Égypte: Sissi réélu avec plus de 90% des voix, selon la presse d’État

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Le président sortant Abdel Fattah Al-Sissi est assuré de l'emporter, faute d'adversaires crédibles. Crédit: KENZO TRIBOUILLARD/AFP/Getty Images

Le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi a remporté plus de 90% des voix à la présidentielle, selon les premières estimations publiées jeudi par la presse d’État. Le taux de participation est inférieur à 50%, d’après les mêmes sources.

Selon le quotidien Al-Ahram, M. Sissi a obtenu 92% des voix. Environ 23 millions de personnes ont participé au scrutin, sur quelque 60 millions d’électeurs. Le quotidien d’État Akhbar al-Yaoum et l’agence officielle Mena fournissent des chiffres similaires.

Les premières estimations étaient attendues jeudi en Égypte, après trois jours d’un scrutin présidentiel où le taux de participation est le seul véritable enjeu pour le sortant Abdel Fattah al-Sissi, assuré de l’emporter faute d’adversaires crédibles. Les bureaux de vote ont fermé mercredi à 22H00 locales (20H00 GMT), après une courte prolongation d’une heure. Aucun chiffre officiel sur la participation n’avait été publié à la clôture du scrutin. Les résultats officiels seront proclamés le 2 avril, mais des estimations partielles ont été publiées jeudi par la presse locale.

Les trois jours de scrutin se sont déroulés sans incident notable, sous la protection ostensible des forces de sécurité après un attentat samedi à Alexandrie (nord), dans lequel deux policiers ont été tués. Malgré une certaine affluence lundi à l’ouverture du scrutin, la fréquentation des bureaux de vote était en baisse mardi et mercredi, ont constaté des journalistes de l’AFP. Le tout sous les encouragements pressants des autorités à aller voter.

Chants patriotiques et repas gratuits

À la télévision publique et dans la rue, des chansons patriotiques ont été diffusées pour inciter les Égyptiens à accomplir leur devoir de citoyens. Des électeurs ont même eu droit à des repas et collations gratuits devant certains bureaux de vote, a constaté l’AFP, sans pouvoir identifier précisément l’origine de ces généreuses donations. Devant plusieurs bureaux, des tentes dressées par des commerçants locaux ou des organisations caritatives accueillaient les passants au son de musiques populaires ou patriotiques.

Mercredi, lors d’une conférence de presse, le porte-parole de l’Autorité nationale des élections Mahmoud el-Chérif a parlé d’une « une affluence massive devant les bureaux de vote », assurant qu’il n’y avait pas eu de violations de la loi électorale. Il a souligné la mobilisation au Caire, à Guizeh, à Alexandrie et dans le Sinaï, sans toutefois donner de chiffres précis.

Une amende de 22 euros pour les abstentionnistes

Élu en 2014 avec 96,9% des voix, M. Sissi, 63 ans, avait pour seul adversaire Moussa Mostafa Moussa, 65 ans, le chef du minuscule parti libéral Al Ghad, méconnu du grand public et partisan affiché du régime. D’autres candidats potentiels, parfois plus crédibles que M. Moussa, avaient été soit emprisonnés pour violation de la loi, soit s’étaient dits découragés, en raison de pressions des autorités.

Dans ce contexte, le pouvoir redoute surtout un taux d’abstention élevé, susceptible de décrédibiliser l’élection. Les abstentionnistes seront ainsi sanctionnés, a annoncé mercredi l’Autorité nationale des élections. « Ce n’est pas quelque chose de nouveau », a insisté M. Chérif, évoquant une loi punissant d’une amende de 500 livres maximum (22 euros) « tout ceux qui, sans excuse, ne votent pas ».

La veille, le Premier ministre Chérif Ismaïl a exhorté les électeurs à voter. « C’est un droit constitutionnel et un devoir pour la nation de tous les citoyens ». Les médias favorables au régime relatent, comme les autorités, la bonne organisation des élections, l’absence de problème sécuritaire ou encore la couverture sans difficultés majeures pour les médias étrangers.

Un candidat « fantoche »?

À la présidentielle de 2014, le taux de participation avait atteint 37% après deux jours de scrutin, puis 47,5% après une prolongation d’une journée. Seules quelques personnalités de l’opposition ont appelé avant les élections au boycott du scrutin, qu’ils ont qualifié de « mascarade ». Ils ont vite été rappelés à l’ordre par le président lui-même qui, sans les nommer, a prévenu, dans un discours fin janvier, qu’il ne tolérerait pas qu’on joue avec « la sécurité » de l’Égypte.

Au cours de la campagne, l’aspect politique a été éludé par les deux candidats, qui n’ont pas débattu sur le fond autour de leurs projets respectifs. M. Mostafa Moussa, qui nie être un candidat fantoche venu légitimer l’élection, n’adresse aucune critique à son adversaire, rappelant même ses nombreuses réalisations durant son premier mandat. Dans une interview télévisée la semaine dernière, M. Sissi avait affirmé ne pas être responsable de l’absence de concurrents sérieux. « J’aurais aimé que soient présents un, deux, trois ou 10 des meilleurs » candidats.

Populaire en raison du retour d’une certaine stabilité en Égypte, après les années de troubles ayant suivi le soulèvement populaire de 2011, l’ex-maréchal est arrivé au pouvoir un an après avoir destitué l’islamiste Mohamed Morsi, premier président égyptien élu démocratiquement, mais vite devenu impopulaire. M. Sissi est régulièrement critiqué par les dissidents, les organisations nationales et internationales de défense des droits de l’Homme, qui dénoncent des graves violations des libertés individuelles et la répression implacable de toute opposition.

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