"Wash Hna Houma Hna", caméra-cachée sociétale choc de 2M

Emission de société, "Wach Hna Houma Hna" donne rendez-vous aux téléspectateurs avec des situations pour le moins embarrassantes de la vie quotidienne. Elle a pour objectif de faire bouger les consciences et susciter le débat sur des thèmes pas forcément abordés sur les canaux audiovisuels publics. Explications.

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Image extraite de l'une des séquences de Wash Hna Houma Hna, sur les petits écrans à partir du lundi prochain. DR

Comment auriez-vous réagi face à une boulangère qui refuse de servir une personne pour le simple motif que cette dernière soit noire de peau? Un pédophile pris en flagrant délit mérite-t-il le lynchage public? Interviendriez-vous pour remettre à sa place ce col blanc présomptueux, humiliant un campagnard entré en première classe du train? Et que faire quand, sans fard, un harceleur sexuel persiste dans son acte abject devant une station de bus ? C’est le genre de questions que l’émission Wash Hna Houma Hna (« Sommes-nous nous même? ») traitera mensuellement sur la chaîne 2M.

Ce concept d’expériences sociales télévisuelles est une première dans le paysage audiovisuel marocain. Avec un clin d’œil dans le titre à la célèbre chanson de Nass El Ghiwane, ce programme de 12 épisodes de 52 minutes chacun débutera ce lundi 12 mars à 21h30 sur la deuxième chaîne.

« Il s’agit de mettre en situation réelle des comédiens customisés et accessoirisés pour se fondre dans le décor et filmer à travers des dispositifs de caméra cachée ultra sophistiqués pour voir quelle est la réaction des gens », explique Driss Bennani, producteur exécutif de l’émission. Il précise que l’objectif est de décortiquer des réalités sociales.

Un certain reflet de la société

Racisme, sexisme, violence, intégrité, charlatanisme, précarité… Wash Hna Houma Hna tentera, à travers des témoignages authentiques et spontanés, de lever un coin du voile d’une société marocaine en perpétuelle évolution. « Cette émission ne prétend pas apporter des vérités, mais simplement poser des questions pour que les gens dans leurs foyers, au bureau ou dans la rue s’expriment et s’approprient le débat », développe Driss Bennani.

Animée par Hicham Masrar, figure connue du grand public, cette première saison diffusera dans chaque épisode deux situations par la suite décryptées par des experts. La parole sera ensuite donnée à un « grand témoin », dans une interview intimiste mettant en évidence une histoire à raconter en fonction de la thématique traitée. « Nous avons constitué un comité scientifique qui a bénévolement participé à la mise en place des situations« , ajoute-t-il.

L’émission ne prétend pas jouer le rôle d’un institut de sondage ou réaliser une étude quantitative sur le comportement des Marocains. « Nous faisons de la télé engagée certes, mais nous n’avons pas l’intention de nous substituer au rôle des scientifiques », rassure le producteur. D’où l’intitulé de l’émission qui ne mentionne aucunement le terme « Marocains ».

Laisser des acteurs créer des situations de tension ne manque pas de provoquer certains dérapages. « En tournage, nous avons eu des réactions au-dessus de toute espérance, au point qu’on ne pouvait montrer certains extraits violents« , atteste Moulay Ahmed Belghiti, président de Videorama.

Il fallait ensuite s’adjuger l’accord des personnes filmées, au lieu de flouter des visages ou de changer l’intonation de voix. « Tout un travail en parallèle a été réalisé afin que des héros simples du quotidien acceptent de témoigner après-coup« , rapporte-t-il.

En outre, le dirigeant de la société de production fait remarquer que les réactions des femmes, tout au long de cette première saison, sont évocatrices d’une certaine tendance dans la société. « Désormais, ce sont les femmes qui s’imposent, qui ont la rage de vivre et qui prennent une position de rébellion« , relève-t-il.

Carte blanche à 2M

Pour rendre abordable des thématiques sociales parfois taboues, un dispositif de premier plan a été déployé par la société de production Vidéorama : des images aériennes de Casablanca, une mobilisation d’au moins 10 caméras pour chaque situation, 50 personnes à l’œuvre pendant 2 mois de tournage après un an de préparation.

Pensée en 2013, Wash Hna Houma Hna faisait office d’ovni lors de sa présentation dans le cadre du premier appel d’offres de 2M. « Nous avons défendu notre concept en exposant devant la commission de choix des programmes un épisode pilote de 37 minutes », se rappelle Driss Bennani qui ne souhaitait pas reproduire « une émission relatant des faits sociaux ».

Entre temps, d’autres formats étaient finalisés. C’est le cas de la version marocaine de Fort Boyard (Jarizat Al Kanz) ou encore Aji Nt7arko (Bougeons-nous) qui avaient mobilisé l’équipe de Wach Hna Houma Hna. « On s’est donné un temps de préparation pour bien roder la machine« , explique le producteur.

Avec des échanges souvent crus, voire des insultes (bipées au montage), le programme aurait pu recevoir un niet catégorique des responsables de la deuxième chaîne, relevant du pôle public et coproductrice de l’émission. Ceci étant, « une très grande marge de manœuvre vous est proposée lorsque vous défendez votre projet avec respect des personnes et en jouant votre rôle de faire bouger les consciences », relève Bennani.

« 2M offre une liberté de ton à deux conditions : être capable d’assumer ses choix, et respecter les règles professionnelles« , explique notre interlocuteur. En ce sens, il affirme que la chaîne d’Aïn Sebaâ a de surcroît encouragé le producteur à aller plus loin dans son traitement.

Un concept, des émissions

Le concept de l’émission n’est pas sans rappeler celui de Cam Clash, une émission au format court de la société de production parisienne 2P2L, diffusée à partir de 2014 sur France 4, et désormais disponible sur YouTube.

Dans la région MENA, c’est la plainte du producteur égyptien d’une émission également portée sur les expériences sociales qui a fait couler beaucoup d’encre. Ce dernier accuse Vidéorama de lui avoir « volé son concept ».

L’émission intitulée Assadma (le choc) diffusée sur la chaîne arabe MBC a démarré en 2016. « Nous disposons toujours du document officiel qui atteste que le contrat de production, contresignée par 2M, date du mois de janvier 2014″, affirme pour sa part Driss Bennani.

Gardant au frais l’émission-pilote réalisée courant 2013 avec le même générique et les mêmes techniques de tournage, le producteur exécutif préfère ironiser: « Comment aurais-je pu plagier quelque chose qui n’existait pas ? »[/encadre]

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