"Gravité de la situation du pays", le manifeste d'une soixantaine de personnalités

Un collectif d'une soixantaine de personnalités, pour beaucoup réputées proches de la gauche, signent un manifeste pour « attirer l'attention sur la gravité de la situation actuelle de notre pays, dont la campagne de boycott ne constitue qu'une des manifestations saillantes ».

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Il est plus que temps de répondre en profondeur aux attentes exprimées par la campagne de boycott pour l’actualité et le devenir du pays, et de tirer les leçons du passé et de ce qui est en train d’advenir depuis huit semaines », réclament une soixante de personnalités, intellectuels, enseignants-chercheurs, politiques et hommes d’affaires dans un manifeste publié ce jeudi 14 juin. Objectif affiché : « attirer l’attention sur la gravité de la situation actuelle de notre pays, dont la campagne de boycott ne constitue qu’une des manifestations saillantes ». 

Parmi les signataires, on compte notamment l’ancien président de la CGEM Hassan Chami, les politiques Omar Balafrej et Nabila Mounib, l’intellectuel de gauche Mohammed Sassi, l’homme d’affaires Karim Tazi, l’économiste Najib Akesbi, ainsi que des journalistes. 

« Les manifestations populaires de ces dernières années et les formes diverses qu’elles ont revêtu constituent une protestation légitime contre l’état général du pays. Après l’élan d’espoir de 2011, le capital de confiance s’est graduellement érodé, du fait des déceptions successives, dues en particulier à l’abandon des promesses de lutte contre la corruption et le système de rentes, à la dégradation des secteurs sociaux et au maintien en veilleuse des institutions de gouvernance, » diagnostiquent les signataires pour expliquer « des mouvements sociaux dans plusieurs régions du pays. »

 « L’Etat y a répondu à chaque fois de la même manière : il commence par faire la sourde oreille, puis il passe à l’intimidation et aux accusations de trahison, puis revient aux tentatives de dialogue, avant de recourir aux menaces qui finissent en répression souvent disproportionnée. » Plus loin, ils citent en exemple : « le mouvement du 20 Février, des divers mouvements politiques d’opposition, des activistes de la société civile, des jeunes du Hirak du Rif, de Jerada, de Zagora et d’autres régions, et la presse indépendante ».

Ils poursuivent : « La campagne de boycott qui a commencé il y a huit semaines, tout en s’inscrivant dans ce cadre général, a innové en permettant aux citoyennes et citoyens de toutes conditions et dans toutes les régions de s’exprimer et de s’inscrire dans le mouvement social. Elle a en outre mis à nu les limites de la politique du tout-répressif comme moyen d’endiguer les protestations et à en neutraliser les effets matériels. »

Parce que la campagne de boycott « représente un mouvement de protestation de masse sans précédent » et « s’impose sans équivoque sur les scènes politique, économique, sociale et culturelle », elle exprime, selon le manifeste, « les souffrances de larges pans de la société » : baisse du pouvoir d’achat et montée des inégalités sociales, système de rente et de corruption, et misère des politiques sociales. « Le boycott présente en outre l’avantage ultime de ne pas donner prise à la répression que l’Etat mobilise régulièrement contre les protestataires, » analyse le document.

Pour les responsabilités, le manifeste désigne les médias publics qui « se contentent d’une couverture superficielle, et refusent de donner la parole aux analystes et aux intervenants de tous bords pour un débat profond et contradictoire à propos de la crise actuelle ». 

Mais également le gouvernement et les entreprises concernées par le boycott. « Les sorties irresponsables de certains de ses membres, son silence radio total au début de la campagne, sa rétention de l’information, l’ont réduit à un rôle de défense des entreprises concernées. Les entreprises concernées n’ont pas réagi de manière appropriée car elles n’ont pas saisi les changements structurels et stratégiques. »

Le Parlement est également dans le viseur : « Le parlement a trop tardé à présenter le rapport de la commission d’information des députés sur les prix de vente des carburants, qui a révélé les profits exorbitants et indécents engrangés par les compagnies de distribution depuis la « libéralisation » des prix.»

En définitive, le manifeste en appelle « à toutes et à tous de faire de cette crise l’occasion de corriger la situation et d’oeuvrer à en sortir par le haut, en préconisant des actions immédiates et en indiquant les approches pertinentes et les initiatives requises pour le rétablissement de la confiance, prérequis à la réponse efficace aux revendications légitimes d’aujourd’hui et de demain. »

Communiqué sur la campagne de boycott by TelQuelOfficiel on Scribd

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