Le pouvoir de la Task Force FIFA est “extrêmement violent et peu démocratique”, juge un expert

La commission technique de la FIFA, chargée d'évaluer les candidatures à l'organisation de la Coupe du monde de football 2026, est en visite au Maroc jusqu'à ce jeudi 19 avril 2018. Nous avons interrogé un spécialiste du droit du sport sur sa légitimité.

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L'avocat Laurent Sablé estime qu'un recours pourrait être engagé devant le Tribunal arbitral du sport à Lausanne. Crédit: Montage TelQuel

En 2015, Laurent Sablé, avocat associé au sein du cabinet UGGC, avait défendu la Fédération royale marocaine de football (FRMF) dans le litige qui l’opposait à la Confédération africaine de football (CAF), à propos de l’accueil de la Coupe d’Afrique des nations (CAN).

Même si cet expert estime que la Task Force de la FIFA est juridiquement légitime, il estime qu’un recours pourrait être engagé devant le Tribunal arbitral du sport (TAS) pour condamner « l’étendue exorbitante de ses capacités« , en cas de rejet du dossier marocain avant le vote de l’Assemblée générale de la Fédération internationale de football, le 13 juin prochain à Moscou.

TelQuel.ma: Selon vous, la Task Force de la FIFA a-t-elle une légitimité juridique?

Laurent Sablé: Oui, car elle a été approuvée de manière conforme par le comité exécutif. Le problème, c’est que statutairement, cet organe administratif non élu a le pouvoir d’éliminer une candidature avant le vote du Congrès, instance souveraine constituée de toutes les fédérations nationales adhérentes.

C’est extrêmement violent et peu démocratique, puisqu’il se pourrait – je n’ose pas imaginer une seule seconde, mais je suis peut-être un peu naïf – que la candidature du Maroc soit invalidée par la Task Force. Cela battrait en brèche tous les discours de Gianni Infantino sur la transparence et l’éthique.

Le président de la FRMF a dénoncé l’ajout à la dernière minute de certains critères particulièrement restrictifs. Cela peut-il être une circonstance aggravante?

Je crois qu’il y a deux choses. Sur le fond, les critères qui ont été ajoutés sont quand même très discriminants, parce qu’on a l’impression qu’ils ont été ajoutés ad hoc pour compliquer la candidature du Maroc. Et le faire 24 heures avant le dépôt des dossiers techniques, c’est clairement une atteinte aux principes généraux de transparence, de liberté et d’égalité des candidatures.

De quelles voies de recours dispose le Royaume?

Un recours pourrait être engagé devant le Tribunal arbitral du sport (TAS), comme en 2015. On peut tout à fait imaginer une requête sur les fondements généraux du droit, car on ne peut pas priver le Congrès de son pouvoir d’attribution. Le TAS ne s’est jamais prononcé sur l’étendue exorbitante des capacités de la Task Force. On peut imaginer une décision juridictionnelle qui les critiquerait.

N’est-il pas déjà trop tard?

Le TAS a jusqu’à 21 jours après le différend pour être saisi. Mais le monde a changé: l’affaire se jouera alors autant sur la place publique que sur le terrain du droit. On ne peut plus faire n’importe quoi. Il ne faut pas que le Maroc se laisse faire. C’est pour cela que je trouve que la communication et la réponse de Fouzi Lekjâa ont été extrêmement appropriées. S’il y a une prise de conscience que l’invalidation de la candidature pourrait aboutir à un ramdam médiatique, Gianni Infantino fera en sorte que la Task Force se contente d’émettre des réserves.

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