Témoin d'un réchauffement avec la Mauritanie, Hamid Chabar rencontre le président Ould Abdelaziz   

Hamid Chabar, ambassadeur du Maroc en Mauritanie, a présenté le 20 juin ses lettres de créance au président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, témoignant d'une relation réchauffée entre les deux voisins, à quelques jours du 31ème Sommet de l'Union Africaine à Nouakchott.

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Hamid Chabar, à gauche, nouvel ambassadeur du Maroc à Nouakchott, et Mohamed Ould Abdelaziz, président mauritanien. Crédit: MAP / AFP

Le président mauritanien a accordé, le 20 juin, une audience à Hamid Chabar, à l’issue de laquelle, l’ex-ambassadeur du Maroc au Ghana, a remis ses lettres de créance en tant qu’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire à Nouakchott, rapporte l’agence MAP.

« Cette rencontre était une occasion idoine de transmettre à Son Excellence les salutations de Sa Majesté le Roi Mohammed VI et les sentiments de cordialité et d’estime, ainsi que la volonté d’œuvrer de concert pour développer et consolider les relations bilatérales entre les deux pays et de les hisser au plus haut niveau, » a déclaré Hamid Chabar.

La cérémonie a eu lieu en présence du ministre mauritanien des Affaires étrangères et de la coopération, Ismael Ould Cheikh Ahmed, ainsi que plusieurs conseillers du président dont son  chef du cabinet Ahmed Ould Bahiya.

Un poste longtemps vacant

Hamid ChabarCrédit: DR

Depuis le décès de l’ambassadeur marocain Abderrahmane Benomar en décembre 2016, le poste était resté inoccupé. Hamid Chabar avait en effet été nommé en avril 2017, mais n’avait pas pris ses fonctions à Nouakchott. Plusieurs mois après sa nomination, la Mauritanie avait finalement accepté, en octobre 2017, d’accréditer Hamid Chabar. En décembre 2017, le voisin du sud nommait à son tour un ambassadeur à Rabat, poste vacant depuis 2012.

Précédemment ambassadeur du Maroc au Ghana, Hamid Chabar est avant tout un spécialiste de la question du Sahara. Ancien conseiller au ministère de l’Intérieur chargé du suivi du dossier de la question du Sahara à l’Organisation des Nations Unies (ONU), il a également été gouverneur, chargé de la coordination avec la MINURSO, avant d’être nommé représentant permanent adjoint du Maroc auprès de l’ONU à New York, puis wali de la région Oued Eddahab-Lagouira et wali directeur de la coopération internationale au ministère de l’Intérieur. Il a également  été membre de la commission ayant élaboré le projet d’autonomie pour la région du Sahara, présenté aux Nations Unies en avril 2007.

Le 20 avril 2018, le roi Mohammed VI avait remis leurs lettres de créances à 12 nouveaux ambassadeurs, dont Hamid Chabar. Le mois suivant Hamid Chabar les remettait à l’ancien ministre mauritanien des Affaires étrangères Isselkou Ould Ahmed Izidbih, actant sa prise de fonction et le retour d’un ambassadeur marocain à Nouakchott après deux ans d’absence.

Mohammed VI à Nouakchott ?

Cet entretien entre l’ambassadeur marocain et le président mauritanien intervient à quelques jours de l’ouverture du 31ème Sommet de l’Union Africaine à Nouakchott, du 25 juin au 2 juillet, auquel Mohammed VI pourrait participer, selon Jeune Afrique.

Selon l’hebdomadaire panafricain, « Rabat a transmis l’accord de principe aux autorités mauritaniennes quant à la participation de Mohammed VI au sommet de l’UA. » Ce serait la première visite de Mohammed VI dans le pays, et une confirmation du réchauffement des relations entre les deux pays.

En février, le président mauritanien déclarait à Jeune Afrique : « nos relations avec Rabat ont connu une certaine léthargie, il y a eu des hauts et des bas. Mais elles s’améliorent et notre objectif est de les renforcer davantage. » Il précisait qu’un échange de visite avec le roi Mohammed VI « n’est pas programmé, mais n’est pas exclu ».

Dans sa résolution du 27 avril 2018 prorogeant le mandat de la Minurso, le Conseil de sécurité de l’ONU fait mention à huit reprises des « Etats voisins » pour « faire des progrès dans la recherche d’une solution politique « réaliste, pragmatique et durable » à la question du Sahara ». Une mention dont le Maroc se félicite au premier titre car il espère voir l’Algérie s’impliquer dans la recherche d’une solution à ce conflit régional, mais qui concerne également la Mauritanie.

Des élections présidentielles sont prévues en 2019 en Mauritanie. Conformément à la Constitution, Ould Abdalaziz s’est engagé à ne pas briguer un troisième mandat. Il affirme cependant qu’il soutiendra un candidat, sans que le nom de son dauphin soit connu.

10 ans de crise larvée

Au cours de la dernière décennie, les relations entre le Maroc et la Mauritanie n’ont pas toujours coulé de source.

Deux ans après l’élection de Mohamed Ould Abdelaziz à la présidence suite à son coup d’État en 2009, le correspondant marocain de l’agence MAP, Havidh Elbaghali, était sommé de quitter le territoire mauritanien dans un délai de 24 heures, accusé d’être un agent de la DGED. Depuis, la tension allait crescendo.

Alors que Mohamed Ould Abdelaziz a présidé l’Union africaine en 2014 et que la lutte contre le terrorisme exige des actions concertées sur le terrain dans le cadre du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad), le président a pu se sentir floué lors des dernières tournées africaines de Mohammed VI qui n’a pas fait escale en Mauritanie. Plusieurs médias rapportent d’ailleurs que le président mauritanien n’aurait pas apprécié que le roi du Maroc n’ait pas accepté de le rencontrer en marge du sommet Inde-Afrique à New Delhi, en octobre 2015.

Autre sujet de mésentente, deux des principaux opposants au régime d’Ould Abdelaziz ont trouvé asile au Maroc. Son cousin, et autrefois allié, Ould Bouamatou, gère ses milliards depuis Marrakech, tandis que Moustapha Limam Chafi a installé sa famille à Rabat.

En février 2016, le Maroc avait renoncé à l’organisation du sommet arabe qui devait se tenir deux mois plus tard à Marrakech, avançant que « les conditions objectives pour garantir le succès d’un sommet arabe, à même de prendre des décisions à la hauteur de la situation et des aspirations des peuples arabes, ne sont pas réunies  ». Ignorant cette position, la Mauritanie s’était alors annoncée comme remplaçante au pied levé. Un affront pour le Maroc, qui avait refusé de recevoir à deux reprises le ministre mauritanien des Affaires étrangères, Isselkou Ould Ahmed Izidbih, muni d’une invitation à remettre à Mohammed VI pour ce sommet arabe.

Autre affront, ce coup de téléphone, relayé par les médias mauritaniens, d’Ould Abdelaziz à Mohamed Abdelaziz, l’ex-chef du Polisario, le jour même où Mohammed VI célébrait le 40e anniversaire de la Marche verte en grande pompe à Laâyoune. Le mois suivant, en septembre 2015, des militaires mauritaniens hissaient leur drapeau dans la commune marocaine de Lagouira. Réaction immédiate du Maroc : le ministre des Affaires étrangères de l’époque Salaheddine Mezouar, le général Bouchaïb Arroub, ex-commandant de la zone Sud, et le directeur de la DGED Yassine Mansouri se rendaient à Nouakchott pour demander des explications à Ould Abdelaziz.

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