Bombardier Transport attend "des signes du gouvernement" pour investir à Kénitra

Alors qu'en novembre 2017, Bombardier Transport annonçait un calendrier précis pour l'ouverture d'une nouvelle usine à Kénitra d'ici 2020, rien n'est aujourd'hui moins sûr. Le géant canadien attend "des signes du gouvernement marocain" pour réaliser son investissement estimé à 670 millions de dirhams.

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Laurent Troger, président de Bombardier Transport, lors de l'International Transport Forum. Crédit: Capture d'écran YouTube/ IntTransportForum

Le 22 novembre dernier, le président de Bombardier Transport Maroc, Taoufiq Boussaid, disait vouloir « augmenter ses ambitions au Maroc ». Il annonçait notamment son intention d’ouvrir une unité de production en 2020 dans la zone franche de Kénitra (étalée sur 145.000 m²).

Les travaux devaient débuter fin 2018, pour un montant de 60 millions d’euros (près de 670 millions de dirhams), voire même plus en comptant le transfert de technologie et de la formation.

Des investissements sous conditions

Interrogé par Telquel.ma en marge du Forum international des transports lié à l’OCDE, tenu à Leipzig du 23 au 25 mai, le président de Bombarbier Transport, Laurent Troger, n’a pas voulu confirmer ce calendrier, qui semble aujourd’hui bien plus incertain.

S’il réaffirme que Bombarbier Transport « a une volonté d’investir et d’être un partenaire du Maroc à long terme, et a déjà démontré sa volonté en localisant des activités manufacturières pour l’aéronautique », il estime cependant que les investissements envisagés « dépendent de la volonté du gouvernement marocain de montrer également de son côté des signes d’investissement« . Le groupe canadien avait déjà exprimé sa volonté de se positionner sur le projet de LGV entre Casablanca et Agadir, qui se fait pour l’instant attendre.

Concernant le projet d’usine, il précise que le groupe a terminé la phase de préparation et est désormais « dans l’attente d’une décision du gouvernement« . L’usine pourrait intervenir sur des projets de trains à grande vitesse, de métros, de tramways, de trains régionaux…

« La difficulté n’est pas dans le type de train, c’est de trouver avec le gouvernement des projets qui vont justifier des investissements plus lourds« , indique Laurent Troger.

Sans ce signe de la part des autorités publiques, on comprend entre les lignes que l’usine pourrait bien ne pas voir le jour. « Tout investissement est toujours porté par une équation économique. Si vous n’avez pas de retour sur investissement, il n’y aura pas d’investissement », avance le président de Bombardier Transport.

Et quand bien même 60% de la production envisagée pour la nouvelle usine serait destinée à l’export, comme l’avait indiqué Taoufiq Boussaid en fin d’année, « cela ne fait pas 100%, il reste tout de même 40% », relève Stroger. Il poursuit : « Aujourd’hui, tout le monde veut avoir sa propre usine. Nous sommes présents dans 60 pays et avons actuellement 34 usines. C’est déjà beaucoup ».

Quant à savoir s’il s’agit d’un rétropédalage par rapport au calendrier avancé en novembre dernier, le président reste vague : « Nous parlons d’investissements sur 50 ans, cela ne se passe pas sur trois ou six mois ». Toutefois, il se veut tout de même rassurant : « Il n’y a pas de remise en cause, cela ne m’inquiète pas ».

Dans l’ombre d’Alstom

Présente au Maroc depuis 2011, la branche ferroviaire de Bombarbier n’est pour l’instant positionnée que sur deux marchés. Le premier est un premier contrat à 15 millions d’euros, de rénovation de 14 trains ONCF circulant sur la ligne Casablanca-Rabat, qui est aujourd’hui arrivé à échéance.

L’autre est un marché de modernisation du système de signalisation des 130 km de voie des lignes Kénitra-Rabat-Casablanca-Zenata et des 230 km Sidi Yahya (près de Kénitra) reliant Tanger-Med est en cours, pour un montant de 85 millions d’euros.

« A ma connaissance, il n’y a pas d’autre appel d’offres en cours auquel Bombardier participe« , indique Laurent Troger. « Quand on compare à Alstom qui a gagné beaucoup de marchés… il y a visiblement un intérêt économique à travailler davantage avec Alstom qu’avec d’autres partenaires« , avance le président de Bombarbier Transport. Pour lui, la balle est dans le camp du gouvernement et de l’ONCF : « Ce n’est pas mon rôle de décider pour eux« , insiste-t-il.

Pourtant en novembre dernier, Taoufiq Boussaid avait déclaré : « Nous ne nous sentons pas défavorisés face à Alstom ou Siemens (…) Quand il y a eu l’appel d’offres pour la signalisation de la LGV jusqu’à Tanger, Bombardier l’a remporté sans pour autant avoir l’historique d’Alstom ».

Le géant français Alstom, qui a récemment annoncé son mariage avec l’allemand Siemens, est présent au Maroc depuis les années 1970, emploie près de 350 salariés dans le secteur ferroviaire et est en première ligne sur le projet de LGV, dont la mise en service est prévue fin août.

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En février dernier, Alstom a remporté un contrat pour la fabrication et la fourniture de 30 locomotives électriques « nouvelle génération » pour renforcer le parc du matériel « Voyageurs », après avoir gagné en octobre 2017 le marché de la fourniture de 22 tramways à Rabat-Salé pour un montant de près de 45 millions d’euros. « Si le Maroc continue à acheter chez Alstom, il n’y a pas beaucoup d’intérêt pour Bombarbier d’investir au Maroc« , prévient Laurent Troger.

L’Afrique dans le viseur

Sur le reste de l’Afrique, le président de Bombardier Transport déclare être « sur beaucoup de projets« , qu’il ne souhaite pas mentionner « pour ne pas éveiller la compétition« , dit-il dans un trait d’humour.

Il s’agit à la fois de l’Afrique francophone et anglophone. « La vraie difficulté concerne la structure légale et financière de ces pays. Or les anglophones ont des structures très satisfaisantes », estime-t-il.

Selon lui, « l’Afrique est à un moment de prise de conscience de la nécessité d’investir dans des projets d’infrastructures. La question pour ces pays est de savoir si ces investissements seront publics à 100% ou s’il y a besoin d’une part privée. On voit beaucoup de gouvernements avancer significativement dans cette problématique ».

Laurent Stroger précise que son groupe est très présent en Afrique du Sud, « l’un des premiers pays à assurer ce type de développement, en particulier dans le réseau de fret ». L’Egypte, le Maroc et l’Algérie ont aussi un développement important en particulier dans l’environnement urbain, analyse-t-il.

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