En France, un département déserté table sur le cannabis pour se redynamiser

Emmanuel Macron avait lancé cet automne un défi aux élus de la Creuse: innover pour redynamiser l'un des départements les plus défavorisés de France. Aujourd'hui, ils lui proposent de se lancer dans la culture et la transformation du cannabis à vocation thérapeutique.

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Ce projet, qui pourrait apporter des millions d’euros à cette zone sinistrée par la désertification rurale, située dans le centre de la France, ne paraît plus si loufoque puisque la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, vient d’ouvrir le débat sur l’utilisation de la molécule du cannabis, « qui peut être intéressante pour le traitement de certaines douleurs très invalidantes« .

La France est en retard: une dizaine de pays de l’Union européenne – dont l’Espagne, la Suisse ou la Grèce – a déjà autorisé le cannabis à des fins médicales.

En octobre dernier, le président Emmanuel Macron avait proposé aux élus locaux un « Plan Particulier pour la Creuse« , qui a vu sa population chuter à 120.000 habitants contre plus de 200.000 dans les années 30. A charge pour eux de revenir vers lui avec des solutions innovantes.

Chiche, lui répondent-ils, emmenés par Eric Corréia, président du Grand Guéret, préfecture du département. Cet infirmier anesthésiste, formé à la prise en charge des douleurs, a rallié le député local du parti présidentiel La République en Marche, Jean-Baptiste Moreau, dont l’attaché parlementaire, l’infirmier addictologue Vincent Turpinat, défend désormais la démarche.

« Au début on s’est montré méfiants. Bien que convaincu de l’intérêt médical de cette plante, le député sait que le sujet est sensible en France et que les confusions sont vites faites » avec les usages récréatifs, dit-il. « Ce que nous défendrons pour la Creuse, c’est la possibilité d’expérimenter la plantation de cannabis à vocation médicinale, sa transformation, sa valorisation économique et sa distribution contre suivi médical strict et sous contrôle de l’État« .

Les millions de dollars et les 18.000 emplois créés au Colorado, qui a légalisé le cannabis il y a trois ans, font rêver Eric Coréia. « Autant vous dire que 10% de tout ça me suffirait amplement pour la Creuse ! »

Reste à rallier l’opinion. La semaine dernière, à Guéret, quelque 200 habitants se pressent à une réunion d’information organisée par le lobby citoyen NormL, dont les spécialistes santé et droit accompagnent la démarche.

Olivier Bertrand, médecin addictologue et cofondateur de l’association, vante le « consensus médical international » sur les effets calmants du cannabis pour tous les troubles liés « aux cancers et au sida, contrecoups des chimiothérapies, trouble de l’humeur et autre radiothérapies…« . Glaucome, syndrome de Tourette, sclérose en plaques… la liste est longue.

« Pourtant en France, le patient qui essaye de se procurer du cannabis sera exposé à un triple risque : sanitaire en se procurant la molécule sur le marché noir, sécuritaire puisqu’il est contraint de la rechercher auprès de circuits illégaux et enfin judiciaire puisqu’il s’expose à des poursuites« , explique-t-il. Pour Béchir Bouderbala, juriste de l’association, une filière thérapeutique expérimentale en Creuse concernerait « un peu moins de 300.000 patients français susceptibles d’être répondants aux molécules thérapeutiques du chanvre« .

Car pas question pour les malades de se rouler un joint. « Ce que nous demandons c’est le droit de faire pousser du chanvre bio pour en exploiter les parties riches en molécules soignantes et, sur place, de les transformer en médicaments, avec la mise en place d’une entreprise publique pour contrôler la filière (et) des professionnels de santé dédiés« , comme en Israël, Espagne ou Suisse, dit Eric Corréia.

Avec à la clef dès la première année, « 500 à 1000 emplois directs dans le département, sans parler des emplois induits et des retombées économiques« , énumère Béchir Bouderbala.

« Ici il y a la place, le terroir qu’il faut, mais également le savoir-faire, puisque la Creuse jusqu’au XIXe siècle était un important territoire de culture de chanvre« , renchérit Marien Sablery. Ce jeune Creusois en cultive encore, mais pour ses débouchés réglementaires « bâtiment, alimentation animale, fibres vestimentaires« . « Le chanvre thérapeutique serait une diversification d’avenir innovante pour nos métiers qui souffrent tellement« , plaide-t-il.

Prochaine étape des élus, une rencontre avec le président pour présenter leur démarche avec en ligne de mire la naissance d’une filière dès 2019.

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