître Mohamed Aghnaj, avocat du Hirak

Telquel.ma : Comment se portent les détenus à Oukacha ? De quelle manière ont-ils accueilli les jugements ?

Ils ont forcément été surpris par la lourdeur des verdicts, mais ça n’a en rien affecté leur moral. Ils continuent à mener naturellement leur vie en prison, de la même manière qu’avant. Lorsque le greffier s’est déplacé à Oukacha pour les notifier de leurs sentences respectives, la plupart d’entre eux ont immédiatement interjeté appel, mais certains, dont Nasser Zafzafi, hésitent toujours. On en saura bientôt plus, car ils ont 10 jours, à partir de la prononciation du verdict pour se décider.

Justement, vous regrettez les circonstances dans lesquelles les verdicts sont tombés…

L’article 439 du Code de procédure pénale dispose qu’au moment de prononcer les sentences « le président convoque l’accusé et s’assure que les conditions de l’audience publique sont remplies ». Le 26 juin au soir pourtant, les détenus étaient déjà de retour à Oukacha quand la Cour a prononcé ses verdicts. Il est vrai que les accusés boycottaient le procès, mais il aurait été préférable que la Cour fasse l’appel les avertisse avant de prononcer ses verdicts, comme cela est prévu dans l’article 423 du Code de procédure pénale. Je l’ai relevé lors de l’audience, mais le président n’en a pas pris compte.

Comment se fait-il qu’au moment du verdict, plusieurs accusés se soient vus reconnus de « complot formé dans le but de porter atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat », alors qu’ils n’étaient pas poursuivis pour cela ?

D’abord il faudrait préciser, contrairement à ce qui est propagé, que la Cour n’a pas condamné pour ce crime des accusés poursuivis pour délits. Elle n’a pas le droit de requalifier un délit en un crime. Cela ne peut se faire qu’en cas de recours du Parquet, et la reprise de la discussion sur cette nouvelle poursuite.

Dans notre cas, la Cour a reconnu tous les délits imputés aux accusés, et a requalifié les crimes qui leur sont reprochés en un seul, en l’occurrence celui du « complot formé dans le but de porter atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat ». C’est le cas d’Omar Bouhras par exemple. La Cour n’a pas reconnu la tentative d’homicide volontaire pour laquelle il était poursuivi, mais a requalifié les autres faits qui lui sont reprochés – « Atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat3 (article 201 du Code pénal) et « dévastation de bien mobiliers en bande et à force ouverte3 (article 594) » – en « complot formé dans le but de porter atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat » (article 201, alinéa 2). C’est le cas de tous les accusés poursuivis pour crime, sauf Bilal Ahbbad, Karim Amghar, Mahmoud Bouhnouch, Zakaria Adahchour et Salah Lachkham.

Votre abstention de plaider, suite au boycott du procès par les détenus, ne leur a-t-elle pas porté préjudice ?

Rappelons dans un premier temps que ce sont les accusés qui nous ont demandé de ne pas plaider. Je peux vous assurer que c’est nous, les avocats, qui, à plusieurs reprises les avons persuadés de faire acte d’assister à leur procès, tellement ils se sont sentis lésés et déçus par le déroulé.

Leur plus grosse déception fut le moment où ils ont consulté l’ordonnance de renvoi. Ils se sont rendu compte que le juge d’instruction, au moment de rédiger ses poursuites, s’est basé uniquement sur les procès-verbaux de la police judiciaire, et a omis la phase d’instruction, malgré tous les efforts consentis par les accusés pour se défendre. Je considère que tout au long du procès, les accusés et leurs avocats ont présenté tous les moyens de défense en leur possession et qui ont été acceptés par la Cour. Ils ont même improvisé des plaidoiries avant l’heure. Nos plaidoiries n’auraient pas changé grand-chose.

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