Intelligence artificielle pour besoins bien réels

L'intelligence artificielle est au centre de toutes les avancées technologiques. En marketing, c'est un must have. Abdellatif Laroui, data scientist et enseignant-chercheur marocain spécialisé dans ce domaine, décode l'importance de cette discipline et rend compte du retard que le Maroc doit rattraper.

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« Il faut savoir que nous ne sommes pas face à une évolution technique, mais nous assistons bel et bien à une révolution qui va nous submerger en remettant en cause nos habitudes, nos certitudes et nos convictions les plus profondes« , résume Abdellatif Laroui, expert marocain en intelligence artificielle et data science. C’est que l’intelligence artificielle, ou plutôt le machine learning, pour reprendre l’appellation qui désigne l’apprentissage automatique par une machine, révolutionne tout le secteur technologique.

Dans le domaine scientifique, l’IA aide à trouver des remèdes contre le cancer. Microsoft a par exemple développé une IA pour cartographier le système immunitaire, remarque le professeur Laroui.

Nous voyons aussi se développer des systèmes prédictifs pour déterminer, par exemple, l’organisation de feux de signalisation à travers l’apprentissage de patterns. L’IA a été élaborée afin de « résoudre des problèmes, de prendre des décisions, de planifier des tâches et d’optimiser des ressources« , énumère le professeur.

Elle est capable d’effectuer des diagnostics, faire des prédictions, simuler des situations, croiser des données, afin de faire émerger des formes, des profils et des similitudes, liste-t-il encore.

L’IA nous donne une connaissance fine des attentes des clients et permet de combiner « le profil, le produit et le désir d’achat« . Par ailleurs, elle vient répondre au phénomène de rejet de la publicité classique, en apportant des réponses sophistiquées. « Sans être subliminale, la publicité doit parler à l’inconscient en contournant le néocortex et ses filtres d’analyses« , pense Laroui.

Retard à rattraper

L’expert rappelle que dans  80% de notre temps, nous agissons en mode « pilotage automatique« . Une donne qui doit pousser les marketeurs à affiner leurs méthodes. « Cela signifie que pour chaque client, il faudra personnaliser son besoin et son désir d’achat. En combinant les techniques IA de profiling avec les techniques de neurosciences, il devient possible de déterminer avec une précision inégalée la manière d’influencer un consommateur. Encore mieux, l’IA, de par sa capacité prédictive, peut, si elle dispose de suffisamment de données, anticiper le besoin d’achat d’un consommateur avant qu’il n’en soit conscient lui-même« , explique-t-il. Et de conclure : le marketing devrait faire sa « chrysalide », conseille le spécialiste.

Pour ce faire, il faut des ressources humaines pointues, et pour l’heure le Maroc accuse un énorme retard qu’il devrait œuvrer pour rattraper aussi vite que possible. Si les GAFA tiennent le haut du pavé, les Etats s’y mettent. La Chine, le Japon et l’Inde avancent à grand pas.

En France, le député Cedric Villani, prix Fields (l’équivalent du Nobel en mathématiques) planche sur une stratégie IA. Mais en Afrique et notamment au Maroc, cela reste marginal, même si quelques startups et « des individualités, souvent formées dans les écoles et universités occidentales, sont à l’affut de cette discipline« , remarque le data scientist. Le royaume reste consommateur d’algorithmes « open source » et rarement producteur.

Abdellatif Laroui préconise de former davantage de chercheurs et d’ingénieurs dans ce domaine. « Mais comment le faire si nous ne disposons pas de centres de recherche scientifique. Nous ne formons pas de chercheurs et les grandes entreprises marocaines n’ont pratiquement pas de département R&D?« , rappelle-t-il.

Pour l’heure, l’intelligence artificielle est enseignée en simple matière mais pas en tant que discipline à part entière, se désole-t-il. Or, une solide formation en IA ne se limite pas à la maîtrise du code et de l’algorithmique. « Elle doit nécessairement être pluri et transdisciplinaire et non du seul ressort de l’informatique« , préconise-t-il.

Et pour cause, construire un système intelligent capable de dialogue et d’interactions avec les humains nécessite des connaissances en linguistique, en psychologie ou encore en sociologie et en neurosciences, précise le spécialiste. « L’IA fait partie des sciences de la complexité et l’informatique n’est là que pour transformer en algorithme ses modélisations« . En somme, nous pourrions laisser les machines davantage « penser« , encore faut-il penser à le faire de manière efficace.

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