Nabila Mounib: "Jamais d'alliance avec les islamistes"(2/2)

Après une première partie consacrée au paysage sociopolitique marocain, la secrétaire générale du Parti socialiste unifié aborde cette fois ses rapports avec les autres formations politiques. Interview.

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Crédit : Yassine Toumi/TELQUEL

Au PSU, vous dites que vos militants sont harcelés par les autorités. Comment ce harcèlement se traduit-il?

Nous avons toujours été ciblés. Dans la logique de l’État, il faut choisir entre la soumission ou les poursuites. Nous avons des militants contre qui pèsent pas moins de 20 chefs d’accusation. Actuellement, nous sommes à nouveau dans le viseur à cause du soutien que nous apportons au Hirak du Rif. Mais nous n’avons pas peur. Nous allons continuer notre combat pour démolir le mur de la peur.

Avant votre prochain congrès, Abdeslam El Aziz a été réélu à la tête du Congrès national ittihadi (CNI) avec pour mission d’unifier les partis de la Fédération de la gauche. Qu’en pensez-vous?

Une recommandation de notre Conseil national stipule que nous devons nous unifier avant les prochaines élections. Sur le terrain, nous avons participé aux élections communales et régionales avec le même symbole et nous disposons d’une plateforme politique qui constitue une première depuis la Koutla nationale. Cependant, il ne s’agit pas que d’une équation arithmétique. Nous visons une refondation de la gauche et la porte est ouverte à tous les militants.

Où en êtes-vous dans les préparatifs du 4e congrès qui se tiendra en janvier 2018 ?

Nous sommes dans la ligne droite et nous avons trois plateformes qui ont été soumises au débat. Nous sommes un parti qui a adopté le principe des courants pour éviter les scissions et garantir une vraie démocratie interne. Il en va aussi de l’unité de notre parti. Nous avons organisé des débats autour desdites plateformes dans plusieurs régions et toutes les remarques seront prises en compte lors du congrès.

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Le moment venu, nous pourrions par exemple fusionner les trois plateformes si cela va dans le sens des intérêts et de l’avenir du parti. Nous avons besoin de toutes les idées et de toutes les compétences pour dépasser la crise de la gauche, et continuer notre combat pour le changement.

Certains vous accusent de prendre des décisions sans consulter vos camarades. Que répondez-vous?

Absolument pas ! Il m’arrive juste de prendre des initiatives pour mieux concrétiser les décisions prises de manière collective. Il s’agit d’une différence d’appréciations et, lors du congrès, tout le monde pourra s’exprimer et formuler les critiques et les idées qu’il voudra.

Il y a quelques jours, Al Adl Wal Ihsane a célébré l’anniversaire du décès de Abdeslam Yassine et tous les partis de gauche étaient présents,à l’exception du vôtre. Êtes-vous toujours en froid avec la Jamaâ ?

Nous sommes des démocrates. Quand Yassine était assigné à résidence, notre journal le défendait au jour le jour et cela n’a jamais été le cas de la Jamaâ envers nous. Les Adlistes sont là comme composante politique, mais ils représentent une négation pour nous et notre parti.

Malgré cela, nous avons ouvert des débats non pas pour une éventuelle alliance, mais pour savoir ce qu’ils pensaient de l’État civil et des libertés individuelles. Ils sont porteurs d’un projet de société différent du nôtre et ils n’ont pas renouvelé leur littérature.

Aucune alliance ne pourra être scellée avec eux, comme avec les mouvements religieux. Le nombre ne nous intéresse pas. Je rappelle que, même lors du Printemps arabe, ils étaient fortement présents dans la rue, mais il n’y avait jamais eu de coordination entre nous. Et quand ils ont décidé de se retirer du Mouvement du 20 février, ils n’ont consulté personne. Nous avons d’abord besoin d’une cohérence de positions qui pourraient mener au changement.

Vous avez suscité beaucoup de réactions après votre participation à une rencontre à Istanbul sur l’Islam politique…

C’était une rencontre autour de la religion et de la politique en relation avec la gestion de la chose publique. Cette rencontre a été organisée par une ONG basée à Genève en coopération avec le ministère suisse des Affaires étrangères et j’y ai été conviée en tant que chercheuse et femme politique.

Une année plus tard, j’ai été choquée par le communiqué de la chaîne Al Jazeera, sachant que j’ai assisté à une rencontre sur quatre et où j’ai pris la parole pendant 10 minutes exactement. Mon intervention portait sur la nécessaire séparation de la religion et de la politique et il n’était nullement question de quelque rapprochement avec les islamistes.

Quelques camarades ont très mal pris ma participation à cette rencontre, mais nous avons dépassé cette polémique. De toutes les manières, nos relations avec les mouvements islamistes seront à l’ordre du jour lors du prochain congrès.

Qu’en est-il de vos relations avec Annahj Addimocrati ?

Ce sont des camarades. Il y a du respect mutuel. En 2005, nous nous sommes retrouvés ensemble au sein de la Gauche démocratique et autour d’une plateforme commune. À cause de différends, nos chemins se sont séparés, mais l’éventualité qu’on se retrouve à nouveau n’est pas à écarter.

Par Nour-eddine Igajan (Telquel arabi)/ Editing: Mohammed Boudarham

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