OCP: 100 milliards de dirhams pour un nouveau plan d'investissement

Pour développer ses capacités de production dans les axes centre et sud du pays, le géant mondial des phosphates a besoin d’investir une centaine  de milliards de dirhams. Où compte-t-il les trouver ? En procédant notamment au recouvrement de sa créance de TVA auprès de l’État, qui s’élève à 20 milliards. Le point.

Par

Mine de phosphate de l'OCP. Crédit: DR

Un “petit” chiffre pour se rafraîchir la mémoire et se rappeler l’ampleur des moyens mis en œuvre : 20 milliards de dollars en vingt ans. C’est ce que vont représenter, à terme, en espèces sonnantes et trébuchantes, les vastes programmes de développement du géant national et mastodonte mondial des phosphates. L’Office chérifien des phosphates (OCP) enchaîne les programmes de développement et les joint-ventures, avec pour objectif de produire davantage de produits à haute valeur ajoutée, notamment les fameux engrais phosphatés bien plus “bankables” que la roche, dont le premier exportateur mondial maîtrise depuis longtemps la production.

Cette semaine, l’entreprise a tenu son conseil d’administration, annonçant dans la foulée, le 22 mars, ses résultats financiers. Le point d’orgue de cette sortie est la validation d’un second plan d’investissement, activé après la conclusion du premier plan qui avait nécessité 75 milliards de dirhams. Une première phase qui a permis à l’OCP de porter sa production de 4 millions de tonnes en 2007, à 12 millions de tonnes d’engrais phosphatés. La production de roche est passée, elle, de 30 millions de tonnes à 44 millions. “Aujourd’hui, nous sommes sur la phase d’atterrissage”, explique une source autorisée. Dans les trois prochaines années, la capacité de production devrait augmenter de trois millions de tonnes supplémentaires, nous assure la même source.

Créer une activité chimique à Laâyoune

Le nouveau programme prévoit un investissement d’une centaine de milliards de dirhams d’ici 2025. Objectif : “Capter au moins 50% de la croissance mondiale en engrais phosphatés et progresser en parts de marché”, nous assure un membre de la direction d’OCP Group. Si la première phase s’était concentrée sur la plus importante région en termes de production, le nord (Khouribga–Jorf Lasfar), la nouvelle salve d’investissements, qui se feront à 80% au niveau national, va se focaliser sur deux axes. Le premier est Laâyoune-Boucraâ, où des investissements pour produire chaque année un million de tonnes d’engrais ont été consentis. Les projets ont d’ores et déjà été enclenchés. Les études ont été lancées et les appels d’offres sont prêts. Un projet de laverie est en cours, et le futur port est en phase finale d’adjudication. “On va créer une activité chimique à Laâyoune, avec le recrutement de 500 locaux qui sont actuellement en formation”, nous assure-t-on.

Le second axe est celui du centre. Il concerne les sites de Benguerir-Youssoufia-Safi. Ce dernier est au stade d’études de conception. L’innovation n’est qu’une partie des investissements pour la transformation chimique qui se fera entre Benguerir et Youssoufia, alors que cette industrie est historiquement faite dans les régions portuaires pour des raisons logistiques. L’objectif est de produire de l’acide au plus près de la mine, puis de le transporter à travers un pipeline à Safi pour produire des engrais et ainsi optimiser au maximum les coûts. Un troisième axe de développement se fera à l’international, avec la poursuite des efforts sur le continent. A ce propos, un indicateur est intéressant à examiner : il s’agit de la part de marché mondiale de l’OCP sur les engrais phosphatés, qui est passée de 11 à 22% au cours des dix dernières années. Une croissance créée et non pas des parts de marché prises aux concurrents. Cela signifie que le groupe a capté de la croissance, notamment en Afrique. Ainsi, en 2007, le Maroc exportait 50 000 tonnes d’engrais vers ce marché. En 2017, ce sont 2,5 millions de tonnes qui ont été écoulés sur le continent.

Tout naturellement donc, le groupe compte continuer à investir, en optimisant au maximum les investissements, notamment au Nigeria et en Ethiopie. Deux marchés vastes (respectivement 186 millions et 102 millions d’habitants), le Nigeria disposant de gaz naturel qui, avec les engrais phosphatés, est utilisé pour produire de l’ammoniaque. Quant à la plateforme de production construite avec l’OCP en Ethiopie, elle va produire, elle, des engrais à base de potasse, utilisant le gaz local, ainsi que l’acide phosphorique du groupe marocain.

Cela amène un autre point de la stratégie du leader mondial : la production d’engrais “customisés” — qui est de l’ordre de 40% actuellement. Il s’agit de produits avec une formule mélangeant avec précision des nutriments adaptés à la nature du sol et au besoin des cultures qu’il cible. Soit, au final, des engrais à très forte valeur ajoutée.

Cherche 20 milliards de DH

Pour mener à bien cet ambitieux programme de développement, le groupe a besoin de financements. On nous assure que l’opération est tout à fait finançable, d’autant que l’OCP mise sur une palette diversifiée de ressources, allant du cash au financement bancaire, en passant par le recours à l’agence de développement, aux appels au marché obligataire, voire l’international, etc. Mais tout en se voulant rassurant, le groupe insiste sur le recouvrement de sa créance de TVA auprès de l’Etat, qui s’élève à près de 20 milliards de dirhams. “Les conditions de financement seraient meilleures avec le remboursement de la TVA dans les meilleurs délais”, nous déclare notre source, quand on l’interpelle sur le niveau d’endettement de l’OCP. La question a d’ailleurs figuré au menu du conseil d’administration. “Le conseil a approuvé les comptes et décidé de réserver un prochain conseil pour traiter de la question du remboursement de la TVA”, nous précise-t-on.

Outre l’ardoise TVA, se pose la problématique de l’endettement, central pour ce qui est des ressources pour le financement des ambitions du géant des phosphates. Une rencontre entre le wali de Bank Al-Maghrib et le patron de l’OCP était d’ailleurs en préparation à l’écriture de ces lignes. Du côté de l’OCP, on insiste sur le fait qu’il s’agit d’une réunion entrant dans le cadre des contacts permanents avec les institutions financières du pays. L’argumentaire concernant l’endettement est le même que celui déployé l’année dernière par le top management. “Les concurrents sont à des taux d’endettement similaires, alors que pour le cas de l’OCP, on investit plus”, avance notre source. Elle en veut pour preuve l’indicateur admis par les agences de ratings qui se base sur la dette nette rapportée à l’EBITDA (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement). Dans le cas de l’OCP, elle est de 3,5. “Les effets positifs se feront ressentir dans les prochaines années, car pour le moment nous sommes dans la phase charnière où l’on a décaissé mais pas encore encaissé”, poursuit-elle, insistant à nouveau sur la TVA qui ramènerait à elle seule cet indicateur à 2. Cela aura un double effet : ramener du cash pour alléger la trésorerie, mais aussi augmenter la capacité d’endettement.

à lire aussi

Rejoignez la communauté TelQuel
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous

Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer