Procès du Hirak : les médias au centre d'une nouvelle audience sous tension

Le procès des 54 détenus du Hirak reprenait lundi, après une pause d'environ une semaine. À la barre, Hamid El Mahdaoui menace de porter plainte contre le roi des Pays-Bas. Plus mesuré, le directeur du site Rif 24 se défend de toute connivence avec de présumés soutiens financiers du Hirak.

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Hamid Al Mahdaoui.

Les journalistes présents pour couvrir la reprise du procès du Hirak le 19 février ont eu la surprise de constater que les contrôles d’identité à l’entrée de la Cour d’appel de Casablanca avaient été renforcés.

Alors que nous avions pris l’habitude d’accéder au tribunal via une porte donnant sur le boulevard Mohammed V, un agent de sécurité nous somme de faire le tour et de passer par le portail principal, jouxtant le boulevard des Forces armées royales. « Nouvelles directives« , explique-t-il. Nous nous exécutons.

Au moment de passer le portail, nous sommes interpellés par une personne en civil qui nous demande le motif de notre présence, puis de présenter notre carte presse ainsi qu’une pièce d’identité.

Dans la cabine du préposé, deux autres journalistes subissent le même sort, dont une correspondante française de Mediapart venue couvrir le procès pour la première fois. Alors que nous discutons avec la journaliste française au sujet de ces consignes inédites, l’homme nous prend en aparté et nous intime de « nous mêler de nos affaires« .

Lorsque nous sommes enfin autorisés à entrer, nous décelons une atmosphère lourde dans les rangs des journalistes, excédés par ces nouvelles mesures. Certains se disent même prêts à le signaler le bureau du procureur général, sans que cela soit réellement suivi d’effet.

Avec une heure et demie de retard, le procès peut enfin reprendre dans la salle 7, où moins de proches des détenus ont fait le déplacement qu’à l’accoutumée. L’audience se déroule face à une assistance essentiellement composée de journalistes, donc. À la barre également, défileront deux journalistes ce jour-là.

Quand Mahdaoui veut porter plainte contre le roi des Pays-Bas

L’audience de Hamid El Mahdaoui est à l’image des séances précédentes. Le journaliste gesticule, hurle, esquive les questions du juge et ne rate aucune occasion de rappeler à l’auditoire qu’il est jugé « en raison de son intégrité journalistique« .

À peine a-t-elle débuté que l’audience s’enlise dans un échange virulent entre la défense et le président du tribunal qui affirme avoir refusé, lors de la dernière séance, la demande d’écoute des appels téléphoniques interceptés entre l’accusé et Brahim Bouazzati.

« Nous n’avons pas été notifiés de cette décision« , proteste Me Aghnaj pour la défense. Imperturbable, le juge Ali Torchi invite les avocats à consulter le procès-verbal de la séance précédente.

Lire aussi: Procès du Hirak : le one-man-show de Hamid El Mahdaoui

Hamid El Mahdaoui continue, autant que faire se peut, de démontrer l’invalidité des accusations retenues contre lui. Avec la hargne qu’on lui connait désormais, il annonce être décidé à porter plainte contre le roi et l’ambassadeur des Pays-Bas, dont il soupçonne la « complicité » dans cette affaire.

« Comment se fait-il que le gouvernement néerlandais n’ait à aucun moment réagi au propos d’un individu résident aux Pays-Bas, et qui me confirme l’achat d’armes et de chars dans l’optique de les introduire au Maroc?« , peste-t-il.

Le journaliste profite ensuite de sa prise de parole pour « exprimer son soutien à son confrère et directeur du quotidien Akhbar Al Yaoum », en référence à Taoufik Bouachrine, condamné le 12 février pour avoir écrit dans ses colonnes que les ministres Aziz Akhannouch et Mohamed Boussaid avaient retiré subrepticement ses prérogatives d’ordonnateur du Fonds de développement rural à Abdelilah Benkirane, alors chef du gouvernement, au profit d’Akhannouch. Information qui avait été vivement contestée par les ministres des Finances et de l’Agriculture.

Les médias une nouvelle fois appelés à la barre

Ce fut ensuite au tour d’un autre journaliste, Mohamed Asrihi, directeur du site Rif24.com, de se présenter à la barre, avec un ton qui tranche avec le précédent accusé. Calme et pondéré, il répond aussi succinctement que possible aux questions du juge.

« Je ne faisais que couvrir le Hirak« , répète-t-il, niant toute connivence avec les membres du mouvement de protestation, mais aussi avec Farid Oulad Ait Lahcen, membre du mouvement séparatiste du 18 septembre, dont le nom revient à plusieurs reprises depuis le début du procès.

« Tu as avoué que c’est Farid Oulad Aït Lahcen qui a financé l’achat des draps blancs, arborés par les manifestants lors de la marche des linceuls« , lui lance le juge, citant la déposition de l’accusé chez le juge d’instruction. Mohamed Asrihi nie et conteste la validité des procès-verbaux de la Brigade nationale de la police judiciaire et du juge d’instruction.

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