Zafzafi à la barre pour s'expliquer sur son irruption dans une mosquée

Les événements du 26 mai 2017 ont dominé les échanges entre Nasser Zafzafi et le juge, lors de l'audience de ce mardi 24 avril à la Cour d'appel de Casablanca.

Par

RD

Pour Nasser Zafzafi, comparaitre devant le juge est également l’occasion de s’adresser à la presse, présente en masse à la salle 7 de la Cour d’appel de Casablanca, où son procès et celui de 53 autres détenus du Hirak se déroule depuis octobre 2017.

Ce mardi, le leader du mouvement de protestation rifain entamait son interrogatoire en exprimant son soutien à la campagne de boycott de Sidi Ali, Afriquia, et Centrale Laitière. « D’ailleurs, j’aimerais plutôt boire l’eau du robinet si possible », plaisante-t-il, une bouteille d’eau minérale à la main. Des ricanements nerveux se font entendre dans le public. L’interrogatoire commence.

Le juge revient sur les événements du 26 mai 2017. Ce jour-là, Nasser Zafzafi a, selon le parquet, interrompu le prêche du vendredi à la mosquée Mohammed V à Al Hoceïma, et incité les fidèles à s’insurger contre les appareils de l’Etat. Cet incident avait débouché sur des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre, et déclenché une vague d’arrestations de militants du Hirak.

Le leader du mouvement est d’ailleurs poursuivi pour « entrave volontaire de l’exercice d’un culte ou d’une cérémonie religieuse, occasionnant volontairement un désordre de nature à en troubler la sérénité ». Ce délit est puni d’un emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende de 200 à 500 dirhams.

Fitna et complot

Nasser Zafzafi crie au « coup monté contre le Hirak », et accuse le ministère des Habous d’en être l’instigateur. « Pourquoi dans tout le Royaume, le prêche du vendredi avait porté sur le ramadan, sauf dans la province d’Al Hoceïma, où les imams ont tenu un discours politique, de nature à condamner ce qu’ils appellent la fitna ? N’y a-t-il pas plus flagrante fitna que cela? », s’interroge-t-il hargneusement.

Pour lui, la fitna (la discorde) telle que mentionnée par l’imam faisait allusion aux manifestations du Hirak. Pourtant, si elle condamne bel et bien la discorde, la khotba (le prêche), dont nos confrères de Médias24 avaient publié une copie intégrale, ne cite pas nommément le mouvement de contestation, ni son leader Nasser Zafzafi.

« Il faut éviter la Fitna. Rien dans la religion ne permet ni ne justifie la destruction des biens… L’appel à la désobéissance, les troubles, par le mensonge, la falsification, est condamné par le Prophète lui-même. Il faut s’assurer des informations avant de réagir, » lit-on sur le document publié par nos confrères.

En outre, il s’avère que Nasser Zafzafi était au courant du contenu du prêche avant même la tenue de la prière. Quelques heures plus tôt, son frère Tarek lui avait indiqué par téléphone que la khotba avait fuité, et qu’elle s’attarderait sur la personne de Nasser Zafzafi ainsi que les manifestations du Hirak. Une intervention préméditée?

Le leader du mouvement affirme néanmoins qu’il n’a pas interrompu la prière. « J’écoutais le prêche depuis les escaliers de ma maison, qui se trouve à quelques centaines de mètres de la mosquée. En fait, je n’ai posé pied à l’intérieur du bâtiment qu’au moment où les fidèles se retiraient, criant au scandale contre l’imam », soutient-il au tribunal.

Dans une vidéo tournée après le prêche, et publiée sur YouTube le 26 mai, il rapportait une version différente : « Lorsque je suis rentré dans cette mosquée, j’ai entendu parler de fitna [discorde] et d’instabilité […] je suis intervenu, car ces propos ne le concernent que lui [l’imam, NDLR] et non les musulmans ».

Mais son avocat, Me Mohamed Aghnaj l’appuie en relevant à son tour une contradiction entre les deux dépositions de l’imam. « Chez la Brigade nationale de la police judiciaire, il dit que Nasser Zafzafi se trouvait déjà à l’intérieur du lieu de culte quand le prêche a été interrompu, mais chez le juge d’instruction, il indique avoir vu Nasser Zafzafi faire irruption dans le bâtiment ».

Selon la reconstitution de Médias24, « Zafzafi fait son entrée au moment où l’imam s’assoit pour marquer la pause entre les deux parties du prêche ». Et c’est à ce moment là qu’il prend la parole. « Que signifie la fitna alors que la majorité des jeunes ne trouvent rien à manger? Que signifie la fitna alors que les chaînes de télévision d’État diffusent des images de femmes dénudées dans le cadre de Mawazine? », lance-t-il alors, comme en témoigne une vidéo de la scène.

Aux yeux de Nasser Zafzafi, le prêche du vendredi 26 mai 2017 enfreignait les dispositions de l’article 41 de la Constitution, « puisque l’imam s’est permis d’émettre une fatwa condamnant les manifestations du Hirak. Or selon le texte, le Conseil supérieur des oulémas est la seule instance habilitée à prononcer les fatwas officiellement agréées, sur les questions dont il est saisi, et ce, sur la base des principes, préceptes et desseins tolérants de l’Islam, » déclare-t-il au tribunal.

Zafzafi se réfère également à un discours de Hassan II, prononcé le 27 mars 1987 à l’occasion de la première Rencontre internationale des khatibs. « Dans son discours, le Commandeur des croyants appelle les khatib à éviter les messages politiques et partisans. C’est Amir al mouminine qui le dit, pas moi », lance-t-il. Suite du procès jeudi 26 avril.

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